Le jour d’après pour notre économie ?

La Nouvelle-Calédonie est l’une des premières au monde à avoir enclenché le déconfinement. Les conséquences de la crise du Covid-19 sur l’économie, qui sont pour l’heure difficiles à évaluer, pourraient toutefois être encore plus graves pour un tissu d’entreprises déjà fragilisé ces dernières années. Chambres consulaires et organisations professionnelles sont présentes pour les accompagner face à l’urgence et le seront aussi pour dessiner les contours de l’après- Covid-19.

Y aura-t-il un après-Covid-19 ? C’est la grande question. Certains intellectuels estiment que oui, que le monde ne pourra pas faire l’économie d’une remise en cause profonde. Le président de la République, Emmanuel Macron, estime qu’il est temps de changer le « paradigme de l’éclatement des chaînes de production à l’échelle mondiale ». Dépendance à la Chine, crise environnementale ou encore lois du marché pas toujours adaptées aux besoins sanitaires et sociaux… Autant d’éléments qui poussent de nombreux responsables politiques à mettre dans la balance une refonte des politiques publiques favorisant la réimplantation de filières capables de répondre aux besoins nationaux. L’avis de ces économistes, qui dénoncent les dérives du libéralisme et de ses conséquences sociales et environnementales, n’est toutefois pas partagé par tous. Certains de leurs confrères voient dans les aides publiques extraordinaires une réponse à une crise tout aussi extraordinaire. Une fois la crise passée, ils préconisent un retour à la rigueur budgétaire a n de constituer un « matelas » qui permettrait de passer la suivante. Une question d’orthodoxie budgétaire au cœur des débats et qui a remis au goût du jour les réflexions opposant un état fort à une autorégulation des marchés.

La Nouvelle-Calédonie n’échappera pas à cette remise en cause. Christopher Gyges, le membre du gouvernement en charge de l’économie, l’a rappelé à plusieurs reprises, le futur « projet de société » devra être « plus solidaire et certainement plus environnemental ». L’élu a par ailleurs précisé que l’économie calédonienne devra, à l’avenir, faire preuve de plus d’agilité et reposer davantage sur la production locale. Une perche saisie par les industriels locaux, au travers d’une lettre ouverte de leur fédération.

Sortir du seul critère de prix ?

Dans ce courrier, la Finc pose la question de « l’avenir, pour nous, les Calédoniens dans un monde qui devra être plus écoresponsable, plus juste, plus solidaire, localisé, moins mondialisé, basé sur une sobriété carbone, une compétitivité risque et non plus uniquement sur une compétitivité prix ». La fédération estime que « les administrations, les entreprises, le Cese, l’Autorité de la concurrence, le Conseil du dialogue social devront faire leur révolution et se réinventer », au risque de disparaître. Le dire est une chose, changer en profondeur l’économie en est une autre. La réforme de l’économie est presque devenue un mantra ces dernières années. On ne peut toutefois que constater que le système calédonien n’a évolué qu’à la marge. L’échec de la mise en œuvre de l’agenda économique et fiscal partagé en est une illustration. L’absence de réforme de la fonction publique en est une autre.

La compétitivité est encore un autre exemple en la matière. Sur ce point, la Finc appelle à sortir de l’unique critère du prix. Un critère qui aujourd’hui sert de curseur à la protection des entreprises locales sous forme de taxes à l’importation ou de quotas. Si l’emploi et le développement économique local justifient des mesures protectionnistes, ils ne sauraient couper court au débat. Sortir de la simple compétitivité prix implique un changement de comportement des consommateurs dont le critère central des choix est le prix. Un critère important pour la population qui compte un grand nombre de personnes proches ou en dessous du seuil de pauvreté. Sans changement par ailleurs, et en particulier sans une meilleure répartition des richesses, ils seront peu enclins à modifier leurs habitudes. La classe pourrait aussi décider de contraindre ces choix en renforçant les dispositifs de protection de la production locale. Mais sans réel débat démocratique, ces décisions pourraient être plutôt mal vécues.

