La peur de gagner, l’adversaire intérieur

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La main qui tremble, la tête qui tourne soudainement alors que la victoire semble acquise. Vaincre cette peur nécessite parfois d’engager un profond travail de désacralisation de la victoire et de la défaite, indique Pascale Bastien-Thiry, coach mentale, qui intervient dans des ligues du territoire.

Un set à zéro, cinq jeux à deux dans la deuxième manche. Vous servez pour le match, qui semble plié. Hélas. Votre bras qu’avec respect toute l’estrade admire, votre bras qui tant de fois vous a sauvé du pire, se met à trembler. Les coups, encore fluides il y a quelques minutes, sont gâchés par la crispation. Vous cherchez à assurer une victoire, « petit bras ». Surtout, ne pas faire de double faute. Mais votre inconscient ne comprend pas les ordres négatifs : vous pensez au filet, il vise le filet. Aucun doute : vous êtes victime de la peur de gagner. Rassurez-vous, vous n’êtes pas seul. Mieux : vous êtes l’égal des plus grands.

« Tous les joueurs de tennis connaissent la peur de gagner, même Roger Federer. Pour certains, c’est même un problème tout au long de leur carrière », constate Olivier Ducasse, entraîneur à l’Olympique.

Comment la vaincre ? « Il faut savoir respirer, se détendre, et jouer les derniers points comme on a joué le reste du match », résume l’ancien joueur de haut niveau (587e mondial en 2006). Plus facile à dire qu’à faire, évidemment. « Tous les professionnels ont recours à des préparateurs mentaux, à la sophrologie, au yoga… » Les amateurs aussi, de plus en plus souvent.

VICTOIRE ET DÉFAITE, NIRVANA ET ABÎME

Plusieurs ligues du territoire (golf, athlétisme, natation…) font appel aux services de Pascale Bastien-Thiry, surtout connue pour avoir présidé le comité d’organisation des Jeux du Pacifique de 2011. Dans son nouveau rôle de coach mentale, elle aide les athlètes à vaincre cette peur qui n’est finalement qu’une « peur de perdre », malgré son nom commun particulièrement explicite. « Quand le sportif est uniquement focalisé sur le résultat, il se met une pression importante. Il n’y a que deux alternatives : la réussite ou l’échec. Il voit la victoire comme un nirvana, la défaite comme un abîme. Le travail que l’on fait ensemble consiste à dépolariser tout cela, à changer de regard. »

La victoire n’est jamais aussi belle que dans les rêves. La défaite survient, revient inévitablement, et n’est pas dépourvue de vertus. Pour l’accepter, il faut généralement travailler « en profondeur, sur l’identité du sportif », sur sa vision de lui-même.

« TU TE SENS IMPUR POUR GAGNER »

Pour rentrer un put de 50 centimètres au moment où la pression est accablante, « le champion a résolu ses problèmes en amont de la compétition », confirme Julien Foret, coordonnateur du Centre territorial d’entraînement de golf.

Les failles psychologiques se révèlent souvent « au départ et à la fin d’un parcours », deux moments riches en émotion. « Si tu as des doutes sur ta technique, sur des sujets personnels, tu te sens impur pour gagner. Or, il faut s’autoriser à gagner en libérant son corps et son esprit. » Pour ceux qui visent le haut niveau, le travail psychologique doit être entrepris dès l’adolescence, estime-t-il.

Olivier Ducasse en convient et estime que ce point de vue n’est pas encore assez courant en France. « En termes de formation, on est la meilleure fédération de tennis au monde… Et on ne sort pas de grands joueurs. Je pense qu’on est en retard sur les aspects psychologiques. » En Nouvelle-Calédonie, les choses évoluent doucement. « Je rencontre de plus en plus d’entraîneurs qui ont cette sensibilité-là », indique Pascale Bastien-Thiry.

 

Gilles Caprais

 

Contrôler ses propres gestes est une chose difficile : « 90 % de nos actions sont dictées par l’inconscient », estime Pascale Bastien-Thiry, coach mentale. / © Shutterstock