L’art pour se souvenir éternellement de La Monique

Des enfants de primaire de Maré ont proposé un spectacle de chant et de danse retraçant l’histoire de La Monique. / © E.B;

À l’occasion des 70 ans de la disparition tragique du caboteur, une fresque a été réalisée sur un des murs extérieurs du musée maritime par l’artiste Alejandra Rinck Ramirez. Cette création, inaugurée lundi 24 juillet, fait partie des rendez-vous culturels programmés pour honorer la mémoire des 126 vies perdues.

Au loin, depuis la mer, les bateaux naviguant vers le musée maritime distinguent des couleurs vives depuis quelques jours.En se rapprochant, des personnages, des animaux et une embarcation se dessinent. Devant eux, se dresse La Monique, caboteur disparu il y a 70 ans et dont le mystère reste toujours entier. Ce drame, qui reste gravé dans les esprits, est raconté sur cette fresque murale par Alejandra Rinck Ramirez. Un événement qui l’a touchée et qui lui a rappelé le rôle essentiel qu’elle peut jouer en tant qu’artiste. « À travers nos créations, nous avons le pouvoir d’évoquer des émotions, de raconter des histoires, de préserver la mémoire collective et de susciter une réflexion profonde. »

Plus qu’une simple œuvre d’art, cette fresque devient « le témoin muet de l’histoire, de ces vies perdues en mer ». On retrouve, d’un côté, le visage des disparus. De l’autre, celui des descendants. Tout autour d’eux, des oiseaux dont la perruche d’Ouvéa ou le Martin-pêcheur représentent les esprits. Les sacs de coprah, le chargement, la bouée (seul objet retrouvé) reprennent vie sous le pinceau de l’artiste. Et bien sûr, au centre, la pièce maîtresse : La Monique, réalisée de façon « limpide ».

© E.B.

Le défi, pour Alejandra Rinck Ramirez, était de placer cette fresque aujourd’hui, 70 ans après ce naufrage qui a marqué toutes les générations. « Ce n’est pas juste faire la représentation de ce qui a eu lieu à cette époque. il y a des moments qui méritent d’être transcrits avec une touche d’espoir. » Le mur de 8 mètres par 4 a été entièrement recouvert par sa patte colorée et joyeuse, qui ne laisse personne indifférent. « Des centaines de lycéens et d’étudiants sont passés devant sa réalisation. Toutes les remarques sont unanimes : elle leur plaît et leur rappelle, ou leur apprend, que La Monique et ses 126 disparus de toutes origines sont toujours présents dans nos mémoires », souligne Alain Le Breüs, président du musée maritime.

COMMÉMORER AUTREMENT

L’art réussit à interpeller. Louis-José Barbançon, président de l’association La Monique, a choisi ce moyen d’expression pour sa commémoration. « L’an dernier, l’ensemble des manifestations a été placé sous l’émotion, la tristesse, le souvenir douloureux. Car il fallait que les gens se réapproprient cet événement. Cette année, c’est différent. Nous avons décidé de les placer sous le symbole de la création artistique. » La question était de savoir si cette tragédie pouvait inspirer les sculpteurs, les danseurs, les peintres… « Comment La Monique peut-elle être prolongée dans l’éternité grâce à la création artistique. »

C’est dans cet esprit que les rendez-vous culturels se multiplient cette année. Deux autres fresques vont ainsi être inaugurées à Dumbéa et à Bourail, une exposition temporaire Monique ou le silence de la mer sera visible à partir du 4 août au musée maritime, des panneaux historiques vont faire le tour des communes… Une stèle sculptée dans le bois a aussi été érigée, samedi 22 juillet, à Port-Moselle. Le soir, la création du chorégraphe Richard Digoué, intitulée Node, a été jouée au centre culturel Tjibaou. Hip-hop, graff, slam. Des disciplines qui parlent à la jeunesse. « On ne peut pas avoir la même vision de ce que nos parents, grands- parents ont vécu. Rester sur la douleur n’était pas suffisant », insiste Louis-José Barbançon.

Les plus jeunes doivent s’approprier cette histoire. Car si la jeunesse ne s’empare pas de La Monique, le caboteur va disparaître une deuxième fois. Et pour Louis-José Barbançon, ce n’est pas envisageable.

Edwige Blanchon