Indépendance : la stratégie unitaire

Il en va de l’unité de la famille indépendantiste comme de la mauvaise saison, elle est inéluctable dès lors que l’échéance à venir porte sur la question de savoir si oui ou non la Nouvelle-Calédonie doit accéder à un statut de pleine souveraineté. C’est le sens par exemple de la candidature unique de Roch Wamytan la semaine dernière au congrès pour le renouvellement annuel de la présidence. Il n’y a là ni bizarrerie, ni anomalie, simplement du pragmatisme politique. Un pragmatisme qui ne remet pourtant pas en cause de réelles divergences entre les composantes du FLNKS.

Il est des vérités qui ont la vie dure et qui, parfois, conduisent à l’aigreur ou l’incompréhension. Mais une chose est certaine, quelle que soit la question qui sera posée aux Calédoniens qui composent le corps électoral de sortie de l’accord de Nouméa, quel que soit l’éclairage qui pourra être donné d’ici là sur ce que pourrait être le jour d’après, quel que soit même le résultat de cette consultation, les indépendantistes le resteront.

Posé de cette manière, cette affirmation consubstantielle à la nature même de notre territoire et des échéances qui l’attendent déplaît. Pas tant du fait qu’elle semble ne proposer qu’une réflexion binaire, qu’en raison de son apparente insolubilité. C’est pourtant avec cette perspective en tête qu’il convient d’analyser l’attitude des partis et des leaders du mouvement indépendantiste.

Qualifier d’irresponsables par exemple ceux qui ont refusé de valider la cession d’une action de la STCPI à l’État pour finaliser le prêt de sauvetage à la SLN est sans doute porteur électoralement et serait censé faire oublier les errements coupables de Calédonie ensemble dans le dossier nickel. Mais l’argument fait évidemment pschitt lorsque sort le plan B, dont on a du mal à croire qu’il n’était pas de longue date dans les tuyaux.
Sauf que ce plan B fait moins la part belle au député Gomes malgré des apparences trompeuses qu’il ne permet de contourner les provinces. En clair qu’il ne doit finalement plus grand-chose aux acteurs calédoniens. Ce qui satisfait objectivement les indépendantistes qui craignaient que faute d’être en mesure de rembourser le prêt et les intérêts, la STCPI voit son poids se diluer dans une future recapitalisation de la SLN.

Réunis dans la diversité

Outre le sauvetage de la SLN, les indépendantistes se montrent désormais aussi très actifs sur les dossiers économiques, et pour cause. Régulièrement attaqués sur ces sujets, poussés à la faute dès lors qu’il s’agit d’expliquer comment ils envisagent de compenser les dotations de l’État, le FLNKS et ces derniers temps plus spécifiquement l’Union Calédonienne sont montés au créneau.

Les réponses apportées interrogent pourtant, tant elles sont en décalage avec les attentes d’une population que vingt années de paix et de relative prospérité ont rendu exigeante en matière de couverture sociale, de transport, de santé ou encore d’éducation. Au cours des deux dernières décennies, la notion même de chômage était pratiquement inconnue et les jeunes Calédoniens, pour peu qu’ils fassent l’effort de se former, ont eu accès à l’emploi.

Mais aujourd’hui, le mirage d’un tout nickel qui « financerait » l’indépendance s’estompe même auprès des plus ardents défenseurs de cette ancienne doctrine tout droit sortie des mouvements de décolonisation du siècle dernier.

Il ne faut pas croire pour autant que tout s’effondre et que la conversion à plus de libéralisme serait acquise. Le S de FLNKS n’a en rien perdu sa raison d’être et c’est sans doute là aussi un marqueur des évolutions récentes au sein du mouvement indépendantiste. Sur ce point d’une indépendance socialiste, si le Palika et bien entendu l’UPM n’ont pas bougé d’un iota, l’UC montre depuis quelque temps une réelle évolution.

Il paraît révolu le temps où, sous l’impulsion de quelques-uns de ses leaders aujourd’hui disparus ou écartés, le plus vieux parti calédonien donnait des gages d’un pragmatisme porteur d’espoirs dont le dernier soubresaut remonte sans doute à la crise du nickel 2015 et à l’accord sur les exportations de minerai vers des clients chinois. Désormais, les positions se radicalisent, il faut défendre une indépendance extrême, viser le transfert intégral de toutes les compétences régaliennes, et advienne que pourra.

Le dialogue y perd ce que l’intransigeance y gagne.

C’est là tout le danger de notre temps, celui qui nous sépare de 2018.