La voiture électrique, vraiment écologique ?

Si les voitures essence et diesel émettent presque trois fois plus de CO2 qu’un véhicule électrique européen standard, cela varie fortement selon le mode de production de l’électricité, qui influence très fortement leur performance environnementale. En Pologne, par exemple, un véhicule électrique ferait baisser les émissions de 29 %, contre -79 % en Métropole.(© Bodo Schackow / DPA Picture-Alliance via AFP)

L’Agence de la transition énergétique estime qu’en Europe, l’électrique émet entre 1,4 et 4,8 fois moins de CO2 que le thermique, selon le mode de production de l’énergie. Cette supériorité ne suffit pas à faire de la voiture un moyen de transport durable, estiment des chercheurs.

♦ EN MÉTROPOLE : 4,3 FOIS MOINS DE CO2

L’Agence de la transition écologique (Ademe) publie un comparatif des émissions de dioxyde de carbone de l’électrique et du thermique, qui s’appuie sur une étude réalisée en 2020 par l’ONG Transport & Environment (T&E). L’analyse se fonde sur la totalité du cycle de vie du véhicule : de l’extraction des matières premières au recyclage, en passant par la fabrication et l’utilisation. La production d’un véhicule thermique émet 6,7 tonnes de CO2 contre 10,6 tonnes pour un électrique, dont 4,6 tonnes pour la batterie. Cette « dette carbone » est largement remboursée au bout du cycle de vie (57 tonnes contre 20,4). L’étude conclut à la supériorité du véhicule électrique qui, en Europe, émet « 2,7 fois moins de CO2 qu’une voiture thermique ». Cette moyenne cache de fortes disparités liées au mode de production de l’électricité. En France, où la production repose largement sur le nucléaire, et dans une moindre mesure sur les énergies renouvelables, le ratio grimpe à 4,3.

♦ EN NOUVELLE-CALÉDONIE, LES ÉNERGIES FOSSILES PLOMBENT LA PERFORMANCE

En Pologne, par exemple, plus mauvais élève d’Europe, les centrales électriques tournent majoritairement au charbon, et les énergies renouvelables ne représentaient que 16,7 % de la production d’électricité en 2022, d’après l’Agence internationale de l’énergie. L’électrique reste supérieur, dit l’étude de T&E, mais le ratio tombe à 1,4. En Nouvelle-Calédonie, selon Enercal, le mix énergétique de la distribution publique en juin 2023 fait apparaître 51 % d’énergies fossiles (charbon, fioul lourd et gazole) et 49 % d’énergies renouvelables (hydraulique, solaire, éolien). Même si la production d’électricité reste légèrement dominée par le fossile, cela laisse envisager un meilleur ratio que celui de la Pologne, et un moins bon que celui de la Métropole.

♦ LA TAILLE DE LA BATTERIE COMPTE BEAUCOUP

Plus la voiture est lourde, plus elle est sportive, plus la batterie est imposante. Or, « avec une batterie de taille supérieure, l’intérêt environnemental n’est pas garanti », prévient l’Ademe qui invite à privilégier les modèles d’une capacité inférieure à 60 kilowattheures. Dans cet avis rendu en octobre 2022, elle précise que par rapport à une berline compacte diesel, la dette carbone liée à la fabrication est remboursée au bout de 15 000 kilomètres pour une citadine électrique, contre 100 000 kilomètres pour un SUV électrique haut de gamme.

♦ QUELLE DURÉE DE VIE ?

Les calculs de T&E et de l’Ademe reposent sur l’hypothèse suivante : le cycle de vie d’une batterie assure une moyenne de 1 500 cycles de charge, soit 225 000 kilomètres parcourus, une batterie étant considérée comme bonne pour le recyclage « lorsque son vieillissement a réduit sa capacité de stockage initiale de 20 à 30 % ». Les garanties offertes par les constructeurs automobiles sont cependant inférieures. Renault, Peugeot, Ford ou encore Toyota apportent une garantie valable « 8 ans ou 160 000 kilomètres ».

 

« Même électrique, la voiture n’est pas un véhicule durable »

Dans une tribune publiée dans Le Monde en mai 2022, un collectif de chercheurs et d’acteurs du monde associatif, mené par l’urbaniste et spécialiste des transports Frédéric Héran, estimait que la véritable solution écologique consiste à mener une politique de réduction progressive de l’usage de la voiture. « Même électrique, la voiture n’est pas un véhicule durable et ne résout pas les problèmes d’occupation d’espace, d’accidentalité et de sédentarité », alertait le Groupe d’étude et de recherche sur les véhicules intermédiaires (Gervi).

 

Gilles Caprais