L’agence d’attractivité provinciale fait débat

Les professionnels du tourisme en province Sud traversent, depuis quelques mois, une phase d’incertitude. En cause, la décision de l’exécutif provincial de créer une agence d’attractivité afin d’harmoniser l’offre touristique en province Sud. La décision a été actée la semaine dernière en assemblée. Il s’agit maintenant de convaincre l’ensemble des acteurs de terrain.

La décision a été entérinée la semaine dernière en assemblée de province : l’agence d’attractivité provinciale devrait prendre forme dans les prochains mois. Son rôle : assurer la promotion touristique de la province Sud. Une mission confiée auparavant à Nouvelle-Calédonie tourisme point Sud (NCTPS) qui assurait également la promotion du territoire à l’international. En période de restrictions budgétaires, l’exécutif provincial ne souhaite plus contribuer au financement de la promotion de l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie. Une compétence qui incombe au gouvernement, selon la présidente Sonia Backes. Si les raisons de ce changement semblent claires pour tout le monde, les modalités de mise en œuvre de ce nouvel organisme en déroutent plus d’un. À commencer par les professionnels du tourisme qui dénoncent le manque de visibilité.

La colère des professionnels

« Nous avons été régulièrement informés, mais jamais consultés. On nous impose une décision sans savoir ce que l’on va devenir », fustige Nicolas Scopsi, vice-président de l’association qui gère La Foa tourisme. La création de l’agence d’attractivité impliquerait la fermeture des cinq offices de tourisme existants. Or, « nous sommes pleinement satisfaits du travail qui a été fait par le directeur de La Foa tourisme ces deux dernières années, nous ne comprenons pas pourquoi tout arrêter. Et que va devenir le personnel ? », demande celui qui est aussi gérant du gîte Terre de Soleil, à Farino.

L’office de tourisme de La Foa est parvenu, en quelques années, à créer un pôle d’attractivité dédié au tourisme vert dans la zone Moindou, Sarraméa, Farino, La Foa. Aujourd’hui, la création de l’agence provinciale divise les membres de l’association et menace, selon le vice-président, de briser la dynamique instaurée.

Faire ses preuves

Pour Gabriel Hernu, président de Bourail tourisme et propriétaire de l’hôtel La Nera, la méfiance est également de mise. « On n’est pas contre la décision de la province, mais nous sommes très satisfaits du travail fait par Bourail tourisme. On attend que l’agence d’attractivité fasse ses preuves, on veut voir comment elle fonctionne et quel est son temps de réactivité avant de la rejoindre. »

La province a effectivement invité les offices de tourisme à rejoindre la nouvelle structure. Mais ont-elles vraiment le choix ? La plupart bénéficient d’un financement communal et provincial. Ceux qui n’adhéreront pas seront privés d’une partie de leurs revenus. « Aujourd’hui, certaines communes se tournent vers d’autres financeurs. C’est déjà le cas de Thio dont l’office de tourisme est aidé par la SLN », précise Nicolas Scopsi.

Rassurer et informer 

Jean-Gabriel Favreau, président de NCTPS, se veut rassurant. « C’est vrai que les offices de tourisme n’existeront plus sous cette forme juridique, mais ils continueront leur activité et les actions mises en place perdureront. L’objectif est vraiment de se reconnecter au terrain, de refaire du lien et de développer le tourisme durable. On reprochait à NCTPS d’être trop tourné à l’international, ce ne sera plus le cas avec l’agence. Il est d’ailleurs prévu que les professionnels du tourisme fassent partie du conseil d’administration », précise- t-il.

Concrètement l’agence d’attractivité provinciale dispose aujourd’hui d’un cadre juridique, son entité physique devrait être créée dans les prochains mois, sur Nouméa, avec des antennes en Brousse. « Ce seront un peu les descendantes des offices de tourisme. » Ces agences assureront la commercialisation des packages, contrairement aux offices de tourisme actuels qui partagent uniquement de l’information. Des réunions avec les acteurs du terrain ont actuellement lieu pour les informer et répondre aux inquiétudes des professionnels qui ont, pour l’instant, bien du mal se projeter.


Que vont devenir les salariés de NCTPS ?

Nouvelle-Calédonie tourisme point Sud, en cours de dissolution, employait une vingtaine de salariés dont l’avenir est aujourd’hui incertain. Les professionnels reconnaissent avoir instauré une certaine confiance avec des membres de NCTPS au fil des années. Ces salariés ne sont pas assurés d’intégrer la nouvelle agence d’attractivité provinciale, ni même « Choose NC » au gouvernement. Une incertitude qui persiste depuis plusieurs mois.


La province des Îles tire son épingle du jeu

Pour assurer la promotion à l’étranger de la Nouvelle-Calédonie, une compétence assurée auparavant par NCTPS, le gouvernement a lancé, en juillet dernier, « Choose NC », un dispositif intégré à la Direction des affaires économiques. Il dispose aujourd’hui d’un site internet destiné à attirer les investisseurs étrangers. Mais depuis la fermeture des frontières et étant donné l’impasse budgétaire dans laquelle se trouve le gouvernement, que va devenir cette plateforme ? Philippe Dunoyer, député et membre de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, a récemment émis quelques réserves sur la capacité du gouvernement à assumer cette mission.

Interrogée sur le devenir de « Choose NC », Chérifa Linossier, chargée de mission pour le développement économique et les relations extérieures à la province des Îles, ne se sent pas vraiment inquiète. « Le gouvernement gère effectivement le site, mais chacune des provinces est chargée de la gestion et de l’animation de ses propres projets. Choose NC, c’est la vitrine », explique-t-elle.

La province des Îles jouit d’une certaine autonomie qu’elle met à profit pour développer sa propre plateforme. D’ici la fin du mois, elle activera sa vitrine internet (chooseloyaltyislands) mettant en lumière les projets touristiques des îles afin d’attirer des investisseurs calédoniens et étrangers. « La volonté de Jacques Lalié en matière de développement économique est très claire et nous suivons ce plan stratégique qui était déjà en cours lors de la création de Choose NC. » Les provinces, chargée de leur propre développement touristique, doivent cependant jongler avec les contraintes réglementaires imposées par la loi organique. Les discussions entre provinces et gouvernement sont donc nécessaires et indispensables pour développer une stratégie pertinente.

V.G.

©D.R.