Karl Therby : « Nous avons eu deux marques d’intérêt »

« Même si nous ne sommes pas d’accord sur tout, je peux vous dire qu’il n’y a aucune tension entre Glencore et la SMSP », appuie Karl Therby. (© Y.M.)

Faute d’accord avec l’État, Glencore va engager un processus de vente de sa participation de 49 % dans Koniambo Nickel. Six mois s’ouvrent pour trouver un repreneur, explique Karl Therby, PDG de la SMSP.

DNC : Comment qualifieriez-vous la position de KNS ?

Karl Therby : Au niveau mondial, le marché est entré dans une phase de récession, avec des cours du nickel très bas. À ce niveau, seuls les acteurs chinois en Indonésie gagnent de l’argent. La conséquence est la mise en veille, voire la fermeture, de plusieurs mines et usines partout dans le monde et notamment en Australie. Koniambo Nickel se trouve dans ce contexte.

De plus, notre partenaire industriel, qui finance l’outil depuis dix ans, est arrivé au bout de ce qu’il pouvait faire et souhaite se séparer de ses actions. S’ouvre de fait une phase de transition de six mois durant laquelle nous devons trouver un nouveau partenaire. En tant qu’actionnaire local, nous sommes concernés par l’impact sur les sous-traitants locaux, notamment ceux qui sont mono-client avec Koniambo Nickel. C’est à KNS en premier lieu de commencer à travailler avec les sous-traitants. Notre seul soulagement est d’avoir pu obtenir la préservation des emplois durant cette période.

« Nous avons tous le même intérêt : attirer un nouveau partenaire au plus vite. »

Pourquoi aucune solution alternative de financement acceptable par Glencore n’a pu être trouvée ?

Il y a eu des propositions, mais les conditions qui les accompagnaient n’étaient pas jugées acceptables par Glencore. Au bout de deux jours de négociation, nous nous sommes vite retrouvés dans une impasse, les positions du CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle), dont Koniambo Nickel avait sollicité l’assistance, et celles de Glencore ne permettant pas d’atteindre un point d’équilibre. La seule issue était alors la mise en veille de l’outil, avec seulement moins de 200 salariés. J’ai fait tout ce que je pouvais pour éviter qu’on licencie plus de 1 200 salariés dès le 29 février. C’était impensable.

Heureusement, les négociations ont abouti et l’objectif a été atteint. Bien sûr, ce n’est pas la meilleure solution, mais dans l’immédiat, c’est un temps précieux que nous avons pu négocier. Un temps qui, avec le maintien des fours à chaud et l’intégralité du personnel mobilisé, nous permet d’avoir une configuration plus favorable pour un repreneur.

Qui finance le maintien des emplois à KNS pendant les six mois ?

Au final, c’est Glencore. Au départ, l’idée était de faire un 50/50, mais l’État et Glencore n’ont pas pu s’entendre sur certains points à ce sujet.

Que devient la dette de KNS estimée à 14 milliards de dollars US ? Glencore l’absorbe-t-il ?

Ce sont des éléments fondamentaux dont nous devons encore discuter avec Glencore, mais je pense que Glencore est conscient qu’avec cette dette, aucun repreneur ne sera intéressé.

Comment va s’opérer la cession des parts de Glencore ?

Là encore, ces éléments sont encore en discussion. Nous allons devoir traiter cela rapidement, car ces conditions de départ seront les conditions d’arrivée d’un repreneur si nous en trouvons un.

Comment abordez-vous la recherche d’un nouveau partenaire, alors que le cours du nickel est bas ?

Oui, le contexte est particulièrement défavorable. Nous savons que la tâche sera compliquée. Une chose est sûre : pour y arriver, nous devons travailler tous ensemble, actionnaires, direction, salariés et syndicats, mais également sous-traitants, à une meilleure compétitivité et à une meilleure productivité de notre outil. Nous avons tous le même intérêt : attirer un nouveau partenaire au plus vite et, pour cela, il faut montrer la meilleure image possible.

« Nous préférerions traiter avec un partenaire que nous connaissons déjà, tel que Posco. »

Des noms de groupes intéressés circulent-ils déjà ?

Nous avons eu deux marques d’intérêt, mais les discussions étaient compliquées car il n’y avait pas eu d’annonce officielle de Glencore sur son départ. C’est fait, nous allons pouvoir maintenant avancer avec ces groupes, mais on espère avec d’autres également. Ensuite, chacun doit apprendre à rester à sa place et laisser l’industrie gérer l’industrie. J’ai été choqué par des déclarations de personnalités publiques ces derniers temps. Si la stratégie de la SMSP était la cause de la situation, nous serions les seuls dans ce cas. Or, ces difficultés se sont manifestées ailleurs en Nouvelle-Calédonie et dans le monde.

Répondriez-vous à une offre chinoise ?

Nous préférerions traiter avec un partenaire que nous connaissons déjà, tel que Posco. Quoi qu’il en soit, nous étudierons toutes les offres à partir du moment où un dossier est sérieux techniquement et financièrement. S’il répond à nos attentes sur la vision stratégique et qu’il respecte le partenaire local, nous ne fermerons pas la porte. Ce qui nous importe, c’est d’assurer un avenir aux salariés et sous-traitants. Il est important de remettre chaque chose à sa place : il ne s’agit pas de « tout donner aux Chinois » comme je l’ai entendu, mais de nous assurer un avenir.

Pourquoi finalement l’État ne conçoit-il pas un partenariat avec des Européens ?

C’est une question à poser à l’État. Pour ma part, si demain nous avons une proposition de partenariat européen techniquement et financièrement viable et sérieuse, alors nous, SMSP, n’aurions aucun problème.

Propos recueillis par Y.M.