« Il faut miser sur un tourisme raisonné »

Nouvelle-Calédonie Tourisme (anciennement NCTPS), désormais placé sous la houlette du gouvernement, planche sur la relance du tourisme international. Julie Laronde, directrice, fait le point sur les chantiers prioritaires : l’élaboration d’une vision pays, la septaine, les croisières, etc.

DNC : Quelles actions mène Nouvelle-Calédonie Tourisme actuellement ?

Julie Laronde : La priorité, c’est de préparer la relance. On remobilise et on remotive les acteurs, qui ont été à l’arrêt pendant deux ans, et on réalise un état des lieux de l’offre touristique pour avoir une vision claire des réouvertures et des éventuelles disparitions d’activités.

Est-ce que l’offre touristique a changé en deux ans ?

On m’a dit que des acteurs avaient fermé aux Loyauté, des centres de plongée, des bateaux-taxis, etc., et puis tout ne va peut-être pas rouvrir avec la même capacité d’accueil ou avec les mêmes services. Par exemple, le Sheraton nous a dit que le Kid’s Club est définitivement fermé. On a besoin d’avoir ces informations pour les transmettre aux tours opérateurs afin qu’ils sachent quelle est l’offre de la destination.

La relance ne pourra se faire qu’avec la levée de la septaine ?

Un décret devrait la faire passer à 48 heures prochainement. Pour les Métropolitains, ça va. Mais pour les Australiens, qui restent entre sept et neuf jours, c’est contraignant. Idéalement, il faudrait qu’il n’y en ait plus. On alerte régulièrement sur le fait qu’il n’y aura pas de relance sans levée de l’isolement à l’arrivée. On travaille aussi avec la Dass et la Direction du travail et de l’emploi sur les protocoles sanitaires, parce que ceux qui existent ne sont pas forcément adaptés aux standards internationaux, et on essaie de voir comment on fait avec le pass sanitaire. Par exemple, un Australien doit remplir un formulaire pour convertir son certificat de vaccination en pass.

 

Il n’y aura pas de relance sans levée de l’isolement à l’arrivée. »

 

Quels pays vont être ciblés ?

On reprendra les campagnes de promotion en fonction des réouvertures, il y a eu la Métropole, maintenant l’Australie, et plus globalement sur les marchés qui étaient en croissance avant la crise, comme le Japon. Mais avec la septaine, ça ne sert à rien de communiquer et de dépenser des budgets, il vaut mieux attendre et faire de vraies annonces de réouverture.

Quel genre de tourisme doit développer le territoire ?

Ce n’est pas à moi de le dire, c’est une compétence provinciale. Nous, on coordonne la réflexion. Avant la crise, l’indicateur, c’était le nombre de touristes, la fréquentation. On peut dire que 130 000 touristes, ce n’est pas suffisant, mais il faut mettre en face la recette économique générée. Il vaut mieux miser sur un tourisme plus qualitatif : avoir peu de touristes qui dépensent davantage et faire un travail pour allonger la durée moyenne du séjour, plutôt que d’avoir beaucoup de touristes qui entraînent une pression sur l’environnement, voire qui dénatureraient l’authenticité de nos cultures.

Quelles niches pourraient être développées pour rendre la destination plus attractive ?

On a toujours travaillé à l’international sur des marchés de niche qui sont porteurs en termes de volumes et de retombées économiques, comme la plongée, la pêche, les activités en extérieur. C’est un grand terrain de jeux, la Nouvelle-Calédonie. De toute façon, on le sait, il faut du tourisme durable, plus raisonné, plus inclusif, plus protecteur de l’environnement. Mais cela a toujours été le cas.

Quelle image est vendue à l’international ?

Tout dépend du marché, on ne communique pas de la même façon les mêmes atouts. Par exemple, en Métropole, c’est la culture mélanésienne, l’expérience en tribu. Avec les Australiens, ce qui marche, c’est le fait que ce soit une destination proche, notamment avec la crise sanitaire, que ce soit français, le mélange de cultures et les activités, il y en a pour tous les goûts : aériennes, équestres, randonnées, nautiques. On doit aussi affiner un positionnement générique de la destination en s’aidant d’études de clientèle plus précises.

 

On le sait, il faut du tourisme durable, plus raisonné, plus inclusif, plus protecteur de l’environnement. Mais cela a toujours été le cas. »

 

Quelle place peut prendre la croisière dans cette reprise ?

Il faut se mettre autour de la table et travailler sur le type de croisière que l’on veut selon les territoires, la réponse ne sera peut-être pas la même à Nouméa, à Lifou ou à l’île des Pins. Des compagnies nous demandent quand elles pourront revenir, il faut pouvoir leur répondre. L’Australie a annoncé que la reprise des croisières ne se ferait pas avant fin avril.

Est-ce que la Calédonie a des freins dans son développement touristique ?

Il y a eu une nette amélioration depuis quelques années, du produit, de la politique tarifaire, de la professionnalisation des acteurs… Après, l’économie première de la Nouvelle-Calédonie, c’est le nickel, donc le tourisme n’est pas forcément un secteur prioritaire, même si cela le devient de plus en plus parce qu’il faut développer d’autres piliers économiques.

Le rapport entre les prix et la qualité du service est souvent pointé du doigt…

Il faudrait avoir des données objectives. On le dit, mais j’ai l’impression qu’on aime bien s’autoflageller. J’ai été au Vanuatu, à Fidji et en Australie, et je trouve que nous avons progressé. On le voit dans le retour que nous font les tours opérateurs et les clients, la Nouvelle-Calédonie est jugée comme satisfaisante. On n’a pas à rougir par rapport à nos concurrents.

 


Record de fréquentation en 2019

En février 2020, juste avant la crise sanitaire, le tourisme international était en progression constante depuis 2014. Un record de fréquentation a été atteint en 2019 : 130 458 touristes sont arrivés par avion, soit plus de 22 % en cinq ans. D’abord de Métropole (42 000, dont 40 % de touristes affinitaires), puis d’Australie (26 000), du Japon (21 000) et enfin de Nouvelle-Zélande (11 000). Les autres pays émetteurs sont, dans une moindre mesure, Wallis- et-Futuna, Polynésie française et Vanuatu.

La même année, le tourisme a représenté 28,9 milliards de francs de recettes, il constituait 1,9 % du parc d’entreprises et 7,1 % du nombre de salariés du privé d’après l’IEOM.

 

Propos recueillis par Anne-Claire Pophillat (© A.-C.P.)