La crise s’enlise

En cette période de fin de l’Accord de Nouméa, le dossier de la mine s’est installé dans notre quotidien et les tensions qui vont avec font craindre au pire. Les indépendantistes ont fait une nouvelle proposition concernant l’usine du Sud alors que Vale NC est à l’arrêt et qu’ils asphyxient toujours la SLN. Pour Les Loyalistes, c’en est trop. Ils en appellent à une intervention rapide des forces de l’ordre sinon ce sera la mobilisation.

Le débat forcé, exigé depuis des semaines par les indépendantistes aux moyens des barrages dans le dossier du rachat de l’usine du Sud, a complètement glissé sur le terrain politique. Après l’offre Sofinor/Korea Zinc et un plan B qui n’a pas eu le temps de voir le jour, les indépendantistes avaient évoqué l’idée de la nationalisation. Donner l’usine à l’État alors que l’on veut l’indépendance, seul le FLNKS était capable de faire cette proposition que le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, a rejeté, estimant que compte tenu du contexte référendaire, c’est aux Calédoniens de gérer cette usine. Les indépendantistes ont donc formulé une nouvelle proposition le week-end dernier : un contrôle à 100 % calédonien de Vale NC par la SPMSC.

Une énième proposition qui laisse perplexe, surtout après l’interview, dimanche soir au JT de NC La 1ère, de Mickaël Forrest, l’un des porte-parole du FLNKS. Il n’a pas précisé comment serait financé ce projet et répondu, tout simplement, qu’ « il faudra se faire mal ». Il n’en fallait pas moins pour faire bondir Les Loyalistes comme Nicolas Metzdorf qui, lundi matin sur RRB, a expliqué que « l’on n’arrive même pas à combler les trous de notre budget pour mener nos politiques publiques de base. On ne va pas, demain, aller racheter une usine de classe mondiale avec l’impôt des Calédoniens ! Sachant qu’en plus, on ne sait même pas la faire tourner ! »

Dans cette situation considérée comme ubuesque, Les Loyalistes ont confirmé qu’ils allaient tout mettre en œuvre pour que le rachat de Vale NC par Prony Resources soit finalisé, s’appuyant sur l’annonce du ministre des Outre-mer, quelques jours plus tôt, d’une plus forte implication de l’État dans cette reprise.

Sortir de l’impasse

La tension est donc palpable et semble avoir franchi encore un cap depuis que Harold Martin a appelé de répondre aux blocages par des blocages. « Tant qu’il n’y aura pas de minerai pour la SLN, il n’y aura pas non plus de minerai pour la Corée », a dit l’ancien président du gouvernement, par ailleurs signataire de l’Accord de Nouméa. Un exercice périlleux qui rappelle de sombres périodes. Et pour tenter, une fois encore, d’éviter ce passé, Les Loyalistes ont tenu, dimanche, une conférence de presse pour demander à l’État de faire rapidement respecter l’ordre.

Pour Sonia Backes la situation a assez duré : « Cela suffit ! On voit bien, avec la dernière proposition de Daniel Goa, qui n’a aucun sens, qu’en fait, ils ne veulent pas trouver de solution, mais mettre au tapis l’usine du Sud, la SLN et les salariés qui vont avec. Le Premier ministre s’est exprimé pour dire que l’ordre républicain n’est pas négociable, ça doit se traduire en actes. L’État doit assurer la sécurité des Calédoniens, la liberté de circuler, la liberté de travailler. »

Pour Gil Brial, « l’État doit siffler la fin de la partie, libérer les accès à Vale, libérer les accès aux sites miniers de la SLN, aux sites de chargement des bateaux pour que les Calédoniens retrouvent une vie normale. Il doit également intervenir pour faire cesser les blocages à Saint-Louis, faire déblayer cette route qui, quand vous passez avec votre famille, vous donne l’impression d’être dans une scène de guerre. Il faut passer des paroles aux actes maintenant ».

