« L’électeur doit être libre de voter »

Après deux référendums, en 2018 et en 2020, la commission de contrôle de l’organisation et du déroulement de la consultation est de retour sur le territoire, sous la présidence toujours de Francis Lamy. Elle aborde le scrutin avec pragmatisme.

C’est la troisième fois que Francis Lamy préside cette commission, désormais bien connue des Calédoniens. Elle est composée de cinq membres. Le conseiller d’État est accompagné d’autres habitués : Sophie Lambremon et Robert Parneix, conseillers honoraires à la Cour de cassation présents lors des précédents scrutins, et de deux magistrats du tribunal administratif de Nouméa, Jean- Edmond Pilven et Christophe Ciréfice. Leur rôle demeure identique : veiller à la régularité et la sincérité du scrutin, rectifier au besoin la liste électorale spéciale, qui fait l’objet de demandes d’inscription jusqu’à la dernière minute, assurer la proclamation des résultats.

Les 252 délégués, attendus début décembre, seront leurs yeux dans chacun des bureaux de vote du territoire. Parmi eux 120 magistrats, des cadres de préfecture ou de ministère dont 90 ont déjà participé aux précédents scrutins. Un avion spécial a été affrété pour les faire venir. À leur arrivée, ils effectueront leur septaine en hôtel et seront testés. Un travail est également prévu avec les experts de l’ONU, dont la mission est jugée « complémentaire ».

« Une part de surprise à chaque scrutin »

Si chaque référendum a ses particularités, Francis Lamy reconnaît un « contexte nouveau » avec l’appel à non-participation des indépendantistes. « La commission respecte ce choix. C’est une question de liberté politique », souligne-t-il. Comme stipulé auparavant, une faible participation n’est pas à même de remettre en cause juridiquement la validité du scrutin puisqu’il n’y a pas d’obligation de voter. Le Conseil d’État a eu l’occasion de le dire lors de contentieux en Métropole dans le contexte du Covid pour les élections municipales en 2020.

En revanche, si la faible participation résulte d’autres raisons, avec par exemple des personnes empêchées de voter, alors la commission serait amenée à en tirer toutes les conséquences. « La commission est très attentive à ce que chaque électeur puisse s’exprimer librement. La non-participation doit être le choix de l’électeur et nous y veilleront. Mais il n’y a pas de raison de penser qu’il n’en sera pas ainsi. » Francis Lamy observe que les maires, qui interviennent comme agents d’État pour le vote, s’inscrivent dans leur mission. Il prévoit de les rencontrer dans les prochains jours.

Mais s’il est aisé d’observer les opérations dans et autour des bureaux de vote, comment s’assurer que les électeurs sont libres par ailleurs ? « La commission s’appuiera sur les moyens de l’État, par exemple, pour s’assurer que les voies seront ouvertes. » En matière de propagande – les enveloppes seront plus vides qu’à l’accoutumée et les panneaux d’affichage probablement aussi – Francis Lamy concède qu’« en termes d’information aux électeurs, c’est moins satisfaisant » mais, là encore, rien n’est de nature à remettre en cause le scrutin.

Quoi qu’il arrive, la commission « appréciera la situation dans la nuit précédant l’annonce des résultats et nous indiquerons alors nos conclusions ». En 2020, elle avait jugé « regrettables » les manifestations qui pouvaient s’assimiler à des pressions aux abords de bureaux de vote, mais avait estimé que ces incidents n’avaient pas altéré la sincérité du vote. Les résultats du scrutin peuvent être contestés devant le Conseil d’État. En 2020, un recours concernant ce contentieux avait été rejeté.

 


Un manque d’assesseurs

La commission doit veiller à ce que les bureaux soient « complètement réunis », comme le prévoit la loi. Une interrogation concerne les assesseurs (deux par bureau de vote) qui sont, normalement, désignés par les groupes politiques habilités. Les groupes indépendantistes ont appelé à la non-participation et n’ont pas procédé à cette démarche. Une problématique potentielle sachant qu’ils dirigent 21 mairies sur 33. Et que les maires risquent des sanctions si leur bureau n’est pas réglementaire.

Les trois groupements loyalistes doivent, eux aussi, désigner un assesseur par bureau, soit 287 au total. Et il manque aussi du monde de ce côté, en particulier dans des zones géographiques isolées ou « compliquées », soulignent des Loyalistes. Le problème est notamment qu’il faut être électeur de la commune (on peut en revanche être simplement inscrit sur la liste générale).

Heureusement, un dispositif du code électoral prévoit que le maire a le pouvoir de désigner des élus ou des électeurs en tant qu’assesseurs qui sont alors tenus de répondre à la réquisition et d’intégrer les bureaux de vote. Si le maire ne prend pas sa décision, ce pouvoir se substitue alors au haut-commissaire.

 


Les documents de propagande envoyés aux Calédoniens

La propagande officielle du troisième référendum est en cours d’acheminement vers les foyers calédoniens. Elle concerne les 184 000 électeurs de la liste spéciale. La mise sous pli a été effectuée mardi et mercredi à la mairie de Nouméa, par 80 jeunes essentiellement de l’École de la réussite ou recrutés à l’Espace jeunes de la province (étudiants ou demandeurs d’emploi), entourés de 25 encadrants de l’OPT et du haut-commissariat. Les jeunes volontaires sont rémunérés pour cette opération. « C’est un acte utile et citoyen », commente Pascal, encadrant de l’École de la réussite, persuadé de « l’importance d’aller voter ».

L’Office des postes et des télécommunications a mobilisé entre 15 et 18 agents pour le tri. L’acheminement se fait ensuite vers le centre de traitement postal pour un redéploiement sur l’ensemble du territoire. Caroline Chalier, responsable du centre de tri s’est réjouie de « l’excellente cadence » observée sur les deux jours.

À noter qu’il a fallu adapter le centre de tri au contexte de crise sanitaire. Les participants ont passé des tests antigéniques, la distanciation a été appliquée entre les personnes et le travail à la chaîne a été supprimé pour éviter les contacts.

 

Les jeunes ont bénéficié d’une sensibilisation aux gestes barrière et d’une information sur la citoyenneté.

 

Au plus tard le 10 décembre

Autre particularité de cette édition : on trouvait sur les tables uniquement les professions de foi des Voix du Non et de Calédonie ensemble, les autres partis habilités pour cette campagne n’ayant pas remis ces éléments. En revanche, chaque enveloppe contient bien les deux bulletins, l’un pour le Oui et l’autre pour le Non. La distribution a débuté mercredi matin dans les communes du centre. Elle s’effectue à partir de ce jeudi à Nouméa et dans le Grand Nouméa (90 000 enveloppes).

Les documents partiront vers les Îles vendredi pour une distribution à partir de lundi. Les derniers servis recevront les documents au plus tard le vendredi 10 décembre dans les endroits les plus reculés.

 

Chloé Maingourd (© C.M.)