En niant l’existence de bandes organisées de voyous dans le Grand Nouméa, Thierry Lataste s’est « disqualifié » pour assurer la sécurité des Calédoniens, affirment les Républicains calédoniens qui exigent un train de mesures.
Un véhicule volé toutes les six heures et un cambriolage toutes les deux heures : voilà la réalité des chiffres du ministère de l’Intérieur pour la Nouvelle-Calédonie, qui flirte avec la délinquance… en Guyane ! Loin devant la Métropole, contrairement à ce que l’on croit souvent. « Ainsi depuis deux ans les vols avec violences contre les personnes ont augmenté de 20 % en Nouvelle-Calédonie, alors que ce type de délinquance est en baisse significative en Polynésie (-6 %) ou en Martinique (-10 %). Pour les vols de véhicules, c’est pire +14 % par rapport à 2015 ».
« Scènes de guérilla urbaine »
Des chiffres gardés sous le boisseau par le haut-commissariat, mais divulgués par les Républicains calédoniens lors d’une conférence de presse la semaine dernière. Pour le parti de Sonia Backes, « avec l’apparition de gangs qui opèrent des razzias contre les commerces et les biens des particuliers, une nouvelle étape a été franchie dans les violence urbaines ». Comme le week-end des 11 et 12 février, à Magenta, Auteuil et au PK4, « le fruit du travail et de l’investissement de particuliers ou d’entreprises est anéanti en moins de six minutes… Le temps pour les forces de l’ordre de se rendre sur place. Personne ne peut rester indifférent à ces scènes de guérilla urbaine et qui pourtant se passent chez nous », souligne la présidente du mouvement.
Les images sur le site des Nouvelles calédoniennes, puis sur les réseaux sociaux ont choqué les Calédoniens. On les comprend ! « Même mode opératoire, même hargne à la destruction des biens d’autrui et souvent les mêmes auteurs, remis en liberté quelques heures seulement après leur casse, parce que mineurs. » Cette attitude « désole et révolte » les élus , mais démotive aussi, tant les fonctionnaires de police que les forces de la gendarmerie : voilà ce que les Calédoniens ont enfin vu, grâce au courage de la gérante de la station-service, qui a porté les images des caméras de surveillance au quotidien…
« Absence de volonté politique »
« Pourtant les moyens de maintien de l’ordre existent en Nouvelle-Calédonie, argumente Sonia Backes. L’État vient encore de les renforcer : Nouméa compte aujourd’hui quelque 400 fonctionnaires de police. Autant dit-on qu’un département métropolitain d’un million d’habitants. Le problème est donc celui d’absence de volonté politique de la part de l’État. »
Le 18 janvier, Les Républicains calédoniens interrogeaient par courrier le représentant de l’État sur sa stratégie de maintien de l’ordre public et l’absence de transparence manifeste sur les faits de vols et de violences. « Sa réponse en date du 2 février est aussi navrante qu’inacceptable pour les Calédoniens. Il nous affirme encore que c’est pire ailleurs ! », se désole Nicole Andréa-Song.
« Déni de réalité ! »
À l’insécurité, que récuse toujours le haut- commissaire préférant évoquer un vague « sentiment d’insécurité », Philippe Blaise oppose « une certitude d’insécurité pour les Calédoniens et une certitude d’impunité pour les délinquants ». Le secrétaire général des Républicains calédoniens accuse Thierry Lataste de « déni de réalité et de ne pas assumer ses responsabilités », à savoir « assurer la sécurité des Calédoniens ! Quel est donc le but que poursuit l’État ? », s’interroge encore l’élu des Républicains calédoniens. Et Sonia Backes de rappeler les propositions de son parti pour soutenir le maintien de l’ordre public et rétablir la confiance. Des propositions « qu’il est urgent de mettre en œuvre », dit-elle.
L.N.
Les cinq propositions des Républicains calédoniens
- La suppression des allocations familiales pour les jeunes mineurs délinquants multirécidivistes pour responsabiliser les parents (le texte sera prochainement déposé au gouvernement par Christopher Gyges).
- L’élargissement du pouvoir des maires pour la confiscation de l’alcool.
- La création de « bottle shops » avec un fichier d’interdiction d’achat de l’alcool.
- Des barrages filtrants sur les axes transversaux pour arrêter les voitures volées.
- Un centre éducatif fermé.
« Pas de phénomène de gang », dit le haut- commissaire
Pressé par tous les partis loyalistes à montrer plus de fermeté, le haut- commissaire de la République s’est finalement exprimé.
Devant la presse, Thierry Lataste parle toujours du « sentiment d’insécurité » et reconnaît que « la Nouvelle-Calédonie est confrontée, depuis des années, à trois phénomènes délinquants : une forte intensité des cambriolages, des vols de voitures et des coups et blessures volontaires, phénomènes souvent en lien avec une consommation massive d’alcool ». Il rappelle que « les policiers et les gendarmes sont engagés tous les jours, prennent des risques à toute heure pour prévenir la commission des faits, rechercher les auteurs, les appréhender et les déférer à la justice ». Mais oublie que ces mêmes forces de l’ordre ont souvent le sentiment de travailler en pure perte.
Il acquiesce partiellement aux chiffres donnés par Les Républicains calédoniens et avoue que « oui, contrairement aux cambriolages dans les habitations qui sont en baisse (-12,7 %,), les cambriolages dans les locaux commerciaux sont en hausse (+35,6 %, +221 faits). Je le sais, j’en fais une priorité pour les forces de l’ordre qui sont pleinement mobilisées pour arrêter les auteurs. Avec succès, puisque 16 personnes ont été arrêtées, dès le lendemain, dans l’affaire du cambriolage de la station-service de Magenta ». Reste qu’un seul de la bande « a été déféré au parquet à l’issue de sa garde à vue, selon Alexis Bouroz, le procureur de la République. Présenté ensuite au juge des libertés et de la détention, il a été placé en détention au Camp-Est dans l’attente de sa comparution immédiate ».
Pour autant, Thierry Lataste n’en démord pas : « Non, il n’y a pas de phénomène de gang en Nouvelle-Calédonie ». Sûrement n’a-t-il pas vu les mêmes images que le reste des Calédoniens…
