La Fresque, un arsenal de réponses pour « faire face au sexisme »

Le 13 mars, Maud Le Bar a animé la Fresque du sexisme au Centre d’information droits des femmes et égalité (CIDFE) de la province Sud. (© G.C.)

« Détricoter la mécanique sexiste » pour se diriger vers une société « égalitaire », c’est le pari des ateliers de la Fresque du sexisme, dispensés depuis un an par Maud Le Bar. Mercredi 13 mars, à la province Sud, sept femmes et un homme ont affiné leur réflexion, aiguisé leur propos.

Homme, femme. Jusqu’ici, pas de problème. « La catégorisation, c’est le fonctionnement normal du cerveau, énonce Maud Le Bar. Le problème, c’est qu’à ces catégories, on associe des stéréotypes issus de croyances. » Les femmes plus douces et empathiques, les hommes plus autoritaires. « Ces croyances peuvent entraîner des discriminations et peuvent même devenir vraies », lorsque les femmes surjouent la douceur pour correspondre au profil valorisé par leur entourage.

Sur la table, au fur et à mesure de la démonstration, les fiches-concepts forment un cercle, dévoilant la « mécanique sexiste » qui pousse les femmes vers le secrétariat et les hommes vers les postes de chef – le CAC 40 compte trois patronnes pour 37 patrons.

« Ça va dans les deux sens. Les hommes souffrent aussi du sexisme », lance une participante, donnant l’exemple des garçons « qui sont raillés s’ils ne sont pas bagarreurs ». Maud Le Bar rectifie. « Les garçons subissent des conséquences négatives du patriarcat, mais ce n’est pas la même chose que du sexisme anti-hommes », puisqu’aucune idéologie n’affirme l’infériorité de l’homme vis-à-vis de la femme. « C’est comme le racisme. Il y a l’idée de discrimination systémique. On n’est pas discriminé à l’embauche parce qu’on est blanc. Il y a un sens à l’oppression. »

« ON A BEAU EN AVOIR CONSCIENCE, C’EST PLUS FORT QUE SOI »

Assez de théorie pour le moment. Dans la phase suivante, l’animatrice fait appel au vécu de chacun. Florent Rabaste, seul homme de cette Fresque, a été marqué par l’injonction « d’aller vers les filles », d’être entreprenant, dragueur, viril. « Il y a une pression sociétale sur les jeunes garçons. Il faut justifier d’un succès auprès des filles, et je pense que ça peut expliquer beaucoup de choses au niveau du harcèlement et de la question du consentement. »

Une autre participante évoque le souvenir de l’Italie, où les femmes, dont sa mère, cuisinaient pour les hommes, les servaient, puis mangeaient les restes. Des décennies plus tard, elle-même mangeait sur le pouce, puis attendait le retour de son mari, encore au travail, pour le servir. « J’ai copié ma mère. Je suis rentrée dans le moule à fond, constate-t-elle. On a beau en avoir conscience, c’est plus fort que soi. »

Une autre attitude héritée : se rendre « présentable » quand quelqu’un sonne, avoir l’air convenable en toutes circonstances, « à la Nadine de Rothschild ». De l’autre côté de la table, une professeure de lycée raconte ses scrupules à postuler pour un emploi pour lequel elle est surqualifiée, quand ses collègues « incompétents » n’ont pas ce genre de cas de conscience. Son témoignage rappelle furieusement le mot de l’écrivaine Françoise Giroud. « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. »

LA VOLONTÉ D’AGIR

« Des émotions sont sorties de part et d’autre. C’était un atelier vivant et c’est toujours touchant. » Dominique Apicella a passé « un très bon moment » et se sent renforcée dans son désir de « jouer le rôle du colibri », oiseau réputé pour son sens de l’abnégation. « Dans ma vie quotidienne, j’ai tendance à relever le langage qui me déplaît et que j’associe à du sexisme. Je reste persuadée que les petites actions individuelles ont leur importance. Et ce que j’ai entendu vient alimenter ma réflexion. »

Florent Rabaste en sort également enrichi. « Faire preuve de pédagogie, que ce soit avec des enfants, des collègues ou des amis, ce n’est pas toujours facile. On a parfois du mal à mettre de l’ordre dans ses idées. La Fresque permet de cerner l’origine, de clarifier le sujet. Ça aide à mieux faire face au sexisme du quotidien. »

 

120 PARTICIPANTS EN UN AN

Créée par l’association éponyme, la Fresque du sexisme est un atelier sous licence dispensé en Nouvelle-Calédonie depuis l’an passé par Maud Le Bar, totalement convaincue par la méthode. « C’est très visuel, et c’est un outil dans lequel les données sont chiffrées et sourcées, ce qui est hyper important, ça permet de rajouter de l’objectivité dans un grand sujet de société où tout le monde a son opinion et son ressenti. » En entreprise, dans le cadre associatif ou privé, 120 personnes ont participé aux ateliers, dont les dates publiques sont disponibles en ligne (www. ellelabiencherche.com, et sur la page Facebook du même nom).

Gilles Caprais