Le gouvernement coincé entre les logiques du public et du privé

Gilbert Tyuienon, membre du gouvernement en charge du transport, travaille sur la création d’un syndicat mixte pour la desserte maritime, comme l’avait évoquée le président Louis Mapou dans sa déclaration de politique générale fin 2021. (© Archives Y.M.)

Porté par la Nouvelle-Calédonie et les trois provinces, le projet de mutualisation de la gouvernance des dessertes maritimes se heurte aux intentions de la Compagnie maritime des îles rachetée par le groupe Ettwiller.

Si la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de desserte maritime d’intérêt territorial selon la loi organique, les liaisons intraprovinciales sont du ressort des provinces. « Depuis des années, chaque collectivité, à son niveau, essaie de mettre en place des réponses, qui posent souvent d’énormes problèmes en termes de fiabilité, de coût de fonctionnement… », observe le cabinet de Gilbert Tyuienon, membre du gouvernement en charge du transport.

Le cas de la Nouvelle-Calédonie est particulier, puisque la prestation de service est assurée dans un espace de compétence territoriale par un acteur historique, le navire Betico, contrôlé par la province des Îles. Cette institution « s’est toujours sentie concernée par cette desserte ». La Nouvelle-Calédonie n’a pas la main sur cet opérateur, « mais le travail est fait, sauf que, le constat a été partagé, le service n’est pas total à Ouvéa par exemple », ajoute le cabinet. Pour résumer, « la réponse opérationnelle actuelle est assurée mais a minima ». Ce qui interroge naturellement l’exécutif calédonien.

UN CAHIER DES CHARGES

En début d’année 2021, Gilbert Tyuienon avait présenté le projet d’un schéma de transport, avec « deux navires pour effectuer les rotations vers l’île des Pins et les Loyauté, deux autres pour Bélep et Tiga, et un réseau géré par les trois provinces » et la Nouvelle-Calédonie bien sûr, selon Les Nouvelles calédoniennes à l’époque.

À l’issue de réunions techniques, les collectivités – le territoire et les trois provinces – ont donné un accord favorable à la mise en place d’un syndicat qui prendrait à sa charge le cadrage de la gestion collective de la desserte maritime des passagers. Les statuts de ce syndicat inter-collectivités sont établis, les délibérations sont prêtes, d’après le cabinet de Gilbert Tyuienon. « Le but est de définir ensemble un cahier des charges. La logique est d’instaurer ensuite un dispositif d’appels à projets, d’appels d’offres, peut-être de délégation de service public… » Pour le réseau et les liaisons à basse fréquentation vers Bélep ou encore Ouvéa, « il y aura une compensation financière ».

Mais les avancées du projet de la Compagnie maritime des îles (CMI) rachetée par le groupe Ettwiller, doublées des déclarations du président des Loyauté, Jacques Lalié, sur un possible recours au privé, ont visiblement surpris les partenaires engagés dans la construction du syndicat. Partenaires qui voient d’ailleurs un décalage entre la proposition du privé et les attentes des usagers. « Nous sommes dans l’expectative. » L’enjeu est d’autant plus complexe que, rappelle l’Autorité de la concurrence, « les personnes publiques intervenant sur un marché doivent veiller, de façon générale, à ne pas fausser le libre jeu de la concurrence ».

Yann Mainguet