Le « plan Marshall » pour l’identité kanak validé

Les représentants coutumiers ont adopté le « plan Marshall » pour l’identité kanak après des mois de travail et de réflexion. Il s’agit autant d’un constat, d’une prise de conscience, que de mesures à mettre rapidement en œuvre à travers trois grandes priorités : la jeunesse, l’enseignement et la culture.

Sous la présidence de Gilbert Tein, le monde coutumier vit une année riche et s’ouvre enfin des perspectives nouvelles qui s’inscrivent directement dans la logique énoncée dans la charte du peuple kanak. Une première étape, inédite, a été franchie voici seulement quelques jours avec la création et l’installation du Conseil des grands chefs kanak. La deuxième est intervenue cette semaine avec l’adoption du « plan Marshall » pour l’identité kanak.

Ce programme part avant tout d’un constat du Sénat coutumier voici quelques mois au terme du bilan de ces quinze dernières années. Et ce bilan est sans appel puisque malgré la mise en œuvre des accords de Matignon et de Nouméa, synonyme de rééquilibrage politique et économique, il conclut que le peuple kanak est sinistré au plan sociétal, victime de la mondialisation, du libéralisme économique, du modèle de consommation et d’un système éducatif inadapté et individualiste.

Restructurer et valoriser la civilisation kanak

Régulièrement montrés du doigt, les coutumiers se sont saisis de ces conclusions pour élaborer ce qu’ils ont eux-mêmes qualifié de « plan Marshall », à l’instar du dispositif créé en 1947 par les États-Unis pour soutenir budgétairement la reconstruction de l’Europe ruinée par la Deuxième Guerre mondiale.

Ce plan prévoit une sorte de programme destiné à « restructurer et valoriser la civilisation kanak ». Il comporte des mesures directement liées à l’organisation coutumière et dresse le constat d’une faillite des chefferies et des clans. Il propose aussi des mesures concrètes comme la mise en place d’un service d’ordre coutumier ou le lancement, dans les plus brefs délais, d’un service civil citoyen. Il touche, enfin, à des facteurs fondamentaux de la coutume, notamment en ce qui concerne l’organisation du foncier, le développement économique sur terres coutumières ou l’enseignement obligatoire des langues kanak en maternelle.

Reste maintenant à savoir ce qu’il adviendra de ce plan et de la mise en œuvre des mesures préconisées et validées par les représentants des aires coutumières. En effet, certaines d’entre elles peuvent être pilotées par le Sénat coutumier, en interne en quelque sorte ; d’autres nécessitent lois du pays et délibérations, c’est-à-dire passage par le Congrès ; les dernières, enfin, ne sont pas envisageables à ce jour sans que des modifications ne soient apportées à la Constitution française, en particulier à son chapitre XIII qui intéresse spécifiquement la Nouvelle-Calédonie.

Il est par ailleurs dommage que ces propositions, qui, on le comprend bien, soient exclusivement destinées à la population kanak, ne prennent pas en compte les éléments fondamentaux du vivre-ensemble. Rien notamment sur l’égalité hommes-femmes, rien sur l’égalité des citoyens qu’ils soient de droit civil coutumier ou non. Mais il en irait évidemment autrement si en 2018, les Calédoniens choisissaient la voie aventureuse de l’indépendance. Toutes les propositions de ce plan, dont certaines sont pleines de bon sens, deviendraient alors non seulement possibles mais peut-être aussi la ligne d’une nouvelle politique, celle de Kanaky.

C.V.