Plus de trois semaines après le début du conflit et faute de pouvoir valider un protocole d’accord avec le gouvernement Germain, rouleurs et mineurs s’en remettent désormais à la médiation conduite par le président de l’Union calédonienne, Daniel Goa.
Logiquement, au regard des enjeux, le dossier est devenu éminemment politique.
Arrivée de populations, boom du nickel, rééquilibrage, préalable minier, accords de Bercy, développement et croissance économique, la vie de la Nouvelle-Calédonie moderne n’est pas seulement conditionnée par l’activité minière, elle y est liée tel le rémora à son hôte.
C’est pourquoi, il est assez stupéfiant d’avoir pu lire ou entendre ces dernières semaines que de voir dévier le dossier sur le volet politique était incohérent.
L’action des mineurs et des rouleurs vient révéler au grand jour, mais ce n’est pas nouveau, qu’il existe en Nouvelle-Calédonie aujourd’hui, deux grandes stratégies politiques sur ce que doit être l’économie de la mine et de la métallurgie.
Ce qui pourrait paraître nouveau, en revanche, c’est que les lignes bougent et qu’en la matière, la vieille bipolarisation du pays entre non-indépendantistes et indépendantistes n’est plus la règle.
Même si ce nouveau positionnement était apparu furtivement au cours de la mandature précédente, il est aujourd’hui étalé au grand jour et ne manque pas de semer le trouble auprès de la population calédonienne.
Les uns, partisans de longue date d’une union des non-indépendantistes dans l’optique du référendum de sortie de l’Accord de Nouméa, refusent de comprendre et s’arc-boutent sur des schémas dépassés.
Les autres, déboussolés, croient voir dans les prises des positions récentes, une manipulation des forces réactionnaires de la droite locale soutenues par le « grand capital ».
Là encore, le vocabulaire et les références utilisés témoignent d’un refus ou d’une incapacité de s’adapter et de regarde en face la réalité économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie du XXIe siècle.
Effet papillon
Au-delà d’un retour, précaire, à la libre circulation, le fait que Daniel Goa ait accepté d’endosser la responsabilité d’une médiation témoigne aussi des tensions et des tiraillements qui travaillent l’Union calédonienne.
Le plus vieux parti politique calédonien est loin d’être monolithique.
à plusieurs reprises dans son histoire, y compris récente, il a été secoué de soubresauts.
à plusieurs reprises son éclatement a été évoqué mais à chaque fois, selon des voies et méthodes qui lui sont propres, l’UC a su se refonder et retrouver suffisamment d’unité pour continuer à peser sur la vie politique du pays.
Aujourd’hui, il y a le feu dans la maison et le rôle de Daniel Goa est loin de se limiter à la recherche d’une solution acceptable entre mineurs, rouleurs et institutions.
Il s’agit aussi pour l’élu du Nord de ramener, autant que faire se peut, la sérénité en interne, au sein de son parti, sans pour autant mettre à mal l’entité FLNKS.
Sur ce point, les antagonismes anciens avec le Palika de Paul Néaoutyine, ne facilitent pas le dialogue même s’il peut exister des convergences de vue sur la stratégie nickel, notamment dans le Nord où se situe la majorité des communes minières.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cette semaine, des hommages marqués à l’action de Raphaël Pidjot ont fleuri sur les réseaux sociaux pour rappeler son rôle majeur dans la « longue marche » qui a conduit à la réalisation de l’usine du Nord et pour fustiger ceux qui ont « perverti » son rêve.
L’exercice de grand écart de Daniel Goa n’a donc rien de confortable et il est bien trop tôt pour en connaitre les véritables conséquences.
C’est, là aussi, l’une des spécificités de l’Union calédonienne : laisser du temps au temps.
à l’UC, « l’effet papillon » n’est pas qu’une formule, c’est une vérité historique.
Antagonisme
De l’autre côté de l’échiquier politique traditionnel, les schismes en cours ne sont pas moins profonds.
Certes, il y a les egos sur lesquels il est facile et confortable pour les gogos de faire porter tous les échecs et tous les atermoiements.
Mais la crise que traverse aujourd’hui la Nouvelle-Calédonie, car c’est bien d’une crise dont il s’agit, traduit la rupture consommée entre des Républicains, ouvertement favorables à une économie libérale raisonnablement administrée où la confiance dans un secteur privé responsable est affichée, et un parti politique, Calédonie ensemble, qui sous les oripeaux d’une fausse bonne volonté, favorise l’empilement des normes et des règlements, la centralisation administrative et politique et pour finir la défiance vis-à-vis d’une économie raisonnée.
Aller contre le libéralisme, c’est la tyrannie.