Joseph Trinh Dung, un corps à l’épreuve du temps

Muscles saillants, faible taux de graisse et postures qui accentuent les contrastes. Le bodybuilding est l’art de « l’illusion d’optique », aime à dire Joseph Trinh Dung, qui a remporté le 10 septembre son deuxième titre.© CRBBNC / Castle Makeup & Photography

À 60 ans, le doyen des championnats de Calédonie de bodybuilding s’est imposé dans la catégorie Physique des moins de 1,75 m, le 10 septembre, face à des adversaires deux fois plus jeunes. Il espère se présenter à la prochaine compétition, dans un an, plus affûté encore.

Les années passent, il se surpasse. Sur le podium du centre culturiste du Mont-Dore, Joseph Trinh Dung est arrivé mieux préparé que jamais. 64 kilos de poids de corps, très sec. « Le dos et les cuisses ont fait la différence », estime le champion qui, en bon stakhanoviste, voit surtout les imperfections. « J’aurais pu être plus sec encore. Il m’a manqué dix jours de préparation. »

Il faut s’attendre, en septembre 2024, à le voir remettre son titre en jeu au moyen d’un physique plus abouti encore. « Une demie heure après la fin de la compét’, je reçois un message de Jo », raconte son entraîneur, Gilbert Foucault. « Il me dit « on remet ça l’année prochaine » ! »

Le coach est admiratif. « Il a une bonne génétique, c’est sûr. Mais s’entraîner comme il s’entraîne, concourir avec les jeunes et gagner, à 60 ans passés, c’est beau. Ça inspire le respect. » Le caractère de son athlète est du pain béni. « Il applique à la lettre le programme. C’est très agréable de travailler avec quelqu’un d’aussi rigoureux. »

DISCIPLE DES ARTS MARTIAUX

Durant les dernières semaines avant les championnats, pour « sécher » de 8 kilos, Joseph a enchaîné les séances de cardio à 5 heures du matin. Le soir, après sa journée de chef d’entreprise dans la maintenance industrielle, il est extrêmement assidu en salle de musculation.

À ceux qui s’inquiètent des contraintes, il parle de plaisir. « J’aime ce que je fais, c’est entré dans ma façon de vivre », explique celui qui a trouvé dans le bodybuilding une deuxième vie sportive après les arts martiaux (boxe thaï, kung-fu, full-contact…), qu’il a pratiqués jusqu’à 35 ans.

« C’était très bien, j’ai beaucoup aimé. Mais les hématomes, c’est usant… La musculation, on peut la pratiquer pendant très longtemps tout en se préservant des blessures. » À condition, bien sûr, de connaître son corps. De respecter les temps de récupération. De « calmer l’ego », qui pousse à soulever trop lourd.

L’EGO, ENNEMI DU BODYBUILDER

« Le pire adversaire, c’est soi-même », énonce le champion. « C’est un sport qui n’est pas fait pour les bourrins. » Ni pour ceux qui sous-estiment l’importance de la diététique. « C’est la moitié de la performance », assure- t-il. Son régime alimentaire, même loin des compétitions, comporte « zéro fast food, zéro soda », et très peu d’alcool.

« Les gens pensent que c’est facile », soupire Joseph, qui a l’habitude des soupçons de dopage – qui sont une réalité dans un certain monde du bodybuilding. Il invite les sceptiques à considérer ses vingt années de musculation et à observer ses habitudes. « Qu’ils viennent voir comment je m’entraîne, comment je vis. » Il compte sur sa rigueur, sur sa passion, pour atteindre son nouvel objectif : gagner en toutes catégories, face à des jeunes de plus de 1,80 m.

Gilles Caprais

Le bodybuilding est à la peine

Les 42e championnats de Nouvelle-Calédonie n’ont réuni que 14 concurrents. Ils étaient deux fois plus nombreux il y a une quinzaine d’années. « La discipline est toujours en perte de vitesse », constate Roland Chodey, président du comité régional de bodybuilding.

La tendance est paradoxale, dans une période où les salles de musculation se multiplient. « On sait qu’il y a un potentiel. Mais on n’arrive pas à trouver les causes. Est-ce que les gens s’entretiennent sans rechercher la compétition ? Est-ce que c’est générationnel ? »

En cette année de Jeux du Pacifique, le comité comptait sur l’appât de la sélection pour augmenter le nombre de concurrents. Sans effet. « L’an dernier, on avait emmené des athlètes aux championnats du monde. Mais on stagne, on n’arrive pas à rebondir. »