La CTC épingle la stratégie minière de la province Nord

La Chambre territoriale des comptes vient de produire trois rapports plutôt critiques intéressant la province Nord. Les magistrats se sont plus spécifiquement penchés sur les activités de la Sofinor, la SMSP et les interventions de la province dans le nickel. Les conclusions mettent à mal la stratégie défendue depuis plus de 30 ans.

La Chambre territoriale des comptes a examiné de manière très minutieuse les activités nickel de la province. Au travers de trois rapports particulièrement denses, les magistrats de la chambre ont épluché les comptes de la SMSP et de la Sofinor sur les exercices 2013-2019 ainsi que les interventions directes de la province Nord entre 2016 et 2019. La dernière analyse est particulièrement critique de la stratégie de la province reposant sur la doctrine nickel, soutenue par le FLNKS, et qui s’appuie sur trois axes principaux : la maîtrise de la ressource, l’arrêt des exportations de minerai brut exception faite si elles sont destinées à alimenter un outil calédonien offshore et de parvenir à obtenir 51 % du capital de la SLN.

Dans sa synthèse, la Chambre égratigne la province et sa doctrine, soulignant son caractère « vague qui ne relève pas de la détermination d’un programme stratégique » et le manque d’objectifs et de moyens liés aux grands axes. De la même façon, elle pointe le manque de sollicitations de l’assemblée, notamment en matière de stratégie, ainsi que l’insuffisance de communication autour des rapports d’activité.

La CTC a également évalué l’objectif de participation majoritaire dans les outils de production afin d’assurer un retour sous forme de dividendes pour la collectivité. Elle indique que ce modèle économique « n’est pas confirmé dans la pratique » précisant que les dividendes perçus par la Sofinor et la SMSP n’ont jamais été reversés à la province. Selon le rapport, ils ont servi à couvrir « les dépenses courantes et les dettes de la Sofinor et de la SMSP », ajoutant par ailleurs que la province a dû apporter son soutien financier direct (1,2 et 5,2 milliards de francs) et indirect au travers de garanties d’emprunts.

La Chambre conclut que les seuls retours pour la province se matérialisent par les « emplois et l’irrigation du tissu économique ». Si la synthèse peut sembler particulièrement critique, la CTC effectue toutefois peu de recommandations. Elle encourage tout d’abord la province à « préciser ses objectifs et modalités et de formaliser sa stratégie nickel dans le cadre d’une délibération présentée au vote de l’assemblée provinciale ». Sur ce point, l’institution a fait savoir qu’elle réunirait prochainement l’assemblée.

Une limite floue entre examen de gestion et opportunité des choix politiques

La deuxième recommandation porte sur la revendication de la province de faire en sorte que les collectivités locales prennent une participation majoritaire au capital de la SLN. La Chambre estime que la province devrait en évaluer les aspects financiers et préciser comment cette prise de participation serait financée et comment les collectivités envisageraient d’assumer leur rôle d’actionnaires majoritaires en cas de retournement de la conjoncture. Un point qui pose question puisque le montage serait sensiblement différent de celui de l’usine du Nord qui prévoit la participation de l’actionnaire minoritaire.

La troisième et dernière recommandation porte sur la gestion des titres miniers. L’idée défendue par la province est de pouvoir les récupérer en fonction de la « compétitivité » des entreprises minières. Si les magistrats s’accordent sur le fait qu’il est naturel que le domaine minier soit géré de manière « rationnelle et efficace », il n’en reste pas moins qu’ils jugent indispensable de « sécuriser les critères qui seront mis en œuvre pour l’attribution, le maintien et le retrait de ces titres ». Une sécurisation que les entreprises minières ne manqueront pas de réclamer et sans laquelle l’engagement d’intérêts privés paraît délicat.

Outre ces éléments, la Chambre explore de manière très complète les autres interventions de la province, comme sa participation au sein du capital de l’usine du Sud qu’elle estime irrégulière puisque la loi organique ne prévoit pas la participation dans une entreprise située en dehors de son territoire et n’ayant aucun lien direct ou indirect avec elle. Pour rappel, la Chambre territoriale des comptes a vocation à examiner les comptes et la gestion des collectivités ou des établissements et sociétés bénéficiant d’argent public et non à s’interroger sur l’opportunité des choix politiques. Un élément qui doit préserver de s’aventurer sur un terrain trop politique. Dans ce dernier rapport de la CTC, la limite est plutôt floue même si l’exercice demeure intéressant pour les Calédoniens qui peuvent notamment découvrir la manière dont les élus calédoniens ont échoué depuis plus de dix ans à définir une stratégie en matière de nickel.

L’ensemble des publications de la CTC, et en particulier celles sur la stratégie nickel de la province Nord, la SMSP et la Sofinor, sont à retrouver dans leur intégralité sur www.ccomptes.fr (Rubrique : CTC Nouvelle-Calédonie)

M.D.

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