« Irresponsabilité », « surenchère » des indépendantistes, les loyalistes répliquent

Leader of the "Les Republicains Caledoniens" party and president of the Assembly of South Province†Sonia Backes poses for pictures during a photo session in her office in Noumea, on the French overseas territory of New Caledonia, on September 15, 2020. - An independence referendum will be held in New Caldedonia on October 4, 2020. (Photo by Theo Rouby / AFP)

Les indépendantistes ont rejeté en bloc le calendrier des discussions et le référendum de projet prévu par l’État. Ils demandent une nouvelle consultation d’autodétermination. Qu’en pensent les non-indépendantistes ?

Dans nos colonnes, Daniel Goa résumait, la semaine dernière, le positionnement de l’Union calédonienne à l’approche de son congrès : depuis le scrutin du 12 décembre, qui sera contesté juridiquement, l’État n’est plus considéré comme un arbitre neutre. L’UC ne discutera pas d’un nouveau statut et ne participera pas au référendum de projet qui doit l’entériner. Ses responsables imposeront leur propre calendrier qui court jusqu’à la fin de la mandature (2024) ainsi qu’un vote sur le projet d’indépendance. Il est hors de question de revenir sur le droit à l’autodétermination, le processus de décolonisation, le gel du corps électoral, la citoyenneté, les transferts, etc.

Du côté du Palika, Jean-Pierre Djaïwé, de retour du 46e congrès du parti, a évoqué des discussions bilatérales avec l’État après la présidentielle, un scrutin d’autodétermination en fin de mandature potentiellement organisé par l’ONU et, d’ici là, des négociations sur une indépendance en partenariat.

« Pas des marchands de tapis »

Ces propos n’ont pas manqué de faire réagir les loyalistes. Pour Sonia Backes, présidente des Républicains calédoniens, les indépendantistes tentent de se rattraper. « Ils se sont enfermés tous seuls dans la menace d’un boycott, pensant qu’elle suffirait à faire plier l’État (…) et maintenant, ils cherchent une porte de sortie honorable », écrit-elle sur sa page Facebook.

Les non-indépendantistes sont totalement opposés à un 4e référendum d’autodétermination, estimant que les Calédoniens se sont largement prononcés. « On est dans un État de droit et le résultat des trois référendums a clos le processus prévu dans l’accord de Nouméa qu’ils ont eux même signé », rappelle Sonia Backes, qui s’insurge : « Nous ne sommes pas des marchands de tapis ! » Un raisonnement que tient aussi Nicolas Metzdorf. « On a voté trois fois non avec le corps électoral gelé. La Nouvelle-Calédonie est française, il est hors de question de revenir sur le sujet. »

Nicolas Metzdorf, président de Générations NC.

 

Pour le président de Générations NC, les indépendantistes sont « mauvais joueurs » et reviennent aussi sur la parole donnée, à Paris. « Le référendum de projet est issu de l’accord de Paris. L’UC s’est engagée sur la date de 2021 et un processus vers la création d’un nouveau statut qui serait soumis à la validation des Calédoniens. » Il s’inquiète, par conséquent, de leur capacité à assumer « les concessions qu’ils font dans le cadre du dialogue avec les loyalistes ». « Comment on fait pour considérer sérieusement notre partenaire s’il revient sur sa parole régulièrement ? On a tapé dans la main à Paris devant le ministre des Outre-mer, le Premier ministre et le président de la République ! »

Négociation

Pour Nicolas Metzdorf, soit il s’agit d’un « comportement irresponsable » soit « c’est un bras de fer qui commence ». Une hypothèse qu’émet Sonia Backes. Selon elle, les indépendantistes « savent très bien qu’il n’y aura pas de 4e référendum (sauf à ce que Mélenchon devienne Président), mais ils aimeraient obtenir un nouveau processus d’autodétermination rapidement… alors autant y aller fort dans la surenchère ».

Pour la présidente de la province Sud, c’est comme si les loyalistes, forts de trois référendums « gagnés », demandaient à devenir un département français. « Tout le monde sait que ça n’arrivera pas, mais dans le cadre d’une vision de la négociation comme des marchands de tapis, ça pourrait le faire. » Ce n’est pas dans cet état d’esprit, dit-elle, que les non-indépendantistes construisent les prochains mois de discussion. « Pour nous, la construction d’un nouveau statut est le début d’une nouvelle ère. »

Virginie Ruffenach, vice-présidente du Rassemblement LR.

 

Virginie Ruffenach, vice-présidente du Rassemblement LR, estime pour sa part que ces déclarations sont « hors sol ». « La Nouvelle-Calédonie a besoin d’avancer. La situation économique est terrible et toutes les communautés la subissent de plein fouet. Nous devons maintenant construire l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, son nouveau statut, ses institutions et, surtout, relancer notre territoire économiquement. » Dans cette ambition qui est la leur, les non-indépendantistes promettent, eux aussi, de ne rien lâcher.

 


Partenaire « incontournable »

Les indépendantistes ne font aucunement mention des loyalistes dans le cadre de discussions éventuelles. Ces derniers redisent qu’ils sont incontournables. « Ce n’est pas à l’État que Jean-Marie Tjibaou a serré la main, souligne Nicolas Metzdorf. Le premier partenaire de l’accord de Nouméa, c’est la majorité loyaliste. Sans ça, il y aurait déjà eu l’indépendance. C’est l’héritage de Jacques Lafleur et il va falloir qu’ils comptent sur nous. »

« Ils ne sont pas tous seuls en Nouvelle-Calédonie, rétorque Virginie Ruffenach. Les discussions sur l’avenir doivent avoir lieu avec l’ensemble des Calédoniens. Notre territoire a été trop divisé, il faut maintenant rassembler les populations, les rassurer. »

 

Chloé Maingourd (© Théo Rouby/AFP – © Archives DNC/C.M.)