La Planète revisitée : nouvelle exploration dans le Nord

Le programme d’exploration naturaliste du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) lancé en 2016 continue de s’intéresser à la Nouvelle-Calédonie. La prochaine expédition, marine, débute cette semaine dans le lagon au large de Koumac, Kaala- Gomen et les bouches du Diahot.

Après avoir sillonné l’île des Pins à la recherche de mollusques, suivi à la trace les insectes de sous- bois de la Côte oubliée, étudié à la loupe les microcrustacés des eaux souterraines du Grand Sud, la microfaune des eaux douces de la Grande Terre ou encore la faune benthique des grands fonds aux Chesterfield, les chercheurs de l’expédition La Planète revisitée prendront la direction du nord de la Grande Terre à la fin de la semaine. Objectif : explorer la biodiversité marine et en particulier les crustacés, les mollusques et autres invertébrés.

« Espèces négligées »

Conscient de l’immensité de la biodiversité qu’il reste à découvrir à l’échelle de la planète et du danger pesant sur les espèces, La Planète revisitée s’est donné pour mission, on le rappelle, d’accélérer le processus d’acquisition et de partage des connaissances. Le MNHN, en partenariat avec l’ONG Pro-Natura International porteuse de ce programme, a ciblé la Nouvelle- Calédonie comme étant un « hot spot » de la biodiversité planétaire et a lancé les explorations en 2016.

Évidemment, des choses ont été réalisées localement, mais des manques subsistent néanmoins. L’idée est justement de cibler les compartiments les moins bien connus de la biodiversité calédonienne dans des zones géographiques présentant un manque de données et où l’information est aussi jugée nécessaire par les décideurs parce qu’à fort enjeu de conservation.

Ajoutons à cela que les nouvelles techniques scientifiques comme la métagénomique environnementale, une nouvelle approche de la description de la biodiversité par l’ADN, les progrès du numérique (images des animaux vivants, sons), la géolocalisation, les méthodes et outils d’échantillonnage peuvent apporter des informations hautement plus précises quand un travail a déjà été effectué. En clair, tout est à faire ou… à refaire.

15 plongeurs

Le projet d’exploration marine en province Nord englobe l’espace lagonnaire des communes de Koumac, Kaala-Gomen et Ouégoa (bouches du Diahot). Il sera organisé en deux campagnes de 30 jours en septembre et en 2019.

Le MNHN avait mené une première étude à Koumac en 1993 et la zone avait été jugée exceptionnelle. Il avait donc une curiosité particulière à revenir pour l’explorer à la lumière des révolutions moléculaires et numériques tout en élargissant l’étude. Il s’agira donc à la fois de compléter l’inventaire, mesurer la richesse d’un milieu corallien complexe en se focalisant sur des groupes encore largement méconnus et d’observer d’éventuelles évolutions ou perturbations.

La première campagne, organisée du 1er au 30 septembre, prévoit un échantillonnage des mollusques, crustacés, etc. et impliquera 45 participants de 11 nationalités différentes dont environ 15 plongeurs spécialistes. Des plongeurs naturalistes locaux bénévoles seront de la partie.

Plusieurs méthodes complémentaires seront appliquées : des collectes par des plongées à vue en scaphandre entre 0 et 40 m sur un cycle de 24 heures ; l’utilisation de 36 petites structures de suivi autonomes des récifs qui seront fixées pour un an sur les fonds récifaux et relevées lors de la prochaine campagne ; la pose, à partir de L’Amborella (navire de la Nouvelle-Calédonie), de petits filets de fond déployés de 50 à 120-150 mètres à l’extérieur du récif pour permettre la colonisation des formes benthiques (vivant sur les fonds) ; l’utilisation d’un véhicule sous-marin téléguidé jusqu’à 130 mètres pour une collecte fine dans des zones non exploitables en plongée scaphandre. Est prévue, enfin, une simple exploration du littoral à pied. Les organismes collectés en plongée, avec le véhicule sous-marin, et à pied, seront apportés directement à un laboratoire installé pour l’occasion à la marina de Koumac et traités immédiatement par les scientifiques.

Comme à chaque expédition, un important volet pédagogique sera développé avec deux enseignants dédiés et des scientifiques pour sensibiliser à la fois les scolaires et les communautés locales. Des conférences seront par ailleurs organisées à Koumac, Koné et Nouméa. Elles permettront une première restitution à chaud de l’exploration. Les échantillonnages seront ensuite répartis vers un réseau d’experts internationaux mobilisés par le MNHN. Le travail d’analyses prendra, quant à lui, ensuite plusieurs années.

Si l’objectif principal est bien d’alimenter les bases de données internationales, La Planète revisitée l’affirme, les découvertes doivent servir à tout le monde : aux scientifiques locaux, aux institutions pour les politiques publiques et aux populations.


Grosse organisation

La mise en œuvre de cette exploration est rendue possible par un important groupe de partenaires qui s’investissent sur le plan logistique et financier parmi lesquels la province Nord, la mairie de Koumac, le gouvernement, la province Sud, l’État, l’Union européenne… Le Conservatoire d’espaces naturels est chargé de la logistique et de l’organisation de la campagne.


Il faut aller vite…

« Nous sommes la première génération de scientifiques conscients qu’un tiers ou la moitié de la biodiversité disparaîtra d’ici la fin du siècle et que 80 % ne sont pas encore décrits », nous disait en 2016 Philippe Bouchet, professeur chargé des grandes expéditions et directeur des publications scientifiques du Muséum. Il y aurait entre 8 et 30 millions d’espèces à découvrir, dont probablement beaucoup sont en voie d’extinction. À chaque expédition de La Planète revisitée (Santo, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Guyane…) depuis 2006, les scientifiques qui s’intéressent au micro-endémisme ont publié des centaines d’ouvrages et identifié plusieurs centaines de nouvelles espèces (276 à Santo !). Une expédition coûte en moyenne 185 millions de francs.

C.M.