La Foa 2016 : Focus sur le court-métrage

Le 18e Festival du cinéma de La Foa donnera son coup d’envoi ce vendredi. Cette édition un peu particulière met entre autres l’accent sur les courts-métrages en partenariat avec l’Agence du court-métrage de Paris, représentée par Fabrice Marquat. Entretien. 

DNC : Pourquoi avoir accepté de faire ce long voyage jusqu’en Nouvelle-Calédonie ?

Fabrice Marquat : Un long voyage, qui plus est en Nouvelle-Calédonie, ne se refuse pas ! Plus sérieusement, je travaille à distance avec le festival depuis quelques années au niveau de la programmation de courts-métrages. L’an passé, nous avons, avec Delphine, échangé plus longuement à ce sujet et de fil en aiguille, nous sommes arrivés à la conclusion que nous pourrions développer cette collaboration entre l’Agence du court-métrage et le festival et cela passait par une présence sur place et une rencontre entre les personnes concernées. Pour un distributeur, il est toujours intéressant, voire essentiel, de découvrir un festival et ses organisateurs pour mieux répondre à leurs attentes mais aussi vivre en direct l’impact des films auprès du public.

Vous représentez l’Agence du court- métrage de Paris. Que fait cette agence concrètement ?

Cette association a été créée en 1983 par un collectif de réalisateurs, producteurs et techniciens du cinéma pour contrer l’éviction du film court des salles de cinéma car à cette époque, la publicité prenait petit à petit la place du court-métrage sur le grand écran. Cette structure de quatre personnes s’est développée au fil des ans et compte aujourd’hui 30 salariés à temps plein qui assurent la promotion et la distribution du court-métrage partout – salles de cinéma, festivals, télévisions, vod, éducation à l’image, etc – et sur tous les territoires, en France et dans le monde. L’Agence du court- métrage est devenue le maillon incontournable entre ceux qui font les films, les réalisateurs et producteurs, et ceux qui souhaitent les montrer (cités ci-dessus). L’Agence du court-métrage publie également la seule revue de cinéma au monde dédiée à la forme courte : le magazine Bref.

Comment personnellement êtes-vous arrivé au cinéma ?

Ce fut un parcours sinueux : adolescent j’écrivais déjà des scénarios avec le désir secret de devenir réalisateur. La réalité m’a dirigé vers des études en communication qui ne m’ont donné aucune envie de poursuivre une carrière dans ce domaine. J’ai alors tenté d’intégrer une école de cinéma, sans succès. Au final, je suis revenu au cinéma par la petite porte en intégrant l’équipe d’une salle art et essai de Dijon, où j’ai beaucoup appris. Ensuite, j’ai été recruté par l’Agence du court-métrage en 2001, ce qui m’a offert diverses perspectives stimulantes : programmation, écriture pour le magazine et réalisation, et le fait d’être plongé dans le milieu m’a motivé pour reprendre des projets personnels de films et les mener à terme.

Qu’est-ce qui vous plaît en particulier dans le court-métrage ?

Pour moi, le court-métrage est un espace de liberté narrative et même si beaucoup de films sont formatés et tentent inutilement de « ressembler » aux longs-métrages, cette forme permet des innovations que l’économie du long-métrage ne tolérerait pas. Ces innovations, réelles prises de risque, sont ensuite parfois « récupérées » par le long-métrage. Par exemple, les films d’animation documentaire existaient dans le court-métrage bien avant les succès de Valse avec Bachir ou Persepolis.

Vous ferez partie du jury des « Courts contre la montre ». À quoi serez-vous particulièrement sensible sur les projets de fiction qui seront présentés ?

Ce que j’attends c’est que, à défaut d’avoir une maîtrise technique totale et assez de temps pour élaborer un film parfait, les réalisateurs osent proposer des choses novatrices, hors des sentiers battus. Un regard personnel sur un sujet si possible original.

Que cherchez-vous en premier dans un court-métrage ?

L’originalité du sujet dans un premier temps, un regard personnel ensuite et enfin, que le film propose un traitement cinématographique fort avec une mise en scène, un cadre, une lumière…

Une rencontre est organisée autour du scénario et ses enjeux. Quel type de réflexion va être mené ?

Je vais aborder cette rencontre de mon point de vue de programmateur, réalisateur, lecteur en commission et critique : je ne suis pas un théoricien du cinéma et n’enseigne pas le scénario à l’université ! Donc, je ne vais parler que de ce que je connais, à savoir l’élaboration d’un scénario qui va être lu par des commissions qui vont décider ou non d’aider le réalisateur à faire aboutir son projet de film. Mon intervention va donc être axée sur la forme dans un premier temps, puis sur le fond. Mais toujours de mon point de vue et de mes propres expériences. Je ne viens pas donner un cours magistral sur le scénario, j’en serais bien incapable !

Un autre concerne la diffusion du court-métrage. Quelles peuvent être ici les difficultés ou les facilitées liées à ce genre de format ?

La diffusion du court-métrage repose sur la volonté des différents acteurs – salles, festivals, chaînes de télévision. On ne peut pas obliger une salle commerciale à projeter un court- métrage en avant-séance si elle considère que 10 ou 15 secondes de publicité sont d’une rentabilité financière sûre, donc irremplaçables. Il faut prendre le temps d’habituer le public à découvrir le genre pour qu’il puisse l’apprécier et du coup, devenir demandeur. C’est un long processus qui repose sur la pédagogie et l’envie partagée de montrer un cinéma différent. La situation en France est unique au monde dans le sens où les pouvoirs publics, le ministère de la Culture via le Centre national du cinéma, soutiennent ce secteur économiquement fragile et, paradoxalement, très riche artistiquement parlant.

Connaissez-vous le cinéma calédonien et si oui, votre avis sur ce que vous avez pu voir, aimer, etc.

Je le connais peu, mais un peu mieux depuis notre collaboration avec le Festival de La Foa ! Ce que j’ai pu découvrir ne manque pas d’intérêt et l’on ressent de l’envie et du talent sur certains projets. Qui mériteraient d’être accompagnés tout au long de la longue chaîne de la création cinématographique, à commencer par l’écriture du scénario, qui est déterminante, pour aborder au mieux toutes les autres étapes. J’ai pu ainsi découvrir des films aux sujets forts et originaux, mais qui parfois étaient fragiles en termes de direction d’acteurs, par exemple.

C. Maingourd

Retrouvez tout le programme du festival sur www.festivalcinemalafoa.com

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Bio express

Après des études universitaires en publicité et marketing, Fabrice Marquat s’oriente rapidement vers l’écriture, le cinéma et les voyages. Durant un tour du monde, il réalise des reportages photo, des articles, notamment pour le magazine Geo. Puis, il devient assistant de direction au cinéma art et essai l’Eldorado de Dijon avant de rejoindre l’équipe du court- métrage à Paris en tant que programmateur cinéma en 2001. Il est par ailleurs rédacteur et critique pour le magazine Bref, réalisateur de documentaires, lecteur de scénarios pour la commission Ecla/Aquitaine et correcteur en analyse filmique au concours d’entrée de la Fémis, école nationale supérieure des métiers de l’image et du son.

Filmographie :

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Le fou de Beaucourt
Les 1000 vaCChes