La classe à Vegas

Deux mois après l’annonce officielle de leur sélection au Burlesque Hall of Fame, les performeuses calédoniennes ont posé leurs valises à paillettes sur le tarmac de Las Vegas. Elles n’ont plus qu’un rêve en tête : décrocher, samedi soir, le titre de meilleur groupe de burlesque au monde. Mais aussi la couronne de reine dans la catégorie amateur pour Coco Pearl. 

«Ouah… T’as vu le parc à limousines ! » Dans le bus à étage qui longe le Strip, le plus célèbre des boulevards de Vegas, les Calédoniennes de la troupe Burlesque Nouméa n’en reviennent toujours pas. « C’est énorme ! Tous nos sens sont perturbés », lâche Carine, alias Lady Carioca, leader de la troupe. Si les sens sont bouleversés, les repères le sont tout autant. Palaces pharaoniques, panneaux publicitaires à foison, personnages hauts en couleur et décomplexés défilant dans des rues bondées… « Ici, tout est démesuré. On est sur une autre planète. C’est un parc d’attractions géant pour adultes », compare Little Flower.

Il faut dire qu’après plus de vingt heures de voyage et dix-huit heures de jetlag, le contraste avec Nouméa est saisissant. « Ne pensez pas qu’à Vegas vous allez dormir les filles ! », prévient Lady Carioca. Et pour cause. Le programme de cette escapade dans la cité du péché est pour le moins chargé. Céline Dion, Cirque du Soleil, Blue Man Group… « On fait le plein de shows, histoire de trouver l’inspiration », explique Mademoizelle Fanfan.

Une troupe bien entourée

Loin de l’agitation effrénée du Strip, les filles de la troupe se sont imprégnées de l’atmosphère vintage de Fremont Street, la rue emblématique du vieux Vegas, avec ses vieilles machines à sous et ses panneaux d’affichage à l’ancienne. Un univers presque familier pour ces performeuses adeptes du style pin-up à l’américaine. « C’est plutôt comme ça qu’on imaginait Vegas. Là, on en prend plein les yeux », confient les filles en chœur.

Certaines sont venues accompagnées de leurs maris, enfants et même parents pour vivre cette expérience peu ordinaire. Soit un joyeux groupe de 31 personnes au total, dont une poignée d’amies, danseuses elles aussi, mais également Satine Jones, la toute nouvelle Miss Burlesque Nouméa, qui, pour rien au monde, n’aurait laissé sa couronne en Nouvelle-Calédonie. « Je l’ai glissée dans un grand pot vide de fromage blanc et je l’ai rempli de culottes à frou-frou. »

Pas facile non plus pour la troupe de voyager avec ces énormes ballons, accessoires phare du numéro Gym Tonic, qu’elles présenteront samedi soir sur la scène du Burlesque Hall of Fame. De quoi donner lieu avant le départ à une petite séance de dégonflage désopilante, dont la vidéo est venue enrichir le site de crowdfunding que la troupe a lancé il y a moins de trois semaines (lire ci-contre).

 

Un numéro décalé 

Si le stress n’est pas encore palpable à trois jours du grand soir, le défi à relever, lui, est pour le moins ambitieux. Samedi soir, la petite troupe calédonienne prétendra au titre de meilleur « large group » au Burlesque Hall of Fame (Bhof), la plus grosse scène burlesque au monde. Un tour de force quand on sait que plus de 500 participantes ont envoyé une vidéo de leur numéro en solo ou en groupe et que, parmi elles, aucune Française ou Australienne n’a été retenue. « Il n’y a pas plus haut que le Bhof, estime Mademoizelle Fanfan. C’est la Mecque du burlesque, la consécration. »

Pari impossible donc ? Pas si sûr, puisque suite à cette sélection sur vidéo, les performeuses nouméennes se classent parmi les quatre dernières finalistes et ont donc une chance sur quatre de revenir au pays avec le titre en poche.

Leur atout ? Avoir choisi un numéro décalé, aux antipodes des codes du Classic Burlesque. Point de corsets, de bas résille et de talons hauts mais des jambières et des leggings fluo pour cette parodie hilarante de la célèbre émission Gym Tonic, de Véronique et Davina. Cet humour rafraîchissant permettra-t-il aux petites « Frenchies » du Pacifique d’accéder à la première marche du podium ? Réponse dimanche 5 juin, à 18 h, heure de Nouméa.  


 

Une perle au pays de l’or

Cerise sur le gâteau, la Calédonie sera non seulement représentée par la troupe mais également par Claudia, alias Coco Pearl, consacrée Miss Burlesque Nouméa en 2014. C’est d’ailleurs grâce au même numéro de danse tahitienne, transposée à l’univers  burlesque, que la sublime danseuse calédonienne a été repérée sur vidéo par le jury américain. « Je voulais que les internationaux découvrent autre chose que les thèmes classiques, avec des plumes. Nous avons l’exotisme du Pacifique. Il faut les surprendre avec de la nouveauté et quelque chose qu’ils retiendront de notre région. » Coco Pearl sera également sur la scène du Bhof samedi soir avec, en jeu, le titre de « Queen of Burlesque » dans la catégorie « Best Debute » (amateur).


Du crowdfunding pour financer le voyage

Bien que sélectionnée au Burlesque Hall of Fame, la troupe doit financer elle-même ce séjour au pays de l’oncle Sam. Un vrai sacrifice pour certaines de ces danseuses amateurs, qui avaient pris, malgré tout, leurs billets d’avion bien avant de connaître les résultats. L’engouement des Calédoniens à l’annonce de la sélection a été tel que la troupe s’est décidée à lancer une souscription publique via une plate-forme de financement participatif. Également connues sous le nom de « crowdfunding », ces plates-formes sur Internet permettent de collecter des fonds auprès du grand public pour donner vie à un projet. Cela va de la campagne présidentielle de Barack Obama, qui a permis de récolter près de 150 millions de dollars, à la création d’une école alternative à Nouméa. « L’avantage, c’est que les gens peuvent contribuer à la hauteur de leur choix », signale Lady Carioca. Étonnamment, ce n’est pas la communauté burlesque qui contribue le plus à ce financement participatif depuis le début de la campagne mais davantage les amis, la famille et l’entourage proche. « Il y a une réelle adhésion, je crois, au fait que nous représentions la Calédonie aux USA », indique Lady Carioca. En moins de trois semaines, la troupe est parvenue à près de la moitié de son objectif, soit 3 000 euros (360 000 francs). Il reste encore quatre semaines pour faire un don.

Plus d’infos sur www.helloasso.com

« De Nouméa à Las Vegas, le pari fou des effeuilleuses calédoniennes »