Guerrier parmi les guerriers

Le 4 mars, Cédric Do avait difficilement vaincu Abdourahmane Diallo, sur décision, lors d’un match à Nancy. (© Fight and Furious)

Son entraîneur a rarement vu autant de détermination, que ce soit dans le ring ou en dehors. Cédric Do, sacré champion d’Europe en K1 au mois d’avril, vise désormais la ligue Glory, le cercle suprême.

Les boxeurs de Gabriel Hennion sont « un peu tous comme ça ». Durs au mal, disciplinés, vaillants… Dans son club de Nancy, il élève « à la dure » des générations de combattants. Et de mémoire d’entraîneur, des phénomènes comme Cédric Do, il en a croisés peu.

En mai 2019, les deux hommes se rendent en Italie dans l’espoir de conquérir une ceinture intercontinentale aux dépens de Mattia Solarino. Dès la fin du premier round, le Calédonien souffre du pied. « Il avait quadruplé de volume, on aurait dit un melon. Je lui ai dit  » on arrête ? « . Il m’a dit  » non « . Je ne pouvais même pas m’occuper de son pied. Son adversaire l’aurait vu, il aurait insisté dessus. »

Sur un appui et demi, Cédric Do livre « une guerre pas possible ». Le combat dure jusqu’au terme des cinq rounds de trois minutes. Épuisé, il s’incline sur décision des juges. Il file aux urgences, où l’on traite son pied cassé. « Ce soir-là, il m’a vraiment bluffé », avoue Gabriel Hennion.

TAILLÉ POUR LA BOXE

L’agressivité et la puissance de Cédric Do font des merveilles en boxe thaï, plus encore qu’en judo, son sport d’origine. Il ne regrette pour rien au monde d’avoir abandonné le kimono, enfilé pour la première fois dans la salle Marius-Jocteur, au Quartier-Latin, sous la houlette de ses parents, et remisé au terme de ses années de sport-études à Metz.

La boxe, au début, n’est qu’un complément au judo. « Mais j’ai rapidement eu besoin d’opposition. Mon entraîneur, Delfim Antonio, a vu que j’avais quelque chose. Il m’a organisé un combat trois mois après mon arrivée. »

Son voyage initiatique dans cette nouvelle discipline passe évidemment par la Thaïlande. Il y reste une année, entre 2017 et 2018. « C’est l’endroit parfait pour s’entraîner. Tu boxes tout le temps, et tu n’es pas forcément observé, tu peux progresser tranquillement. J’ai franchi un cap dans la gestuelle et l’expérience du combat. »

« IL A TOUT POUR RÉUSSIR »

Depuis lors, Cédric Do satisfait sa faim de combats dans la discipline du K1*, où les opportunités sont plus nombreuses. Son titre de champion d’Europe, acquis grâce à une victoire par KO sur le Portugais Basso Pires le 1er avril à Nancy, ne l’a pas rassasié. Il combattra au mois de juillet en France, lors d’un gala, et visera ensuite une ceinture mondiale. Il espère surtout intégrer la ligue professionnelle Glory, le cercle suprême, équivalent de l’UFC en arts martiaux mixtes (MMA). Il préparera ces défis à Nouméa, où il est s’est réinstallé il y a trois ans.

Dans sa salle de Ouémo, il donne des cours collectifs et particuliers à raison d’une vingtaine d’heures par semaine. « C’est usant physiquement… Je ne sais pas si je ferai ça toute ma vie. » Il trouve tout de même la force de s’entraîner autant que ses objectifs l’exigent. « Je veux montrer que c’est possible de rester en Nouvelle-Calédonie. On manque un peu de diversité d’opposition, mais j’ai réussi à me créer des habitudes d’entraînement. »

Gabriel Hennion est admiratif. « C’est le seul combattant que j’ai entraîné à distance et qui, quand je le reprends à la leçon, me donne l’impression qu’il n’est jamais parti. C’est vraiment un bosseur. » À 27 ans, son athlète approche de la plénitude de ses moyens. « C’est le meilleur âge pour faire quelque chose. C’est un sacré guerrier, il a un mental de fer, et puis c’est un gentil garçon. Il a tout pour réussir. »

Gilles Caprais

* En boxe thaïlandaise (ou muay thaï), les coups de pied, poing, coude et genou sont autorisés. En K1, les coudes sont interdits et le corps à corps est limité à trois secondes.