La France réinvestie dans la région

En organisant pour la première fois la conférence des ministres de la Défense du Pacifique Sud (SPDMM) à Nouméa du 4 au 6 décembre, à l’occasion de son dixième anniversaire, la France continue d’essayer de marquer sa présence dans la zone, selon les termes de la stratégie Indo-Pacifique lancée en 2018 par le président de la République depuis l’Australie.

Après une mission aux Philippines et avant un séjour en Malaisie, le ministre des Armées a reçu ses homologues de la défense et les hautes autorités militaires, un geste remarqué : la France était jusqu’ici représentée par le commandant des Forces armées de Nouvelle-Calédonie. « Un engagement énorme » pour une « puissance mondiale », très apprécié par les partenaires, selon Richard Marles, ministre australien de la Défense.

Sébastien Lecornu était accompagné pour ce déplacement d’une délégation de huit députés ayant, pour certains, travaillé à la loi de programmation militaire. « Je me suis suffisamment plaint quand j’étais ministre des Outre-mer qu’il n’y avait plus de culture calédonienne dans les élites parisiennes pour ne pas participer à cela désormais en tant que ministre des Armées. » À ses côtés également, dix industriels spécialistes des chantiers navals, des drones, des logiciels de cybersécurité, de la fabrication de satellites et autres systèmes spatiaux de pointe, ainsi qu’un représentant de la direction générale de l’armement.

Le SPDMM, seul forum sur la sécurité régionale de niveau ministériel, permet des discussions de haut niveau sur la sécurité maritime, l’aide humanitaire, les actions liées aux catastrophes naturelles et la lutte contre les trafics dans un contexte de changement climatique, qui vient « aggraver des menaces ». Tout en prenant en considération les risques de conflits mondiaux. Un certain nombre d’engagements nouveaux ont été pris dont l’étude de la création d’un Groupe de réponse du Pacifique (PRG), une force d’intervention.

Sébastien Lecornu a développé à cette occasion – comme la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna en Australie ‒ le narratif d’une « puissance d’équilibre », refusant la « logique des blocs », investie sur la défense, la sécurité et la lutte contre le réchauffement climatique. Une diplomatie basée sur du concret « qui participe à un visage de la France lui-même opérationnel et proche des populations ». Sébastien Lecornu assume une forme d’influence française dans le Pacifique, même si « elle correspond à chaque fois à des besoins exprimés par les partenaires ».

Le discours de la France, tout en « puissance » de 2018, a quelque peu évolué au gré des déconvenues avec l’Australie, de la situation des territoires français, et en particulier de la Nouvelle-Calédonie, dans un bassin sud plus éloigné des risques de conflits que la partie nord, et dont les petits États continuent de prôner le non-alignement et s’inquiètent de la militarisation.

Le ministre des Armées s’est d’ailleurs défendu de toute ambition « belliqueuse » en réponse à une partie de la mouvance indépendantiste locale, à qui il n’a pas laissé de très bons souvenirs, et qui organisait mardi 5 décembre une manifestation contre la militarisation du territoire.

Il répond que les investissements militaires en Nouvelle-Calédonie, à nouveau discutés lors de ce séjour, sont nécessaires, tant ils avaient fait défaut par le passé, et visent, comme les accords de coopération divers avec les pays de la région, à protéger les populations.

C.M.