Le Cérom fait les comptes

Comme chaque année, l’Isee, l’Ieom et l’AFD s’associent pour dresser les comptes économiques rapides pour l’Outre-mer. Le verdict pour 2015 n’est pas si mauvais et montre plutôt un atterrissage de l’économie plutôt qu’un plongeon dans la crise. Les experts se veulent prudents quant à 2016 mais laissent entendre que la situation pourrait être relativement similaire à celle de 2015.

C’est la croissance réelle, encore estimée, de l’économie calédonienne pour 2015. Un chiffre modeste mais qui ferait tout de même envie à bien des pays européens. La croissance calédonienne pour l’année 2015 n’est donc pas flamboyante mais n’est pas non plus en récession. Pour Jean-David Naudet, le directeur de l’Ieom, il ne faut pas « mélanger la croissance réelle et les inquiétudes. Il est difficile de parler de crise quand il n’y a pas de croissance nulle ». Même son de cloche pour Karine Martin de Frémont, la directrice de l’AFD qui estime que la Calédonie est en phase d’atterrissage. « Le PIB a été chamboulé ces dernières années, note la directrice. Cette croissance stabilisée peut laisser entrevoir ce que pourrait être une croissance moyenne sans heurts même si on ne sait pas ce que réserve le secteur du nickel ».

La consommation se maintient

Les inquiétudes du monde économique sont principalement le fait du secteur minier et métallurgique. Les chiffres du Cérom montrent que le ralentissement de la croissance est le fruit de l’effondrement – ou plutôt d’un retour à un niveau normal – de l’investissement, un des trois piliers de la croissance. Il représente 23 % de la valeur ajoutée, un niveau qui correspond à ce qui était observé avant les pics d’investissement que la Calédonie a connu en 2010-2011, notamment pour l’usine du Nord et les Jeux du Pacifique, où l’investissement représentait 35 % de la valeur ajoutée. Ce sont les deux autres piliers, la consommation et le commerce extérieur, qui permette à l’économie de se maintenir. En 2015, la consommation a progressé de 1,7 %. Selon Romuald Pidjot, le chargé d’étude Cérom, il faut toutefois mettre cette progression en perspective avec la croissance démographique qui est de 1,8 %. Le fait que la progression de la consommation soit inférieure à celle de la démographie n’est pas fréquent et, autrement dit, cela signifie que la consommation stagne. Mais à regarder les chiffres d’un peu plus près, on se rend compte que malgré les messages alarmistes, les ménages ont en réalité reporté leur consommation.

Les baisses des achats de véhicules neufs (- 6 % ) et des crédits à la consommation (- 1 %) a été compensé par une augmentation d’achat des biens d’équipement. Les commerçants subissent les changements d’habitudes des consommateurs et doivent donc s’adapter. Les variations de consommation sont à surveiller de près. Son poids considérable dans le PIB (-65 %) – démultiplie l’effet de ses variations sur la croissance. Sa faible évolution, la plus faible de ces 20 dernières années, s’explique selon les spécialistes, par l’apathie du marché du travail qui se poursuit après l’année 2014 (0 % dans le privé et + 0,8 % dans le public).

Le secteur public en amortisseur

Le commerce extérieur est l’autre pilier qui permet de maintenir l’économie calédonienne. Les exportations ont augmenté de 14,3 % entre 2015 alors que les importations n’ont progressé que de 0,1 %. La différence entre exportation et importation en valeur (le déficit passe de 155 milliards de francs à 157 milliards de francs) se dégrade pourtant, notamment en raison des prix du nickel qui se sont dégradés. Malgré la hausse des exportations, la baisse des cours de près de 30 % fait chuter la valeur ajoutée de la banche nickel. Une baisse des exportations compensées par une baisse des prix du pétrole et donc du prix des importations. Si l’on ajoute la baisse des importations liées à l’usine du Nord et la progression du tourisme, le déficit global se réduit, ayant un effet positif sur la croissance.

Si la situation n’a donc pas été si catastrophique en 2015, il n’en reste pas moins, pour le directeur de l’Ieom, « que l’on a un peu l’impression de puiser dans les réserves. Ce qui permet de maintenir l’économie, c’est le secteur public (en particulier avec l’ouverture du Médipôle : NDLR) plutôt que les secteurs productifs et auto entretenus », souligne Jean- David Naudet. Le poids de l’industrie du nickel dans la production de valeur ajoutée était ainsi de3%en2015,pireencorequeles4%de 2014. En 2007, Le nickel représentait 17 % de la valeur ajoutée.

M.Derel