La SLN à un nouveau carrefour

« En Nouvelle-Calédonie, la situation financière de la SLN reste critique avec des échéances de trésorerie à court terme », indique la maison-mère Eramet. (© Archives Y.M.)

Alors que la PDG d’Eramet, Christel Bories, pressent des jours sombres pour les opérateurs traditionnels sur le marché du nickel, le groupe et l’État échangent sur une possible neutralisation du poids de la dette de la SLN.

Dans un article du Financial Times publié dimanche 25 février, la PDG d’Eramet, Christel Bories, entrevoit une évolution majeure sur le marché du nickel où l’Indonésie dicte sa loi. D’après la dirigeante, « le pays d’Asie du Sud-Est pourrait représenter plus des trois quarts de la classe la plus élevée de nickel pur au monde d’ici cinq ans, ce qui aurait des conséquences radicales pour les concurrents d’autres pays », rapporte le journaliste du quotidien économique britannique.

Les opérateurs traditionnels, devenus non compétitifs, seraient ainsi amenés soit à « disparaître », soit à être aidés « par les gouvernements ». Mais voilà, « je ne suis pas sûre qu’il y aura autant de gouvernements qui décideront de subventionner la production à grande échelle avec beaucoup d’argent, juste pour concurrencer la production indonésienne », déclare Christel Bories, dont le groupe est implanté à la fois en Indonésie à Weda Bay avec le géant chinois Tsingshan, et en Nouvelle-Calédonie sur l’historique site de Doniambo.

NOUVEAU PRÊT

Ces mots tombent juste après l’annonce des résultats 2023 du mineur et métallurgiste tricolore. Eramet a vu sa comptabilité affectée par la baisse du cours des métaux, et les comptes de la SLN préoccupent une nouvelle fois. Les exports de minerai à faible teneur sont en recul de 9 %, à près de 2,7 millions de tonnes humides, en raison notamment de l’arrêt de l’activité à Poum. La hausse de la production à 44 800 tonnes de nickel sous forme de ferronickel, la performance au second semestre, la 5e meilleure période depuis 20 ans, et les bienfaits du plan d’économies n’ont pas permis de compenser la chute du marché. Les prix de vente du ferronickel, indexés maintenant sur la valeur du NPI ou fonte de nickel, ont dégringolé de plus de 30 % l’an passé. Conclusion, la SLN a détruit 15 milliards de francs de trésorerie. La société enregistre son douzième exercice déficitaire d’affilée.

À l’heure de la publication des comptes 2023, la maison-mère Eramet avance au moins trois informations ou confirmations. Tout d’abord, l’État a accordé en février un nouveau prêt à la SLN d’un montant de 60 millions d’euros (7,1 milliards de francs) afin d’éviter la cessation de paiements. Ce qui va permettre à Doniambo de tenir jusqu’en avril. Pas plus. Deuxième point, le groupe a réitéré « sa décision de ne plus octroyer de nouveaux financements à la SLN ». Troisième élément, une nouveauté d’ailleurs, Eramet discute avec l’État « en vue de la mise en place de solutions permettant de neutraliser durablement le poids de la dette de la SLN dans les comptes consolidés du groupe ». L’endettement de la Société Le Nickel vis-à-vis de l’État s’élève à 320 millions d’euros, soit 38,2 milliards de francs. Quelles perspectives ? Un effacement pur et simple ? « Une méthode de consolidation différente ou de prêts de quasi-fonds propres », comme l’indique le titre Financial Times ? Le préalable à un retrait d’Eramet ?

Ces pourparlers sont très probablement à lier à l’actuelle réflexion autour du pacte sur le nickel voulu par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et censé redresser la filière. Les calendriers coïncident d’ailleurs, puisque la signature de cet accord est annoncée pour le 25 mars, alors que les négociations entre l’État et Eramet, qui détient une créance de 325 millions d’euros ou 38,8 milliards de francs sur la SLN, doivent accoucher d’une solution « dans les toutes prochaines semaines ». La France considère toujours le nickel comme un métal stratégique. La réponse peut s’inscrire dans ce champ.

 

L’étonnante phrase de Christel Bories

Le Financial Times, qui a rencontré la PDG d’Eramet, Christel Bories, conclut son article par une citation surprenante : « “La Nouvelle-Calédonie a beaucoup trop misé sur le nickel dans le passé, car c’est le moyen le plus facile d’obtenir de l’argent”, a-t-elle déclaré, ajoutant qu’elle pourrait devenir un territoire “purement minier”, en fermant les fonderies gourmandes en argent, mais en gardant ouvertes les mines rentables », rapporte le journaliste. Pas sûr que cet avis consolide ici la paix sociale.

 

Le pacte « finalisé à 99 % »

Le pacte sur le nickel, présenté fin 2023 par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, « est finalisé à 99 % », appuie Christopher Gygès, membre du gouvernement. « Aujourd’hui, ce qui pose problème, c’est la province Nord », opposée à l’export de minerai brut, sauf vers des unités calédoniennes off-shore. « Je pense qu’il faut avancer », poursuit l’élu loyaliste.

Une signature du pacte est annoncée pour le 25 mars à Paris. Des questions se posent : quelles seront les parties signataires ? Quel sera le pouvoir contraignant de l’accord sur les industriels ? Y aura-t-il une majorité au Congrès ?…

 

Yann Mainguet