Le BTP « assassiné » ?

La CPME-NC et la Finc tenaient une conférence de presse, le 20 août, afin d’alerter sur la situation du BTP, suite à la mise en œuvre du référentiel de construction de la Nouvelle-Calédonie. Une réforme complexe que le gouvernement n’aurait pas prise dans le bon sens.

Rocambolesque, catastrophique, assassinat de la filière… Les qualificatifs employés par la CPME- NC et la Finc, lors d’une conférence de presse sur le référentiel de la construction (RCNC) le 20 août, étaient lourds de sens. Deux jours avant, le gouvernement avait pris quatre arrêtés, marquant le départ de la mise en œuvre de cette réforme de la construction. Pour faire simple, l’idée du RCNC est d’assurer l’amélioration de la qualité des constructions et une meilleure protection juridique et assurantielle des acteurs. Concrètement, cela se traduit par la caractérisation des matériaux utilisés dans la construction et la révision des contrats d’assurance.

Ça, c’est sur le papier, car si les quatre arrêtés semblent très concrets, rien n’est prêt. C’est du moins l’avis de la CPME-NC et de sa branche bâtiment, ainsi que de la Finc. « C’est une voiture sans volant, dénonce Xavier Benoist, le président de la Finc. Sans compter qu’il y a des mensonges. Au début du mois de juin, le gouvernement avait validé un report d’un mois de façon à ce que chaque pierre de l’édifice soit placée dans le bon ordre. Cela fait dix ans que l’on travaille sur le sujet et là, ça dérape ». De nombreuses questions restent en suspens et suite à ce « coup de gueule », les partenaires ont été invités à venir en discuter, ce jeudi, au gouvernement.

Les assurances au centre du viseur

Au menu des discussions, on retrouvera tout d’abord les commissions permettant d’agréer les professionnels. Si les arrêtés impliquent désormais que les sociétés ainsi que les travailleurs indépendants doivent être agréés, il n’existe actuellement aucune commission permettant de le faire. De la même manière, les laboratoires censés agréer les matériaux autres que ceux relevant des normes françaises ou européennes n’ont pas encore été identifiés. Des détails qui n’en sont pas puisqu’en l’absence de ces commissions, aucun agrément ne peut être délivré, même provisoire. La CPME-NC et la Finc s’interrogent, par ailleurs, sur la composition de ces commissions. Les professionnels seront-ils associés et comment ?

Les acteurs du bâtiment sont aussi particulièrement remontés sur la question des assurances. Ils devront désormais tous être couverts par une responsabilité professionnelle ainsi qu’une assurance décennale. « Tous » doit s’entendre de manière globale, à savoir également les sous- traitants qui comprennent, par exemple, les poseurs de plinthes. Une obligation lourde qui aura indirectement des effets importants sur le coût de la construction. Dans les premiers jours de la mise en œuvre de la réforme, les premiers retours faisaient état d’augmentation des primes d’assurance dans une fourchette comprise entre 3 et 10.

Reprise en main du dossier

La question des assurances fait particulièrement grincer des dents à la CPME- NC et à la Finc, en raison du renchérissement mécanique du coût de la construction, mais aussi et surtout parce que les deux organisations avaient alerté le gouvernement d’un tel risque. « Cela fait six mois que l’on demande aux assureurs quel sera l’impact de la réforme. Leur réponse est que l’on ne peut pas donner de taux, car il s’agit d’une relation contractuelle entre assureur et assuré, s’agace Xavier Benoist. Il existe une cellule économique qui était censée évaluer les conséquences économiques des mesures. Elle s’est réunie une seule fois. Le gouvernement pensait que les choses allaient se réguler naturellement ? Mais là, c’est open bar pour les assurances ».

Une question des assurances qui crispe d’autant qu’aucune étude sur la sinistralité dans le BTP n’a été réalisée depuis 40 ans. Des professionnels de la branche bâtiment avancent un chiffre de deux milliards de francs collectés par les assurances sur dix ans pour seulement vingt millions à débourser. Une pilule d’autant plus dure à avaler que les professionnels devront désormais payer l’assurance en une fois, en début d’année, sur le chiffre d’affaires de l’année précédente alors qu’auparavant, elles payaient au fil des chantiers. Comme le souligne Yann Lucien, le président de la CPME-NC, la trésorerie actuelle des entreprises, en particulier des petites, devrait difficilement leur permettre de franchir cet obstacle.

Les deux organisations réclament une véritable reprise en main du dossier qui ne fait, selon elles, l’objet d’aucune gouvernance ni pilotage. Elles pointent encore l’absurdité de la situation, fruit de dissensions entre les membres du gouvernement en charge des assurances et de la construction, alors que le gouvernement travaille en parallèle sur un plan de relance. En l’absence de modifications, les professionnels se disent prêt à se mobiliser pour se faire entendre et tenter d’enrayer le déclin du BTP depuis maintenant quelques années.

M.D.

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