Le projet d’agence de santé déplait

Medef, Cogetra, UT CFE CGC, Fédération des fonctionnaires, Usoenc, CSTC-FO, Opuss-Nc (professionnels de santé) ont exprimé leur incompréhension sur la forme et le fond du projet du gouvernement. / © C.M.

Le projet d’Agence de régulation en santé (ARS-NC) du gouvernement a fait réagir mercredi 23 août les partenaires sociaux et les administrateurs de la Cafat. Ils dénoncent le manque de concertation, un nouveau copier-coller de la Métropole, plus que jamais soumis au pouvoir politique.

La Nouvelle-Calédonie a besoin d’un nouveau système de santé et d’une nouvelle gouvernance. L’actuel n’est plus en mesure d’équilibrer ses comptes ou de garantir ses missions. Personne ne le conteste. Mais les acteurs concernés n’ont pas la même vision de ce que devrait impliquer un système réformé. Mercredi 2 août, le gouvernement a adopté un projet de création d’une Agence de régulation en santé, un groupement d’intérêt public qui serait constitué de la Nouvelle-Calédonie au travers de la Dass, la Cafat et l’Agence sanitaire et sociale, avec un directeur sous l’autorité du gouvernement.

Ce GIP, très avancé, doit être présenté au Congrès. Problème, il perturbe une grande partie des membres du conseil d’administration de la Cafat. Sur la forme d’abord. « Ni les partenaires sociaux, ni les administrateurs n’ont été consultés. De fait, il y a un an que la Cafat n’a pas été reçue par le gouverne- ment », s’insurge la présidente du Medef-NC, Mimsy Daly. Pourtant, disent-ils, l’exécutif sait qu’ils portent une autre proposition.

INACCEPTABLE

Écartés, les partenaires le seraient également de l’ARS, pensent-ils, une structure « exclusivement composée de techniciens » comme il en existe dans l’Hexagone, qui se rajouterait « au-dessus » de la pyramide actuelle de gestion du système de santé. « Une grande spécialité calédonienne », regrette Mimsy Daly, malgré une logique « inadaptée » à un territoire de 300 000 habitants et qui surtout « n’a pas fait ses preuves en Métropole lors de la crise Covid », insiste Jean-Louis Laval, président de l’U2P (Union des entreprises de proximité).

Une structure qu’ils prédisent aussi coûteuse. L’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) n’avait-elle pas recommandé beaucoup plus de moyens aux agences régionales de santé ? « Il ne faut pas croire que ça va coûter zéro franc », lance Jean-Pierre Kabar pour la Cogetra, président du conseil d’administration.

Pas tous d’accord

La CPME a fait savoir qu’en raison d’un avis différent, elle a été exclue de cette conférence de presse. Elle précise que la voix exprimée n’est pas celle de l’ensemble des  administrateurs de la Cafat et que cette position n’a pas fait l’objet d’un consensus. Elle n’engage donc ni les partenaires sociaux au sens général, ni le conseil d’administration qui n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer. « L’exclusion ne contribue pas à une véritable démocratie sanitaire telle que le prévoit le plan Do Kamo et que tout le monde semble appeler de ses vœux, du moins en apparence », souligne la CPME, qui devait approfondir jeudi, lors d’une conférence de presse.

 

Les partenaires sociaux affirment qu’ils ne feront plus partie du cercle de décision. « Totalement inacceptable », sachant qu’ils représentent « les principaux financeurs du système » par les cotisations patronales et salariales (78 %). « La Cafat sera sous la tutelle de quatre autres directeurs qui recevront directement leurs ordres de l’exécutif et chaque décision devra faire l’objet d’une approbation du gouvernement. Autant qu’il décide tout seul et l’assume jusqu’au bout », lance Christophe Coulson de l’UT CFE-CGC, pour qui le politique prend tout bonnement « la main sur la Cafat et le Ruamm ».

Pour eux, cela veut dire aussi que professionnels de santé et les Calédoniens au sens large ne seront pas représentés. Pire, par cette « déconnexion », l’action de l’ARS risque de ne pas répondre à leurs besoins.

DÉMOCRATIE SANITAIRE

« Or, ces besoins ont changé et cette notion n’apparaît nulle part, alors que c’est la préoccupation première », observe Jean-François Cantin, médecin néphrologue, président de Opuss-NC, l’organisation des professionnels et des usagers de la santé constituée en 2022 pour justement faire valoir l’expérience de terrain dans les négociations et défendre une vraie « démocratie sanitaire ». « Les consommateurs des ressources ne sont plus comparables. Désormais, il ne s’agit plus de répondre aux maladies aiguës, mais chroniques. Mettre un couvercle sur la marmite, ça ne marchera pas. Le système explose », prévient-il. Pour eux, c’est même « cette logique purement comptable qui conduit à la désertification médicale et à l’échec de la santé ». « Il faudra se soigner ailleurs », entend-on.

Ces partenaires défendent un Conseil de santé (CDS-NC), présenté au gouvernement il y a un an et qu’ils disent « totalement » inscrit dans les recommandations de l’IGAS et du plan Do Kamo. La Dass et le pouvoir politique définiraient le cadre général et les ressources consacrées à la santé, et la gouvernance opérationnelle des soins serait opérée par ce Conseil qui réunirait les financeurs (partenaires sociaux, provinces, mutuelles), les professionnels de la santé et les représentant d’usagers. L’ASS-NC serait l’unique entité en charge de la prévention. L’instance « rassemblerait tout le monde, avec une gouvernance simplifiée, une clarification des rôles, pour une meilleure utilisation des ressources », résume Mimsy Daly et « mettrait tout le monde en responsabilité », complète Jean-François Cantin.

La machine législative est lancée mais les représentants comptent encore sur le débat public, les consultations, par exemple au Cese. Et le GIP ne pourra pas se créer sans l’accord de la Cafat, « à un moment donné, on devra se prononcer ».

Chloé Maingourd