« La SLN a une responsabilité vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie »

La signature de l’accord marque un renouveau dans les relations entre le territoire et l’usine, considère Louis Mapou.

« Je suis satisfait, car depuis 1998, la Nouvelle-Calédonie et la SLN ont des échanges difficiles. Avec cet accord, on franchit une étape. » Il n’y a pas de hasard, suggère le président du gouvernement. « Au moment où la Calédonie s’interroge sur son avenir, ce n’est pas anodin, on est en train de relancer le pays par le biais des investissements. C’est l’aboutissement de discussions concernant des engagements partagés. » La survie de la société est essentielle, appuie-t-il. « La SLN a une histoire avec le pays, c’est elle qui a le plus grand nombre de titres miniers, elle a une responsabilité vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie. On a besoin qu’elle puisse rebondir. »

Mais cette situation n’a pas vocation à durer : il n’est pas question que l’entreprise s’appuie trop sur l’export pour être rentable. « Nous avons demandé à la SLN de revoir son modèle économique pour que la métallurgie reste le cœur de métier, parce que nous ne pouvions pas nous satisfaire d’un modèle d’exportation qui est devenu un élément de sa rentabilité. » Une condition qui a permis d’obtenir la signature des indépendantistes, en partie opposés à cette demande. « La ligne que nous défendons encore ici, c’est celle de la valorisation de la ressource en Nouvelle-Calédonie », insiste le président du gouvernement.

Investir à l’extérieur du pays

L’accord prévoit que la SLN fasse évoluer son processus industriel pour parvenir à la neutralité carbone d’ici 2040, mais également pour être capable de traiter les basses teneurs. Louis Mapou a également évoqué le rôle que doit jouer, selon lui, la SLN. « Il faut que l’entreprise consolide les partenariats avec d’autres sociétés calédoniennes. Et à l’extérieur, qu’elle envisage la possibilité d’aller au-delà de la vente de minerai brut et étudie les possibilités de prise de participation pour continuer à valoriser notre minerai et ramener, en Nouvelle-Calédonie, les bénéfices que nous pouvons en tirer pour le développement du pays. »

Enfin, lors de la signature, le président a mentionné la vente de l’usine Eramet de Sandouville (Seine-Maritime) à un groupe minier sud-africain, en espérant qu’elle puisse profiter à la SLN. « Je n’ai eu aucun engagement d’Eramet, mais ce serait la moindre des choses. »


 

« On devrait atteindre la pleine capacité en 2024 »

 

La signature représente le point de départ d’un énorme travail, indique Guillaume Verschaeve, directeur général de la SLN.

 

Le premier défi de la SLN ? Arriver à exporter chaque année six millions de tonnes de minerai de basse teneur, sachant qu’à peine trois millions ont été produites l’an dernier et 2,5 millions en 2020. « On devrait atteindre la pleine capacité en 2024 », assure Guillaume Verschaeve, directeur général. Où ce minerai sera-t-il envoyé ? En Chine, au Japon, en Ukraine, en Australie et, « dans le cadre de partenariats avec nos collègues, dont NMC, en Corée ». Car ce sont ces exportations qui doivent permettre de financer les 30 milliards de francs d’investissements annoncés. « Les cours sont particulièrement élevés en ce moment, c’est la très bonne nouvelle. Les projections promettent des cours favorables, mais pas autant qu’aujourd’hui. » L’autorisation d’export est provisoire : elle court jusqu’en avril 2029.

Diversification économique

Afin de poursuivre ses investissements, la SLN compte notamment sur une optimisation des coûts de production. Elle espère un tarif de l’électricité de huit francs le kilowattheure avec la nouvelle centrale qui doit entrer en service en 2026. « On doit, entre autres, renouveler le troisième four », ce qui représente plusieurs milliards de francs.

Un travail doit être mené concernant une meilleure acceptation de la société via l’augmentation du budget consacré à la « responsabilité sociétale de l’entreprise ». « La moitié concerne des actions environnementales de restauration de sites miniers touchés par l’activité passée. » Il est aussi question de conventions avec les communes dans lesquelles est implantée la SLN, concernant des projets d’infrastructures, ainsi que de l’après-nickel. « On va essayer d’appuyer des initiatives de diversification économique. Le but est de préparer la transition de l’activité minière qui, fatalement, va diminuer un jour, pour que d’autres activités prennent le relais. »

Anne-Claire Pophillat (© A.-C.P.)

 


 

Les syndicats entre satisfaction et doute

 

Germain Djawari, du SGTINC (affilié à l’UT CFE-CGC) est assez optimiste. « L’accord nous ouvre de belles perspectives. »

 

Sur mines comme à Doniambo, l’accord conclu avec le gouvernement rassure les syndicats. Certains doutent cependant du réalisme du plan, dans la mesure où la SLN ne parvient pas à extraire autant de minerai qu’elle est autorisée à en vendre.

« A l’usine, on était suspendus à cette nouvelle. L’export nous permet de survivre. » Hervé Cronsteadt, délégué syndical du Soenc nickel, est « satisfait » de la décision du gouvernement, qui a autorisé la SLN à vendre deux millions de tonnes supplémentaires de minerai basse teneur par an pendant sept ans. « Cela va permettre de financer des investissements urgents sur les fours FD9 et FD11 en particulier, qu’on ne peut plus reporter. »
C’est « une très bonne nouvelle pour la pérennité de l’entreprise », salue également Germain Djawari. Le délégué SGTINC, Syndicat général des travailleurs des industries de Nouvelle-Calédonie, est persuadé que « si l’on travaille bien, on remettra la SLN sur les rails ». Il insiste sur l’« importance » des engagements pris par la direction, qui doit investir 30 milliards de francs d’ici 2026, principalement sur Doniambo. « C’est une première et cela contribue à nous recentrer sur notre métier de fondeur. » Un point de vue qui ne fait pas l’unanimité parmi les syndicats.

« Déjà qu’on n’arrive pas à exporter 4 millions… »

« L’export pour remplir les caisses, okay… » Arnold Delrieu en comprend « la nécessité ». « Mais notre métier, c’est de fondre du nickel. Combien de temps on va encore se raccrocher à cela ? », questionne le délégué syndicat CSTNC (Confédération syndicale des travailleurs de Nouvelle-Calédonie) de Népoui, qui devrait faire partie des sites miniers contribuant à cet effort.

« Et puis de quelles teneurs parle- t-on ? », insiste celui qui s’inquiète de « coupes trop hautes » dans les massifs. « Il ne faut pas exporter du riche pour remplir les caisses. » Enfin, la flotte d’engins est « dans un état catastrophique sur tous les sites miniers ». « Je suis pessimiste sur notre capacité à réaliser le plan. »

Hervé Cronsteadt affiche, lui aussi, des doutes à ce sujet. « Déjà qu’on n’arrive pas encore à exporter quatre millions de tonnes… Est-ce qu’on arrivera à faire six millions ? Si on veut vraiment atteindre cet objectif, il faudra mettre les moyens nécessaires, humains et matériels. »

 

Gilles Caprais (© archives DNC)