La guerre aux pêcheurs illégaux est déclarée

Trois « blue boats » vietnamiens, pêcheurs de bêches de mer, ont été raccompagnés jusqu’à Nouméa, mercredi 25 janvier. Après la dernière opération, qui s’était soldée par la confiscation de la pêche illégale, le haut-commissaire a décidé de durcir le ton face à l’intensification du phénomène. Les capitaines des navires seront traduits en justice. Une enquête est en cours afin de déterminer l’origine de ces filières de pêche illégale.

Le 18 janvier, une reconnaissance aérienne permet de détecter quatre « blue boats » en train de pêcher illégalement la bêche de mer dans le grand lagon nord. Des moyens sont alors déployés pour intercepter les bateaux. Le D’Entrecasteaux parvient a en arrêter un le 21 janvier. Un autre est arraisonné le lendemain par La Moqueuse, qui en interceptera un deuxième le même jour. Mais dans le même temps, cinq autres navires vietnamiens parvenaient à fuir en direction du Vanuatu.

Le phénomène est relativement nouveau, explique Jean-Louis Fournier, le commandant de la zone maritime de Nouvelle-Calédonie. En neuf mois, précise-t-il, pas moins de sept opérations ont été menées par les forces armées de la marine. Mais le plus inquiétant, c’est que parmi les trois bateaux interceptés les 21 et 22 janvier, deux avaient déjà été arraisonnés et leur matériel saisi et qu’à chaque fois, ils sont de plus en plus proches. Une altercation a d’ailleurs eu lieu, mercredi dernier, entre des Vietnamiens et des habitants de Bélep qui font craindre aux institutions un risque de représailles.

Un coût extrêmement lourd pour la collectivité

Face à cette recrudescence et à l’absence d’effet dissuasif, Thierry Lataste, le haut-commissaire, a décidé de durcir le ton. Les bateaux ont été escortés à Nouméa, au large de Nouville, où les équipages mouilleront le temps des différentes procédures, soit probablement quelques semaines. Les trois capitaines devraient être traduits en justice alors que la quarantaine de matelots, considérés comme des ressortissants étrangers en situation irrégulière, seront expulsés. À l’instar du bateau toujours à quai à Nouville qui avait déjà été dérouté et saisi par la justice, les trois bateaux pourraient être également saisis.

Le fruit de la pêche devrait par ailleurs être vendu aux enchères, comme cela a été le cas. Mercredi, les forces armées n’avaient pas encore pu estimer la cargaison totale de 19 barils. La dernière saisie de 36 barils avait toutefois été vendue 16 millions de francs. Une somme toujours placée sur un compte en attente du Trésor public. S’il a été question d’en verser une partie aux habitants de Bélep ou de la province Nord pour financer un bateau de surveillance, ces deux options semblent très peu probables.

Des dispositifs très précis dans l’arsenal législatif existent bien, comme le souligne Yves Mathis, le directeur de cabinet du haut-commissaire, mais cela ne s’appliquera probablement pas pour ces prises. L’argent tiré des ventes – principalement aux armateurs calédoniens disposant de licences de pêche d’holothuries – servira plus probablement à financer les coûts extrêmement lourds de la gestion de ces opérations très complexes qui mobilisent des services très divers comme la Direction des affaires sanitaires et sociales, la Direction des affaires vétérinaires alimentaires et rurales ou encore la police aux frontières.

Une enquête pour remonter la filière

À ces coûts de gestion, s’ajoutent ceux des opérations de surveillance, liés aux moyens déployés par les forces armées. Un dispositif qui présente un coût important mais qui, selon Sylvain Rabeau, le directeur des affaires maritimes, a montré son efficacité. Cela n’empêche pas pour autant les pêcheurs illégaux de revenir dans les eaux territoriales calédoniennes, de la même façon qu’ils sillonnent les eaux de nos voisins comme l’Australie, l’Indonésie, les Etats fédérés de Micronésie ou encore Palau.

Cette dispersion des pêcheurs vietnamiens pousse les pays à se coordonner. Comme le précise le commandant Jean-Louis Fournier, une coopération est déjà effective avec l’Australie et le Vanuatu. Au-delà d’intercepter des bateaux, l’idée est de faire avancer l’enquête pour en savoir davantage sur les filières, les lieux où les bateaux se ravitaillent, et, éventuellement, y mettre un terme, ce que ne favorise pas le mutisme des matelots interrogés par la justice. En parallèle de ce travail d’investigation, un travail diplomatique a été engagé. Le ministère des Affaires étrangères, qui prend le problème trés au sérieux, doit contacter les autorités vietnamiennes pour parler du sujet.

Texte et photos MD.