Pour le diplomate tongien Viliami Lolohea, le coproduit de Doniambo est une part de la réponse aux défis des petits État insulaires du Pacifique.
DNC : Comment avez-vous découvert les scories de la SLN ?
Viliami Lolohea : C’était en 2015, alors que je représentais les Tonga à une réunion à Majuro, aux îles Marshall. Lors d’une discussion à bâtons rompus avec des collègues de Nouvelle-Calédonie et de Tahiti sur les matériaux de construction pour les maisons, nous avons vu que partout où nous allions sur l’atoll de Majuro, il y avait du sable. Ils m’ont expliqué qu’en Nouvelle-Calédonie, les maisons étaient construites avec des blocs fabriqués à partir de scories de ferronickel, le sous-produit de l’extraction du nickel. Et il y en a des montagnes à Nouméa. Les îles Tonga étant voisines de la Nouvelle-Calédonie, j’ai tout de suite été intéressé. Mon pays utilise beaucoup de sable naturel pour la construction. Il était logique de trouver une alternative en raison de l’érosion côtière. Et quoi de mieux que de recycler un sous-produit pour renforcer la résilience et la durabilité ?
L’extraction de sable des plages devient-elle dramatique ?
Oui, l’extraction de sable a provoqué une forte érosion des zones côtières et une dégradation de l’environnement marin. Ensuite, nous avons commencé à extraire du sable en mer. À un moment donné, le gouvernement a mis un terme à l’extraction de sable à des fins de construction. Nous utilisons maintenant des agrégats provenant de carrières locales qui sont de qualité inférieure.
« Dans le contexte du changement climatique, sans sable, nous ne pourrons pas construire la résilience et la durabilité. »
Avez-vous estimé le volume de scories nécessaire après le tsunami de janvier 2022 ?
En 1995, une étude sur les réserves de sable de Tongatapu estimait qu’à raison de 15 000 tonnes de sable extraites par an, les réserves dureraient 11 ans. Aujourd’hui, on estime que 70 000 m3 d’agrégats de sable sont nécessaires chaque année. Nous savons également que sur l’île de Vava’u, à 300 km au nord de Tongatapu, il y a un besoin urgent de matériaux de construction de qualité et abordables.
Est-il possible d’augmenter les volumes de scories ?
Nous envisageons un approvisionnement régulier en scories de ferronickel pour atténuer le problème de la pénurie de sable à Tonga. Il ne s’agit pas simplement d’exploiter les millions de tonnes de scories de la Nouvelle-Calédonie dans le cadre d’un projet commercial. Il s’agit de la sécurité nationale du Royaume. Dans le contexte du changement climatique, sans sable, nous ne pourrons pas construire la résilience et la durabilité. Il s’agit même d’un projet d’importance géostratégique. Pendant la pandémie et après le tsunami, notre vulnérabilité a encore été mise en évidence. La rupture de la chaîne d’approvisionnement, l’augmentation des coûts d’expédition et des matériaux ont entraîné un arrêt brutal des projets d’infrastructure et de la construction en général. Que faire maintenant ?
Quelle peut être la solution à la pénurie de sable à Tonga, aujourd’hui et à long terme ?
Tout d’abord, il faut s’assurer que nous pouvons régulièrement expédier les scories de ferronickel vers le Royaume de manière rentable. Cela permettra aux grands projets d’infrastructure et aux constructions en général de progresser. À long terme, je pense qu’il serait plus sage de stocker la scorie afin de pouvoir absorber toute perturbation future, crise financière ou pandémie. C’est un petit prix à payer maintenant, pour tout le monde y compris les bailleurs de fonds, si nous stockons suffisamment de scories pour les 20 prochaines années.
« Avec ces scories en main, nous aurions les moyens de construire des maisons résistantes, des digues, des routes, des ponts et nous récupérerions des terres. »
Quels obstacles doivent être encore surmontés avant la livraison ?
Une étude de faisabilité sur l’importation et l’utilisation des scories de ferronickel à Tonga a été réalisée en 2021 avec le soutien du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, de la SLN et du Fonds Pacifique. Cette étude a été très utile pour comprendre la dynamique d’un tel projet. Nous travaillons en collaboration avec la SLN et KNS, le gouvernement calédonien et Tonga pour surmonter certains des obstacles, à savoir les coûts du transport maritime, du transport terrestre et des opérations de manutention portuaire. À ce stade, ces obstacles semblent insurmontables, mais nous restons persuadés qu’ils peuvent être surmontés.
Les scories pourraient-elles être utiles aux îles du Pacifique ?
La réserve de scories de ferronickel en Nouvelle-Calédonie est la réponse au renforcement de la résilience et de la durabilité, surtout pour les petits États insulaires en développement qui sont parmi les plus vulnérables au monde. Tonga, Tuvalu, les îles Marshall et Kiribati manquent de matériaux de construction de qualité et abordables. On parle beaucoup de quitter nos maisons ancestrales, de déplacement ou de relocalisation. Avec ces scories en main, nous aurions les moyens de construire des maisons résistantes, des digues, des routes, des ponts et nous récupérerions des terres. En fait, nous sommes déjà en pourparlers avec des communautés de Tuvalu et de Kiribati pour proposer les scories de ferronickel comme une alternative au sable dans la construction.
DNC : Une délégation de MineralTech s’est rendue en Nouvelle-Calédonie en février. Quel était le but de cette visite ?
Propos recueillis par Yann Mainguet