Hô-üt, gardienne du littoral de Touho

Les habitants de la tribu de Congouma ont organisé une collecte de déchets sur l’îlot Sapin, avec la participation de Hô-üt.©Photos Hô-üt

Nettoyage, protection de la mangrove, surveillance du lagon, sensibilisation… La préservation de la nature est au cœur des missions de l’association, qui prend soin de la zone côtière Nord-Est de Tuo Cèmuhî, classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2013. Alors qu’un nouveau plan de gestion doit être adopté pour les dix ans à venir, retour sur son action.

DIX ANS

Hô-üt a vu le jour après le classement du lagon calédonien au patrimoine mondial de l’Unesco, en 2008. « Il y avait une volonté politique de la province Nord de mettre en place des associations dans les communes pour que le bien soit géré de façon participative », explique Amaury Durbano, son animateur depuis 2018. La structure, qui compte une trentaine de membres et des sympathisants, planche sur son nouveau plan de gestion 2023-2033. L’occasion de dresser le bilan du précédent. « C’est plutôt positif, parce qu’on a mis en œuvre pas mal d’actions. » Autre réussite, l’intégration dans le tissu local, collectivités, coutumiers, habitants, auxquels elle restitue ses opérations.

FOCUS SUR LA MANGROVE

Touho possède 14 palétuviers sur la vingtaine présente en Nouvelle-Calédonie. Sur les 416 hectares de la commune, 12 sont « dégradés », soit 2 %. La moitié se trouve du côté de la tribu de Tiouandé, où elle est « impactée par le bétail qui piétine et cherche à manger », raconte Amaury Durbano. Un travail a été engagé avec le propriétaire foncier et une barrière bloque désormais son accès. « La mangrove commence à reprendre naturellement. »

L’association s’emploie à la restaurer en organisant des plantations de pieds de palétuvier issus de leur pépinière. Et, afin de sensibiliser à la fragilité de cet écosystème, un sentier a été conçu à la tribu de Koé, avec le nom des espèces en français, latin et cèmuhî. « On le fait visiter aux scolaires. On pense développer l’activité auprès des touristes et, pourquoi pas, voir si quelqu’un de la tribu voudrait s’en occuper. » Un autre parcours pédagogique est en cours de réalisation dans la vallée de Ponandou, au cœur de la forêt humide.

La sensibilisation à la biodiversité représente une part importante des interventions d’Amaury Durbano, animateur, comme ici, à la fête communale l’an dernier.

UN RÉCIF PLUTÔT EN BONNE SANTÉ

Hô-üt a intégré le Réseau d’observation des récifs coralliens (Rorc) en 2021. Le suivi a lieu une fois par an sur trois stations : une sur la côte, une dans le lagon et une à la barrière. D’après l’analyse effectuée début avril, « c’est plutôt stable, assure Amaury Durbano. L’état de santé est satisfaisant à la côte et à la barrière, et moyen dans le lagon ». Les plongeurs recensent les bénitiers, les poissons et mesurent la qualité de l’habitat (sable, corail, etc.) sur un espace donné. Et, bonne nouvelle : si, l’an dernier, un blanchissement avait été remarqué, ce n’est pas le cas cette année.

UN INVENTAIRE SUR LES ÎLOTS CAMILLE ET SAPIN

Hô-üt poursuit, en partenariat avec l’OFB (Office français de la biodiversité), l’inventaire de la faune et de la flore de ces îlots arborés dans le cadre de l’Atlas de la biodiversité communale de Touho, accompagnée par des bénévoles d’Endémia, de la Société mycologique (SMNC), de la Société calédonienne d’ornithologie (SCO) et de la Société entomologique (SENC). L’autre partie du projet consiste à évaluer la fréquentation de l’îlot Camille – une enquête a été menée auprès des usagers pour connaître leurs comportements ‒ et créer un sentier botanique. « Il nous reste encore à l’aménager. On organisera ensuite des visites guidées pour sensibiliser les visiteurs à la préservation du site. »

Parallèlement, des bénévoles et des gardes-nature de la province viennent d’entamer une campagne de dératisation de l’îlot Sapin. Une autre doit suivre en 2024 sur l’îlot Camille où, malgré une première intervention en 2019, les rats sont malheureusement revenus l’an dernier. « Ils perturbent les oiseaux, les reptiles, et mangent les graines, empêchant les arbres de pousser. »

Les bénévoles et les gardes-nature de la province Nord 2 lors du balisage de l’îlot Sapin avant de pouvoir procéder
à la dératisation.

LE BROYAGE DE VERRE

« C’est parti du constat qu’il y avait, en plus du plastique, beaucoup de verre dans l’environnement. » Alors en 2018, Hô-üt et son homologue de Poindimié, Pöpwadene, proposent de le valoriser et participent au concours de la GBNC « Plus d’idées moins de déchets », dont ils sont lauréats. « On a été aidés par l’Ademe, le consulat de Nouvelle- Zélande et la province Nord pour acheter une broyeuse. » Elle traite le verre déposé au local de l’association. Le sable ainsi obtenu est vendu à bas coût aux personnes intéressées pour l’utiliser. Il peut être revalorisé en le liant avec du ciment pour fabriquer des pots de fleurs, confectionner des dalles…

AUPRÈS DES SCOLAIRES

La sensibilisation constitue un volet important. « On est bien occupés, explique l’animateur. On intervient dans les écoles pour aider à mettre en place des pépinières de palétuviers, faire des plantations, on leur donne du sable de verre pour qu’ils confectionnent des objets… On travaille aussi avec les communes de Kouaoua et Houaïlou, n’importe qui peut faire appel à nous. » Hô-üt donne également des arbres. Cela a été le cas au lycée Augustin Ty, qui porte un projet de végétalisation de l’établissement, en mai, avec des cerisiers bleus, bancouliers, avocatiers… Et, en juin, environ 170 palétuviers ont été offerts au conseil des clans de la tribu de Congouma.

Des élèves de terminale du lycée de Touho mettent en poche des propagules de palétuvier dans la pépinière de l’association, en novembre dernier.

ET AUSSI…

Hô-üt organise régulièrement des opérations de nettoyage du littoral. Suit la ponte des tortues marines (« on n’en a pas vu cette année, avec l’érosion, on en a moins »), surveille la colonie d’oiseaux marins de l’îlot Sable (des sternes huppées, de Dougall, diamant), des espèces protégées qui viennent se reproduire et pondre sur l’îlot. « Régulièrement, pendant la saison de nidification, on sensibilise les gens pour éviter qu’ils les dérangent. » La structure fait le lien avec la SCO quand elle ramasse des oiseaux échoués, avec la Communauté du Pacifique quand elle récupère des DCP (dispositif de concentration de poisson) dérivants. Et est en relation avec l’IRD concernant l’échouage de plastique sur les plages. « Beaucoup de déchets arrivent du côté des tribus de Koé et Pouïou. On trouve des bouteilles des Samoa, Tonga, Fidji… »

Anne-Claire Pophillat