La Calédonie, ce pays de centenaires

AFP PHOTO JODY AMIET

À un mois exactement du référendum d’autodétermination, le débat s’est focalisé dernièrement sur les chiffres de la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC) et, plus précisément, sur la part estimée des Kanak inscrits sur cette liste. Cette question sur laquelle des aberrations ont été formulées et sur laquelle il est compliqué d’obtenir des exactitudes est intéressante, mais elle ne préjuge pas du résultat final.

Le rapport numéraire entre les communautés calédoniennes continue d’intéresser vivement nos responsables politiques à l’aube du référendum. Comme si l’ethnie ou le statut des uns et des autres allaient nous donner le résultat exact du vote du 4 novembre. À la mi-septembre, les responsables du FLNKS ont porté la question sur la scène publique. Lors d’une conférence de presse, ils ont affirmé, on s’en souvient, que les électeurs d’origine kanak représentaient 63 % des inscrits pour le référendum.

L’argument consistait à dire que ce ratio était bien la preuve que le gel du corps électoral avait été nécessaire pour lutter contre « la mise en minorité des Kanak » opérée via la colonisation et qu’il leur avait permis de récupérer un potentiel électoral plus « légitime ». Problème, il y a vraisemblablement eu erreur sur les chiffres, confusion et extrapolations.

Mise au point

Les réactions aux chiffres avancés par le FLNKS n’ont pas tardé dans les rangs loyalistes et sur les réseaux sociaux. Ils ont été qualifiés d’« erronés », de « farfelus »… Des erreurs de calcul ont finalement été décelées, mais la polémique a continué d’enfler. Ainsi sur Nouvelle-Calédonie La Première, Roch Wamytan a demandé que l’État arrête « de nous manipuler avec les chiffres, de nous instrumentaliser comme les États colonisateurs ont toujours fait ». « Les chiffres sont faux, a-t-il dit. Qu’on nous donne enfin les véritables ! » Finalement, des éléments de réponse sont arrivés ce dimanche. Interrogé lui aussi dans l’émission Politique direct(e) Thierry Lastate a fait une première mise au point.

Le haut-commissaire a confirmé qu’il y a bien 174 154 électeurs sur la liste spéciale. Des omissions isolées dues à des « erreurs matérielles » peuvent exister, a-t-il rappelé, mais les autorités judiciaires peuvent dans ce cas-là être saisies jusqu’au 4 novembre.

Il n’y a pas en revanche 92 000 Kanak en âge de voter. Ce nombre est erroné et Pierre- Christophe Pantz, géographe, dont une partie des analyses avait été reprise par les indépendantistes, a publié un erratum à ce sujet. Les mineurs de 10 à 17 ans avaient été comptabilisés dans le calcul des données de l’Isee, Institut de la statistique et des études économiques. L’estimation a été revue à la baisse et il situe désormais le nombre d’électeurs kanak à environ 75 000 (contre 72 000 en 2014) soit entre 42,5 et 43,6 % de la liste électorale spéciale.

La proportion de 63 %, alléguée aux Kanak et divulguée par le FLNKS, concernait en fait la part des natifs de droit coutumier dans les inscrits d’office, a encore rectifié le haut- commissariat. Mais là encore, les chiffres des inscrits d’office étaient erronés. Il n’y aurait pas eu 16 154 inscriptions d’office lors de la révision complémentaire, mais 11 222 dont 5 246 de statut coutumier qui représentent donc 47 % des inscrits d’office…

Près de 10 000 centenaires !

Le nombre d’électeurs de statut civil coutumier a également fait réagir. Quand les indépendantistes avancent 106 000 personnes de statut coutumier majeures, l’État note, qu’en quelques mois, le fichier des services de la Nouvelle-Calédonie s’est gonflé bizarrement de 18 000 personnes puisqu’il affichait 89 825 personnes au mois de février.

Il a aussi été dit que 29 000 personnes de statut coutumier majeures n’étaient pas inscrites sur la LESC. Mais sur le fichier de l’état civil coutumier tenu par la DGRAC, 12 335 personnes ont plus de 90 ans et pas moins de 9 901 sont centenaires ! Un chiffre invraisemblable, dit l’État, puisqu’en 2014, le recensement comptait 557 personnes de plus de 90 ans toutes communautés confondues et que dans sa totalité la France ne compte que 16 000 centenaires….

Au final, le nombre de personnes ayant ou ayant eu le statut civil coutumier par le passé représenterait 46 % du corps électoral. On note que cette estimation est supérieure à celle du nombre de Kanak en âge de voter (entre 42,5 et 43,6 %) sur la LESC.

Mais, on l’aura compris, les chiffres sont à prendre avec des pincettes. D’une part, la liste des personnes de statut coutumier n’est pas à jour avec de nombreuses personnes décédées. Quant au recensement, il s’est fait sur la base de déclarations. Les chiffres avancés récemment ne prennent pas en compte ceux n’ayant pas souhaité répondre, ceux appartenant à plusieurs communautés ou vivant à l’étranger…

Quoi qu’il en soit, pour le référendum, il semble utopique de vouloir estimer le potentiel du vote indépendantiste sur des critères ethniques. Nous ne savons pas ce que les électeurs décideront dans l’isoloir ni combien ils seront à se déplacer. Les récents sondages (Quid Novi, I-Scope) ont bien montré à ce sujet que tout n’était pas ou blanc ou noir…

C.M.


Concrètement deux éléments – pas 100 % fiables – permettent d’éclairer sur le nombre de Kanak qui vont potentiellement voter lors du référendum : le statut (de droit coutumier ou de droit commun) et la communauté d’appartenance déclarée lors du dernier recensement de 2014.