Une Calédonie dans la République

Les Loyalistes ont profité de cet appel à l’État pour demander « politiquement » aux indépendantistes s’ils sont toujours dans l’Accord de Nouméa ou pas. Si oui, les Loyalistes demandent qu’un Comité des signataires soit organisé en urgence et « s’ils ne veulent pas respecter cette instance de dialogue, c’est qu’ils ne sont plus dans l’Accord de Nouméa, avance Sonia Backes. On ne peut pas être dans l’Accord de Nouméa pour demander un troisième référendum et être hors de l’Accord de Nouméa pour le dialogue. »

Harold Martin va même plus loin : « Il n’y aurait alors pas de troisième référendum et on demanderait à l’ONU de retirer la Nouvelle-Calédonie de la liste des pays à décoloniser puisque les Calédoniens se sont exprimés deux fois pour rester français. »

La réponse des indépendantistes n’a pas traîné et ne laisse rien présager de bon. Daniel Goa a réitéré qu’il « n’y aura ni groupe Leprédour, ni de Comité des signataires tant que la question de l’usine du Sud ne sera pas réglée ». Le message est on ne peut plus clair. Reste donc la solution proposée par le Premier ministre, Jean Castex, qui, il y a quelques jours, avait avancé que la responsabilité de tous est « d’inventer une solution politique nouvelle pour la Calédonie dans le cadre de la République française ». Une phrase qui en dit long…


Le dernier projet du FLNKS

La proposition a été évoquée, samedi à Ponérihouen, par Daniel Goa, porte-parole du FLNKS et président de l’Union calédonienne. L’idée était de rassembler toutes les mouvances indépendantistes qui ont émergé durant le bras de fer autour de l’usine du Sud lors des mobilisations et blocages. Le FLNKS propose donc un actionnariat 100 % calédonien pour l’usine du Sud via la Société de participation minière du Sud calédonien (SPMSC), portée par les trois provinces. Le bureau du FLNKS y voit une possible transition dans ce dossier avant que 49 % du complexe ne soient cédés à un futur industriel.


La province Sud réagit

Faisant suite aux blocages et dégradations, la présidente de la province Sud, Sonia Backes, a adressé un courrier à Sébastien Lecornu pour lui faire part des préoccupations et du souhait d’une réponse rapide de l’État afin de disposer des moyens humains de sécurité « adaptés aux enjeux en matière de l’ordre public ». À titre d’exemple, elle rappelle qu’il a été notamment impossible de soutenir les prestataires de la province Sud en charge du nettoyage de la route provinciale sur la commune du Mont-Dore.

Dans le même temps, la province confirme qu’elle avance sur le projet de Prony Resources. La présidente de l’institution a annoncé, lundi par communiqué, avoir « présenté, ce 18 janvier, aux élus membres de la mission d’information provinciale sur le devenir de l’implantation calédonienne de Vale, les travaux engagés afin de soumettre à l’assemblée délibérante de la province Sud la validation du projet de reprise du site par Prony Resources ».

D’autre part, la province Sud a décidé de mettre en place un plan d’urgence de soutien aux entreprises affectées économiquement par les blocages des voies de circulation du Sud de la commune du Mont-Dore et par les effets de la fermeture des sites provinciaux du grand Sud. Dans ce cadre, la province propose, sur une durée de six mois maximum, une aide de 1,5 million de francs afin que les entreprises puissent couvrir les charges d’exploitation.


Les salariés SLN et Vale reçus au Congrès

Les élus du Congrès ont reçu, jeudi dernier, une délégation de salariés de la SLN et de Vale, inquiets pour leur avenir et celui de leurs usines, conséquence du blocage mené par les indépendantistes.


Vale redoute la mise en sommeil

« Il devient maintenant extrêmement urgent d’arriver à conclure ce transfert de propriété de Vale NC. Sinon dans les semaines qui viennent, on court vers la mise en sommeil de l’usine », a prévenu, lundi Didier Ventura, le directeur général délégué de la filiale du géant brésilien. « Et une mise en sommeil est synonyme, pour nous, de catastrophe ». Vale confirme que la date du 12 février sera décisive, ce sera la limite du compromis de vente de l’usine. Une date butoir que des milliers de personnes redoutent, salariés et sous-traitants les premiers.


La route de Yaté bloquée

Samedi, en signe de protestation contre neuf interpellations dans les rangs de l’Ican (Instance coutumière autochtone de négociation) lors des récentes exactions menées contre l’usine du Sud, le Comité nationaliste et citoyen (CNC) de Yaté a bloqué la route au niveau du col de Mouirange et au carrefour de la Madeleine. L’Ican a voulu dénoncer l’asymétrie de traitement entre ses militants et ceux mobilisés par Harold Martin durant les blocages jeudi et vendredi derniers.

D.P.