Le rugby à 7 privé de Jeux du Pacifique : « Ce sont nos Jeux olympiques !»

Depuis novembre 2022, les joueurs, ici au tournoi des Maristes à Fidji, travaillent dur avec deux séances d’entraînement hebdomadaires supplémentaires, quatre au total avec des compétitions le week-end.© DR

À moins d’un retournement du CTOS, la sélection masculine de rugby à 7 ne participera pas aux prochains Jeux du Pacifique aux Salomon en novembre. Elle ne serait pas assez compétitive. Cette décision suscite l’incompréhension du milieu pour qui, au contraire, « tous les voyants sont au vert ».

Lundi 7 août. 18 h 30. Sur la pelouse du stade de Rivière Salée, staff et joueurs accusent encore le coup. « On ne s’attendait pas du tout à une telle décision, à quatre mois des Jeux, réagit Florian Sao, le capitaine NC7. On n’accepte pas. C’est très difficile, sachant tous les sacrifices des joueurs qui ont deux fois plus d’entraînements qu’en temps normal, ou qui ont mis des projets en suspens pour porter le maillot. »

Sefo Siega, vice-capitaine et international tricolore, ne cache pas non plus son désarroi. « On est vraiment déçus. On a vendu aux jeunes joueurs une préparation plus longue que ce qui se faisait auparavant, depuis novembre 2022. On commençait à former un groupe, à avoir des automatismes de jeu et forcément il y a cette crainte de devoir tout recommencer à zéro. »

L’un comme l’autre ont l’impression que les joueurs payent les pots cassés de la Ligue. « On ne comprend pas, on a l’impression de subir quelque chose qui ne nous regarde pas. » Les athlètes ont pu exposer leur point de vue lors d’une réunion avec le CTOS au Cise de Dumbéa. Ils attendent une décision finale.

Les dirigeants, Pierre Forest et Marc Perinet, évoquent un manque de respect pour les joueurs, le staff technique et les bénévoles, impliqués dans ce sport durant des années difficiles.© C.M.

« INGÉRENCE »

Entraîneurs et dirigeants ont contesté les arguments avancés par le CTOS (lire par ailleurs) devant la presse le 3 août : à savoir les résultats de 2019 ou la non-participation aux Oceania de 2022. Les résultats des derniers Jeux ne sont pas imputables à l’équipe actuelle, affirment les dirigeants. « L’objectif de 2023 était justement de faire mieux et de se rapprocher des résultats de 2015 [5e place, NDLR] », explique le vice-président de la Ligue, Pierre Forest.

La non-participation aux Oceania est assumée. La crise sanitaire avait profondément affecté le milieu jusqu’à début 2022, les athlètes avaient besoin d’une phase de réathlétisation imposée par la Fédération française, le plan de performance était en cours de construction, l’équipe ne pouvait alors être assez compétitive et la Ligue manquait de visibilité financière.

« On a préféré envoyer l’équipe au tournoi des Maristes à Fidji, un tournoi très relevé et prisé », rappelle Pierre Forest, qui voit dans ce positionnement une forme d’« ingérence » de la part du CTOS. « On est assez compétents pour savoir quelle compétition nous correspond le mieux. » « Et on ne nous a jamais dit que les Oceania constituaient un “ranking” pour les Jeux du Pacifique », poursuit Sylvain Mafutuna, conseiller technique de la Ligue et manager de l’équipe, qui insiste lui aussi sur l’année de préparation jugée optimale.

Sylvain Mafutuna, manager de l’équipe et conseiller technique de la Ligue.© C.M.

UNE LOURDE RESPONSABILITÉ

Les dirigeants notent que c’est la « première fois » que des disciplines sont exclues de la compétition. « Où est l’esprit des Jeux ? Quel message est envoyé aux jeunes rugbymen ? Aux basketteuses ? » également concernées, interroge Pierre Forest.

Cette décision leur apparaît décalée au moment où « le rugby calédonien est en train de briller ». Le récent passage de la Coupe du monde Webb Ellis a mis en lumière le vivier calédonien : deux joueurs dans l’équipe de France à XV élite qui joueront probablement la Coupe du monde, un champion du monde U20, une championne U18 au Festival des six nations et deux Calédoniens en équipe de France de rugby à 7, trois espoirs qui partent encore dans les centres de formation.

« Le CTOS va priver des jeunes d’une compétition qui sert de tremplin pour un parcours de haut niveau », comme en avaient bénéficié Yolaine Yengo et Nisié Huyard, souligne Cédric Estève, membre du bureau.

« Ce sont un peu nos Jeux olympiques ! », illustre Florian Sao au nom des sportifs. Sefo Siega craint pour sa part un impact retentissant sur l’ensemble de la discipline. « D’autant que la sélection à 7 est désormais la vitrine du rugby calédonien. » Les efforts s’étaient en effet concentrés sur cette discipline plutôt que sur le XV.

Chloé Maingourd

Une question de critères
En raison du contexte budgétaire contrarié, le CTOS s’est engagé à envoyer à Honiara « que des disciplines remplissant les critères de structuration et de performance » définis auparavant, a-t-il indiqué dans une lettre adressée à la Ligue le 21 juillet.
La 8e place de la sélection aux Jeux de Samoa en 2019 et la non-participation aux Oceania 2022 n’offrent pas satisfaction. Le « manque de confrontations internationales » et les « changements de staff » n’ont pas facilité la mise en œuvre d’une véritable préparation.
Le CTOS reconnaît la dynamique mise en œuvre par la nouvelle équipe dirigeante depuis mars 2021 avec de jeunes joueurs (la moyenne d’âge de la sélection est de 26 ans), mais la juge « trop tardive » pour avoir l’ambition « de rivaliser, ou du moins exister, contre des équipes de niveau mondial ».

Il est conseillé de construire « une équipe performante » pour les Jeux de Tahiti 2027 et les échéances intermédiaires, comme pour les filles qui n’ont pas été positionnées sur les Salomon.