Le Covid, médaille d’or à Tokyo

Tokyo Olympic Stadium during the Olympic Games Tokyo 2020, on July 23, 2021 in Tokyo, Japan - Photo Yoann Cambefort / Marti Media / DPPI

Les 32es Jeux olympiques de l’ère moderne ont commencé depuis une semaine à Tokyo. Mais malgré le retour de la compétition, après une année de report, l’épidémie reste une ombre qui plane en permanence au-dessus de l’événement.

Thomas Bach, le président du Comité international olympique, n’a pas manqué de grandiloquence lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Pour lui, elle « éclaire le message olympique de la résilience, de la solidarité et de l’unité de l’humanité pour aller au-delà de la pandémie ». Mais les beaux discours n’ont pas pu occulter la réalité d’un stade olympique de Tokyo complètement vide. Ils n’ont pas non plus fait oublier les manifestants anti-Jeux qui s’étaient regroupés aux abords du stade et dont les cris pouvaient être entendus jusque dans l’enceinte sportive avant que la musique ne recouvre la clameur. Selon les sondages, près de 80 % des Japonais ne voulaient pas de ces Jeux durant la pandémie. C’est donc une ville qui ne vibre pas pour ses JO même si elle accueille les meilleurs athlètes de la planète durant ces deux semaines.

Un événement qui se voulait pourtant réparateur. Quand il y a dix ans, le pays pose sa candidature, l’archipel se relève à peine du terrible tsunami qui avait touché l’est de l’île principale. À l’époque, plus de 18 000 personnes avaient perdu la vie et le pays avait échappé de peu à une catastrophe nucléaire à Fukushima. Les JO devaient donc marquer le redressement japonais, au même titre que l’arrivée sur le trône de l’empereur Naruhito et le passage de l’ère Heisei à l’ère Reiwa, en mai 2019. Le pari est visiblement manqué, à cause du Covid.

Liberté surveillée

Sur place, les athlètes sont soumis à un régime de liberté très surveillée. L’accès au village se fait au dernier moment avant une compétition et son départ au plus tard 48 heures après la fin d’une compétition. En dehors, les protocoles varient selon les villes choisies pour établir un camp de base, mais il est globalement toujours assez strict. « On est en permanence accompagnés par la police dans nos déplacements entre l’hôtel et le stade où on s’entraîne, raconte Yolaine Yengo, réserviste de l’équipe de France de rugby à 7, basée à l’extérieur de Tokyo avant le début de la compétition cette semaine. Je ne dirais pas qu’on est escortés, mais on ne peut pas faire n’importe quoi, c’est sûr. »

De son côté, Bassa Mawem, grimpeur du Gecko club de Nouméa, reste très positif. « On est vraiment dans une bulle, explique celui qui sera en compétition dès mardi prochain. Ici, à Tottori, on s’est sentis bien accueillis. Tout est fait pour nous faciliter la vie. On ne croise personne, c’est sûr, mais cela nous permet d’être concentrés uniquement sur la compétition. » Des athlètes qui restent donc inaccessible pour tous, même pour les médias. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) n’a organisé aucune conférence de presse en présentiel avant les compétitions. La parade ? Une application dédiée et des visioconférences.

Tests PCR et gel hydroalcoolique

Pour ce qui est des sites de compétition, le protocole est également très strict. Du gel hydroalcoolique partout, des passages tracés pour éviter les contacts au maximum en dehors du terrain de jeu et des tests PCR tous les jours. La place des médias ? Elle est lointaine. La présence des journalistes est réduite de moitié dans les enceintes. En zone mixte, où se déroulent les interviews, les places sont encore plus limitées. Lieux où les athlètes restent à au moins deux mètres d’un micro, sous la surveillance permanente de bénévoles et de cadres du Comité international olympique.

L’épidémie aura eu un impact également sur les choix d’organisation. Ces Jeux devaient, à la base, être accessibles via les transports en commun pour les médias et les accompagnants, mais le gouvernement a décidé d’interdire l’accès aux arrivants pour les quatorze premiers jours de leur séjour. Des bus ont donc été mis en place, mais le parc est sous dimensionné et fonctionne très mal. Tokyo est une ville congestionnée où les routes sont souvent le théâtre d’embouteillages monstrueux. La légendaire organisation japonaise est bien loin.


Ocha, activity plan et patience…

Pour celui qui lit ces mots pour la première fois, ce sont des barbarismes. Mais ils font partie du quotidien des participants aux Jeux, au point, parfois, de rendre fou. L’entrée au Japon était conditionnée à la validation d’un « activity plan », recensant tous les endroits où la personne compte se rendre durant les Jeux, et de son corollaire, l’application Ocha (censée aider à la gestion personnelle de sa santé). Sans compter l’obligation de fournir un test PCR négatif au départ. Mais devant le nombre de plans d’activité soumis par les participants, les autorités se sont vite retrouvées débordées et certains sont restés des heures à l’aéroport, sans jamais réussir à faire fonctionner l’application Ocha. « On en a eu pour six heures, glisse un cadre de l’équipe de France de voile. C’était l’enfer. » Devant le chaos, les organisateurs et le gouvernement ont finalement mis en place un régime de dérogations permanentes et plus rien n’est demandé à personne.

À Tokyo, A.B.

©M.M.