Réduire les dépendances de la Nouvelle-Calédonie

Réduire sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur implique aussi une réflexion en profondeur sur les investissements. Combien d’entreprises sous-utilisent aujourd’hui leurs outils de production ? La plupart des investissements importants, encouragés par les dispositifs de défiscalisation, conduisent à acheter des machines largement surdimensionnées pour répondre aux besoins de la population et placent par la suite les entreprises dans des situations de sous-rentabilité que certaines compensent par des prix élevés.

Une réflexion sur la réduction de la dépendance de la Nouvelle-Calédonie vis- à-vis des autres ne pourra pas non plus faire l’économie d’une remise en cause des transferts de l’État, véritables perfusions financières. Sur ce point, les travaux ne manquent pas et ne datent pas d’hier. Dès le début des années 90, dans un contexte post- événements, les réflexions ont été multiples. Le chercheur de l’université de Polynésie française, Bernard Poirine, avait déjà présenté quelques résultats à l’occasion d’un colloque sur le futur de l’économie calédonienne en 2017.

Mais les travaux les plus aboutis sont peut- être ceux de Jean Freyss dans son ouvrage Économie assistée et changement social en Nouvelle-Calédonie, publié en 1995. Il rappelle notamment que la première chose mise sur la table par les indépendantistes lors de la négociation des accords de Matignon-Oudinot était la fin de l’indexation de la fonction publique. Sans entrer dans le raisonnement global de Jean Freyss, ce dernier regrette la politisation de l’économie calédonienne. Selon lui, elle a clairement dirigé l’économie du territoire dans une mauvaise direction, celle de la consommation toujours plus massive d’investissements, décourageant la compétitivité et renforçant la dépendance de la Nouvelle-Calédonie à son nickel et aux transferts de l’État.

Ce ne sont donc ni les études ni les réflexions qui manquent pour réformer la Nouvelle- Calédonie et son économie. Ce qui fait surtout défaut, c’est le consensus dans une classe politique fracturée, au moins en deux, sur les questions économiques. Sans un minimum d’adhésion à un projet commun, les réformes seront difficiles à mettre en œuvre voire impossibles. L’approche de la prochaine consultation sur l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie ne devrait pas contribuer à avancer dans ce sens.


Congés plutôt que chômage partiel, sauf pour les agents de la Nouvelle-Calédonie

Le 11 avril, lors de l’adoption du chômage partiel, les élus de la commission permanente du Congrès ont eu un débat pour savoir s’il fallait donner la possibilité aux employeurs de mettre leurs salariés en congés payés, pour ne pas alourdir la facture du chômage partiel. Pour éviter de créer une distorsion entre les salariés du privé et les agents de la fonction publique, il a été décidé que les jours de congés pourraient être décomptés de la même façon pour tous. Une décision justifiée par la solidarité. Quatre jours plus tard, le membre du gouvernement en charge de la fonction publique, Vaimu’a Muliava, annonçait pourtant que la mesure ne s’appliquerait pas aux agents de la Nouvelle-Calédonie qui ne se verront donc pas décompter de jours de congés et toucheront leurs salaires, y compris pour ceux n’ayant pas travaillé pendant le confinement.

La Fedom alerte sur des risques de pénurie

La Fédération des entreprises d’outre- mer a tiré la sonnette d’alarme dans un communiqué sur les risques autour des chaînes d’approvisionnement. Un courrier avait déjà alerté la ministre des Outre-mer sur cette question, le 27 mars. Il fait en particulier état de difficultés rencontrées par les opérateurs du transport maritime et la raréfaction des liaisons aériennes. En matière d’aérien, les coûts du fret ont explosé. Ils sont parfois multipliés par trois et, selon la Fedom, le problème ne fait que s’accentuer. Elle demande que l’État prenne ses responsabilités si les discussions n’aboutissent pas de manière rapide, au rétablissement de la continuité territoriale entre la France et les outre-mer.