Lecornu : « Le retour des moyens » en Nouvelle-Calédonie

Inauguration le lundi 4 décembre du nouveau quai des patrouilleurs outre-mer de la base navale, à Nouméa. Photo : C.M.

Avant l’ouverture du sommet dédié à la Défense, le ministre des Armées Sébastien Lecornu a consacré une partie de sa première journée, lundi 4 décembre, à valoriser les investissements de l’État en Nouvelle-Calédonie dans le cadre de la loi de programmation militaire.

Amarré à son quai, flambant neuf, inauguré pour l’occasion, le patrouilleur Auguste Bénébig, arrivé en avril dernier à Nouméa, a fière allure. Le navire de nouvelle génération présente trois fois le tonnage (1 300 tonnes) d’un bâtiment comme La Glorieuse. Il peut parcourir 10 000 kilomètres, projeter des drones, présente des moyens de renseignement et de connectivité très importants.

Sa mission : « protéger notre zone économique exclusive contre la pêche illégale, les pollutions, aider d’autres partenaires de la région jusqu’au nord du Pacifique », retrace Sébastien Lecornu. Avec le Jean Tranape, attendu en 2025, la France passera de 110 à 160 jours de mer mis à disposition des partenaires. « Il y a vraiment un avant et un après qui est en train de se dessiner », se réjouit le ministre.

L’après, c’est aussi l’arrivée en 2024 d’un engin de transbordement, Le Sabre, le remplacement en 2027 des deux avions de patrouille maritime Gardian. Pour l’armée de l’air, il est question du renouvellement de deux hélicoptères, d’un nouvel avion-cargo, de déployer plus facilement l’A400M.

17 MILLIARDS D’INFRASTRUCTURES

À bord de l’Auguste Bénébig, Sébastien Lecornu évoque les 17 milliards de francs d’investissements directs prévus pour les infrastructures du territoire sur la période 2024-2030. L’essentiel vise à mettre l’armée dans de bonnes conditions, à entretenir les trois bases.

Sébastien Lecornu se défend de vouloir remilitariser la Nouvelle-Calédonie ou d’investir dans des « moyens létaux ».« Il y a surtout eu un sous-investissement choisi par les gouvernements successifs pendant des années. Il suffit de pousser la porte d’un bâtiment de la base aérienne de La Tontouta, de la base navale ou du quartier des Fanc pour voir qu’il y a un rattrapage important à faire. »

Le « besoin de réinvestir dans notre outil de défense » s’explique aussi par des missions de sécurité civile « très durcies, militarisées », notamment de secours aux personnes. « Nos catastrophes naturelles, quelles que soient nos opinions politiques, s’abattent sur la région, donc soit on est passifs, soit on y répond. On a choisi d’y répondre. »

Le ministre ajoute que ces investissements vont permettre de faire travailler les entreprises du bâtiment et des travaux publics. 1,6 milliard de francs (13,4 millions d’euros) ont ainsi été injectés pour la réalisation du quai des patrouilleurs outre-mer.

Le nouveau quai des patrouilleurs, qui mesure 130 mètres de long pour 8 de large, a été conçu pour accueillir jusqu’à 4 patrouilleurs pouvant aussi venir de nations alliées comme Fidji ou la Papouasie, pour des escales ou des exercices. Photo: C.M.

200 RÉSERVISTES SUPPLÉMENTAIRES

Après les équipements et les infrastructures, les moyens humains. La Nouvelle-Calédonie compte près de 2 000 militaires, dont 500 réservistes. L’ambition est d’en ajouter 200. L’objectif de doublement prévu en Métropole ne semble pas atteignable.

Une série de conventions a été signée entre les Fanc et plusieurs employeurs (Chambre de commerce et d’industrie, Medef-NC, OPT, province Sud, SLN, etc.) pour faciliter la mobilisation des salariés. « En cas de montée en puissance, on ne peut pas se dire que les forces ne viennent que depuis Paris. On sait le faire et on saura le faire de plus en plus vite d’ailleurs, mais on doit être capable d’avoir un premier niveau d’alerte et de réactivité sur le territoire », explique le ministre.

C’est, d’après lui, une occasion pour les Calédoniens de se spécialiser, d’apprendre des métiers liés au génie, de donner un coup de main aux bases, aux régiments, d’intégrer le Service de santé des armées.

La feuille de route Indo-Pacifique en matière militaire commence donc à se concrétiser sur le territoire. « Le retour des moyens, selon Sébastien Lecornu, permet d’être au rendez-vous et plus disponible quand un pays ami en a besoin. » Il fait savoir qu’il n’y est pas étranger ayant « quasiment rédigé la copie » pour la Nouvelle-Calédonie.

Le général Yann Latil, son ancien conseiller militaire à Paris devenu commandant supérieur des Fanc, fait aussi partie de ceux qui ont réfléchi à cette feuille de route et doivent maintenant la dérouler. « Évidemment, être dans une dynamique favorable en termes d’investis- sement est satisfaisant, explique-t-il. Nos soldats ne redoutent rien de plus que d’être désœuvrés, ce qui n’arrive plus aujourd’hui, ou d’être mal équipés. Les moyens prévus dans la LPM permettent cette visibilité. »

Il est question de « 5 milliards d’euros » (près de 600 milliards de francs) au total pour les équipements, les infrastructures et les forces de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, a annoncé Sébastien Lecornu.

Chloé Maingourd


« Tirailleurs »

Baptême du quartier « Bataillon mixte du Pacifique » lundi 4 décembre à Nouméa. Photo : C.M.

Sébastien Lecornu a choisi d’entamer ce séjour par des séquences mémorielles. Une démarche effectuée pour mettre en lumière l’engagement de Calédoniens pour la France (1 000 Kanak notamment lors de la Première Guerre mondiale). Un quartier de la pointe de l’Artillerie a été baptisé du nom du « Bataillon mixte du Pacifique » en présence de Nicolas Koindredi, descendant du tirailleur Isidore, originaire d’une tribu du bord de mer de Païta.

Le bâtiment de la direction de l’administration sanitaire et sociale de l’armée a été nommé « Acôma Nerhon », en mémoire d’un autre tirailleur de Houaïlou, infirmier militaire devenu pasteur, enseignant et petit chef de la tribu de Nédivin. Le ministre a formulé un appel aux élus à ainsi nommer des rues, des écoles, des hôpitaux. « Si des mémoires peuvent être une source de tension, d’autres peuvent servir à la réconciliation. »