Le Soenc nickel inquiet pour les trois usines

Toute l’attention est portée sur la situation de Vale NC après l’annonce d’une possible fermeture de l’usine. Les deux autres métallurgistes sont dans une situation comparable. Les syndicats sont inquiets pour l’avenir du nickel calédonien et plus généralement pour l’économie qui en dépend très largement.

Les métallurgistes calédoniens font partie du top 10 des pays au monde où les coûts de production sont les plus élevés. Un record peu glorieux qui pourrait coûter cher aux Calédoniens. Les syndicats en ont parfaitement conscience, à l’image du Soenc nickel qui tenait son conseil syndical, le 21 juillet. Pour les responsables syndicaux, c’était l’occasion de faire le point après avoir rencontré le directeur général de Vale NC, Daryush Khoshneviss, quelques jours après la déclaration de Fabio Schvartsman, le PDG de la compagnie brésilienne, quant à une éventuelle fermeture de l’usine du Sud.
Après avoir rencontré les syndicats calédoniens en milieu de semaine, le directeur général s’est rendu au Brésil afin de présenter le rapport des auditeurs venus passer au crible la seule unité de production déficitaire du groupe en 2016. Si Daryush Khoshneviss s’est montré optimiste avant de prendre l’avion, les salariés sont pour le moins inquiets pour l’avenir de l’entreprise, mais surtout pour les près de 2 500 emplois, directs et indirects.
Pierre Tuiteala, le secrétaire général du Soenc nickel, explique pouvoir comprendre l’annonce du PDG dans le Metal Bulletin d’une fermeture ou d’une mise en veille, mais appelle Fabio Schvartsman à laisser l’équipe de Vale NC faire ses preuves. « Ces trois dernières années, les salariés ont réduit les coûts de production de 50 % et ont dans le même temps augmenté la production de 50 %, souligne le responsable syndical. On ne peut pas nous faire construire un pont et ne pas nous laisser le franchir. » Aujourd’hui, le coût de production serait de l’ordre de 11 000 dollars la tonne, contre 22 000 dollars un an plus tôt.

Une situation critique
Mais comme le rappelle Pierre Tuiteala, le nouveau PDG de Vale vient d’un tout autre univers que celui de la mine. En bon nancier, l’homme a la réputation de couper purement et simplement les branches malades. Les responsables du Soenc cherchent donc à mettre toutes les chances de leur côté en demandant le soutien des responsables politiques calédoniens, mais aussi métropolitains, en pro tant de la venue de la nouvelle ministre des Outre-mer, Annick Girardin, actuellement en visite sur le territoire.
L’appui des responsables politiques locaux ne fait pas vraiment de doute, reste qu’ils ne disposent d’aucune marge de manœuvre budgétaire. Les regards se tournent plutôt vers l’État qui a accordé son soutien aux
métallurgistes calédoniens l’année dernière. Comme le rappellent les syndicalistes, Vale NC a déjà bénéficié d’un prêt de 50 milliards de francs que l’industriel doit maintenant rembourser. Les conséquences d’une fermeture de l’usine du Sud seraient tout simplement catastrophiques, du point de vue social, mais surtout en termes d’équilibre du système économique calédonien. Sans les cotisations des travailleurs potentiellement au chômage, la Cafat serait confrontée à une équation insoluble.
Et c’est sans compter sur la situation des deux autres industriels. Les responsables de l’Usoenc ont récemment rencontré le directeur des ressources humaines d’Eramet, à Paris, qui a insisté sur la nécessité de réduire les effectifs de la SLN de 300 postes d’ici la fin de l’année. De la même façon, KNS fonctionne avec un four dont la production mensuelle est aux alentours de 1 500 tonnes. La direction, qui a consenti l’investissement pour la réfection du second four, attend elle aussi des résultats.
En ce qui concerne Vale, Daryush Khoshneviss ne s’est pas rendu au Brésil les mains vides. Le directeur général a quelques atouts dans sa manche à commencer par la production associée du cobalt. En plus de l’oxyde de nickel, l’usine du Sud produit du carbonate de cobalt dont le cours se porte plutôt bien et permet de compenser les pertes liées au nickel. Cette production associée ne peut toutefois être détachée de l’oxyde de nickel. Augmenter la production de cobalt revient donc à augmenter les pertes.
L’autre atout réside dans le projet Lucy, qui permettrait non plus de stocker des résidus humides, mais secs. Le gros avantage est de pouvoir réduire le coût de l’installation qui nécessiterait la construction d’un barrage aux coûts et risques très élevés. La réalisation de ce projet expérimental pourrait intéresser l’industriel pour ses autres installations dans le monde. Si le coût du projet est de seulement 500 millions de dollars contre 1,7 milliard pour le barrage, l’investissement n’a toujours pas été validé.

Prêts aux sacrifices
Le directeur général de Vale NC peut aussi compter sur l’abnégation des salariés, prêts à des sacrifices pour sauver l’outil de production et donc l’emploi pour le plus grand nombre. Milo Poaniewa, le président de l’Usoenc, rappelle ainsi que dans les années 80, alors qu’il travaillait à la SLN, des réductions de temps de travail avaient été acceptées par les salariés qui étaient passés à 35 heures puis à 37,5 heures. Des baisses de la masse salariale avaient également été opérées. Si la création d’une intersyndicale rassemblant tous les syndicats du secteur nickel n’est encore qu’une idée, le Soenc se dit d’ores et déjà ouvert au compromis. Pierre Tuiteala explique qu’il ne faut pas être passif mais, au contraire, que les salariés doivent être force de proposition afin d’éviter le pire scénario.
Des propositions, le Soenc, et plus généralement l’Usoenc, en avaient pourtant déjà faites. Le président de l’Usoenc souligne que, dès 2005, l’organisation du colloque international sur le nickel avait été l’occasion pour le mouvement d’avancer plusieurs propositions dont l’évocation ne manquera pas de nourrir quelques rancœurs à l’égard de la classe politique. Cette dernière avait validé la distribution des dividendes de la SLN, qui aurait pu et dû nancer la construction de la centrale, mais avait aussi et surtout montré son incapacité à définir une stratégie nickel pour le pays.
L’idée de la création d’une redevance nickel avait été avancée. Elle était censée assurer le financement de la diversification de l’économie. En 2015, le syndicat était revenu à la charge avec la proposition de rehausser la taxe super ciaire et l’obligation pour les entreprises de mettre en réserve l’équivalent d’une année de masse salariale, de façon à sécuriser l’emploi. Les syndicats restent suspendus à la décision des responsables brésiliens. La décision définitive n’est pas attendue pour tout de suite, mais Daryush Khoshneviss pourrait avoir de nouveaux éléments dans les jours à venir.
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La convention de partenariat avec la FGMM reconduite
Le Soenc commerce a profité de ce dernier conseil syndical pour reconduire sa convention de coopération qui le lie à la Fédération générale de la métallurgie et des mines. Cette coopération permet aux syndicalistes calédoniens de bénéficier de formations, en Nouvelle-Calédonie et en Métropole. La fédération apporte également son soutien et son expérience, particulièrement appréciables en cette période d’incertitudes. Philippe Portier, le secrétaire général de la FGMM-CFDT, était présent pour la signature.