C’est une nouvelle aventure qui débute à Bourail dans quelques jours. Du 1er décembre au 28 février sur la plage de la Roche Percée, des soirées découverte de la ponte des tortues vont voir le jour dans le cadre d’une activité « réglementée et raisonnée ».
Dans une volonté de développer des filières économiques « respectueuses de l’environnement », la province Sud a souhaité engager une réflexion pour favoriser le développement d’activités d’observation des tortues mises en place par des professionnels comme l’observation en mer, via, par exemple, des bateaux à fond de verre, avec un zoom particulier sur la plage de la Roche Percée, lieu unique et propice, espère-t-elle, à l’instauration de la pratique du Turtle Watching.
Mais les tortues étant des espèces particulièrement sensibles, la collectivité doit d’abord évaluer les potentiels économiques d’une telle activité, les éventuelles contraintes et surtout les impacts sur les espèces. Pour cela, une étude de faisabilité a été confiée à l’Aquarium qui sera chargé de faire un bilan de cette nouvelle initiative (et des autres) après la saison de la ponte.

Visite guidée

Pendant l’été, on le sait, les tortues grosses têtes (Caretta caretta) viennent se reproduire dans le lagon de Bourail. La Roche Percée constitue leur deuxième site de ponte dans le Pacifique Sud. Durant toute cette période, les visiteurs seront accueillis du mardi au samedi. Le rendez-vous sera donné sur le premier parking de la Roche, à 20 heures. Regroupés derrière la crêperie, et en attendant l’arrivée des tortues, ils recevront d’abord des informations sur leur cycle de vie, les menaces qui pèsent sur ces espèces et les actions menées pour mieux les connaître et les protéger.

L’annonce de la ponte (si celle-ci se produit) sera donnée par les scientifiques de Bwära qui œuvrent sur la plage (monitoring, marquage). Les touristes longeront la plage par la route et seront menés sur décision de l’éco-garde à des points de repères bien spécifiques. Ils ne pourront s’avancer par groupes de trois ou quatre personnes que quand la situation sera sécurisée, quand la tortue aura commencé à pondre, par exemple. Ils seront positionnés à l’arrière des animaux pour observer la ponte, puis il en sera de même à partir du mois de janvier pour l’éclosion des œufs et l’émergence des jeunes tortues, jusqu’au retour à la mer.

L’Aquarium va mobiliser une équipe de six personnes chargées d’accueillir les visiteurs : chef de projet, bénévoles de l’Aquarium, jobs d’été de la région, volontaires du service civique ont été spécialement formés à l’encadrement des visiteurs et des tortues marines pour « assurer le meilleur déroulement possible des visites ». Ils travailleront en étroite collaboration avec les éco-gardes de l’association Bwärä tortues marines mais également la tribu de Gouaro et la zone côtière Ouest, parties prenantes dans le projet.

Analyse

Il s’agira pour l’Aquarium, à la fin de l’expérience, de tirer des leçons. Voir si cette activité peut perdurer et si oui, ce qui peut être amélioré. Le tarif de cette phase pilote est volontairement bas pour attirer : 1 000 F pour les adultes et 500 F pour les jeunes de 7 à 17 ans. (Pour des raisons de sécurité, les enfants de moins de sept ans ne sont pas acceptés). « C’est l’opportunité d’assister à un spectacle exceptionnel commente Richard Farman, le directeur de l’Aquarium. Et c’est aussi une démarche vertueuse : les visiteurs participent à l’effort de conservation puisque les sommes récoltées seront intégralement consacrées à la conservation des tortues marines à la Roche Percée via l’association Bwärä. »

Et l’impact sur les espèces, quel pourrait-il être ? « Le Turtle Watching* se passe très bien depuis bon nombre d’années à la plage de Mon Repos, en Australie, notre équivalent biologique, sans aucun impact, rassure Richard Farman. Il est important de démontrer que cette activité peut être louable quand elle est effectuée dans les règles. Et qu’elle peut permettre d’éviter que les gens fassent n’importe quoi. »

Dominique Lafage, président et co-fondateur de l’association Bwära, lui, ne cache pas qu’il était récalcitrant au départ. « Nous allons entamer notre 11e saison et nous arrivons depuis trois ou quatre ans à contrôler les impacts extérieurs, explique-t-il. Nous avons été contraints il y a quelques années d’organiser une telle activité parce que les gens affluaient mais beaucoup venaient quand même par eux-mêmes.» L’association a volontairement arrêté de faire de la publicité sur les pontes et la crainte est que le turtle watching attire des gens « en off », que les gens refusent de payer, qu’ils y aient des débordements. Mais Dominique Lafage espère que l’encadrement strict mis en place grâce aux moyens inédits apportés par la province, avec la présence notamment d’un gardien, permettra d’assurer une sécurité optimale.

Le président de l’association aimerait qu’une Maison de la tortue puisse voir le jour à La Roche, ainsi qu’un mini-aquarium où l’on pourrait accueillir les bébés tortues « oubliées » lors des pontes (de 0 à 10 tortues à chaque fois). Des structures supplémentaires qui pourraient plaire aux touristes toute l’année.