« Le cyclisme reste un sport macho, on a la chance d’avoir des gens ouverts ici »

Le 9 octobre, trente-neuf coureuses s’élanceront de Farino pour une 6e édition d’Au Tour d’Elles qui inspire beaucoup de satisfaction à Régine Saphores, concurrente depuis la première édition et désormais organisatrice : elle nous parle du chemin parcouru, de réussir à se faire une place dans le calendrier et parmi les hommes…

« Au comité, tout le monde n’était pas d’accord, au départ… Une femme sur un vélo, ça ne passait pas. » C’était il y a sept ans à peine, et les femmes roulaient pourtant depuis longtemps. Mais Gérard Salaün, alors président du Comité régional de cyclisme, se souvient avoir été contraint d’argumenter. L’idée d’un tour de Calédonie féminin, lancée par une équipe soudée autour de Diane Moutoussamy, est finalement devenue réalité.

Régine Saphores était au départ de cette première édition. Les trois étapes n’étaient qu’une promenade de santé pour l’ancienne spécialiste de la course à pied, venue à bout de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (170 km), puis de la Diagonale des Fous (180 km) en 2008. Mais elle avait abordé l’épreuve avec l’enthousiasme de celles qui servent une cause. « Il y avait assez peu d’épreuves longue distance pour les femmes avant 2015, notamment en France, qui est un mauvais élève. L’idée d’être précurseur, ça m’enchantait. » Elle se souvient des oppositions, évidemment, mais retient aussi les soutiens. « Le cyclisme reste globalement un sport macho, on a la chance d’avoir des gens ouverts ici », analyse-t-elle.

« RÉGINE, ELLE EST DIRECTE ! »

Elle se souvient de la visite en Calédonie de deux cadres de la Fédération française de cyclisme, quelques mois avant le grand départ. « Ils étaient extrêmement surpris de voir des filles passer deux heures à rouler le soir, après le boulot, en lâchant un peu leur famille… » Depuis, la motivation n’a pas faibli et la préparation s’est professionnalisée : les 39 concurrentes de la 6e édition sont entraînées par le triathlète Mathieu Szalamacha. « Si on veut continuer à attirer les filles, il faut leur proposer quelque chose de sérieux », insiste celle qui est passée du côté de l’organisation, il y a deux ans. Elle a également pris des responsabilités au sein du Comité régional, où ses convictions bousculent encore les anciennes conceptions du cyclisme. « Régine, elle est directe ! », apprécie Gérard Salaün. « Certains le lui reprochent… Mais sans ça, on n’avance pas. Pour développer le cyclisme, on a besoin de femmes qui s’impliquent à fond, comme elle. »

© Au Tour d’Elles

ENCORE PLUS DE MIXITÉ

Diane Moutoussamy est heureuse de pouvoir compter sur « une belle relève ». « Quand l’équipe précédente a passé la main (en 2020, NDLR), on espérait qu’Au Tour d’Elles allait perdurer, à l’image du Tour Air France, et que l’événement conserverait cet état d’esprit collectif. » Celle qui vit désormais en Métropole – elle encadre des coureuses cyclistes dans le Limousin – a gagné son pari. « On voulait développer l’envie des femmes de faire du vélo de façon ludique mais aussi compétitive. Et ça a marché. Au-delà du tour de Calédonie, on voit de plus en plus de filles sur les courses cyclistes », constate Régine Saphores. Elle vise maintenant une autre forme de mixité. « J’aimerais beaucoup qu’une Kanak nous rejoigne. On a déjà eu des garçons sur le Cyclo Tour, mais pas de fille. J’ai un vélo de route dans le casier de mon club, s’il le faut… »

Gilles Caprais

Deux Tours, sept étapes
En même temps qu’Au Tour d’Elles, aura lieu la 2e édition du Cyclo Tour du Caillou, qui partage son esprit d’ouverture au plus grand nombre, et pas uniquement aux athlètes confirmés. Le départ des deux courses sera donné de Petit-Couli (Farino), dimanche 9 octobre. Après des passages par Bourail, Houaïlou, Ponérihouen, Poindimié, Hienghène, Touho, Pouembout et Boulouparis, l’arrivée sera jugée au sommet du col de Plum, samedi 15 octobre. Avec quelques boucles supplémentaires, le Cyclo Tour (484 km) sera un peu plus long qu’Au Tour d’Elles (366 km).