Gérer le virus, même après le décès

Le gouvernement a officialisé, mardi 21 septembre, le protocole d’inhumation destiné à limiter la propagation du virus, même après le décès des malades. Les règles concernant la toilette mortuaire, la mise en bière et le transport des défunts sont désormais inscrites noir sur blanc.

Devant le cimetière du 5e Kilomètre, mardi matin, deux familles attendent l’ouverture du centre funéraire pour l’inhumation d’un des leurs. On dirait, pourtant, que le parking est vide. « On ne peut pas être plus de dix, on a donné nos noms. On vient pour un vieux, il n’est pas mort du Covid, mais on doit quand même respecter les mesures. C’est pour ça aussi que la cérémonie ne va durer qu’une heure », expliquent pragmatiquement Freddy Hnaïa et son cousin, tous deux originaires de Maré. Ce sont les nouvelles règles qui accompagnent le protocole funéraire validé mardi par le gouvernement.

Ce document vient officialiser la procédure de prise en charge du corps des malades décédées du Covid. Une procédure déjà mise en œuvre par les pompes funèbres depuis le premier cas. Mais à partir de maintenant, « toute personne décédée à son domicile, dans un établissement social, un Ehpad ou sur la voie publique est présumée décédée du Covid-19 sauf si un certificat médical en atteste autrement », indique le protocole. Autrement dit, les défunts sont estimés, par défaut, potentiellement contagieux. « C’est une mesure de précaution », précise Gilbert Tyuienon, porte-parole du gouvernement. Le personnel médical et les agents des pompes funèbres doivent désormais systématiquement appliquer les règles d’hygiène en vigueur.

Trois personnes pour la mise en bière

Concrètement, le défunt qui se trouve dans une chambre à domicile, à l’hôpital ou dans un établissement d’accueil est rapidement désinfecté après son décès par des professionnels, soit du personnel médical, soit des agents des pompes funèbres. « Si la toilette mortuaire est autorisée, les soins de conservation sont, en revanche, interdits », indique le protocole du gouvernement. Le corps est ensuite enveloppé dans une housse étanche, placé à l’intérieur du cercueil qui est fermé sur place. Seules trois personnes sont autorisées à assister à la mise en bière. L’inhumation doit avoir lieu dans les 48 heures. « Si ce délai ne peut pas être respecté, le cercueil est transporté par un opérateur funéraire vers un lieu de conservation adéquat dans l’attente de l’inhumation ou de la crémation », précise le protocole qui limite à dix le nombre de personnes présentes à l’enterrement ou la mise en caveau.

Le Betico réquisitionné

Le protocole d’inhumation était particulièrement attendu des habitants des îles Loyauté puisque jusqu’à présent, le transport des défunts était interdit. Désormais, le rapatriement est possible avec le Betico. Les corps pourront, si besoin, être conservés dans des conteneurs réfrigérés déjà installés sur le port autonome. Concernant les inhumations sur Nouméa, la situation est, en revanche, plus compliquée. « Il faut savoir que lorsqu’une personne décède, elle peut être inhumée dans sa commune de résidence ou de décès », rappelle Alan Boufenèche, directeur de la vie citoyenne à la mairie de Nouméa, qui précise que ces mesures concernent uniquement les enterrements, pas la crémation, ni la mise en caveau.

Auparavant, lorsque le CHT se trouvait à Nouméa, les défunts étaient souvent enterrés dans la capitale. Ce n’est plus le cas aujourd’hui puisque le Médipôle se trouve sur la commune de Dumbéa. « Chaque commune doit gérer ses défunts et les responsabilités qui lui incombent », insiste Alan Boufenèche. Mais à Dumbéa, le petit cimetière du Calvaire compte à peine 1 000 places. S’il a été agrandi ces dernières années, il pourrait rapidement arriver à saturation. Interrogé à ce sujet, la commune n’a pas apporté de précisions.


Six à sept décès par jour

Habituellement, la Nouvelle- Calédonie recense deux à trois décès par jour. « Actuellement, nous en sommes à six ou sept. Depuis le 7 septembre, nous avons enregistré 90 entrées au centre funéraire de Nouméa », indique Alan Boufenèche, directeur de la vie citoyenne à la mairie de Nouméa. « En période normale, notre capacité d’accueil maximale est de 50 décès. Avec les mesures prises dans le protocole territorial (diminution du temps de cérémonie, limitation à 10 personnes à l’inhumation) et parce que la ville de Nouméa a anticipé la situation en renforçant la morgue municipale par des dispositifs frigorifiques supplémentaires, nous avons une capacité de 120 à 130 défunts », précise-t-il. Vu le rythme grandissant de décès ces derniers jours, les services funéraires de Nouméa pourraient rapidement être débordés.


La fin de vie à domicile s’organise

©shutterstock 

Depuis lundi, deux unités mobiles de soins palliatifs et d’accompagnement en fin de vie sont opérationnelles. Elles interviennent auprès des patients en fin de vie, à leur domicile. « En une semaine, nous avons recruté du personnel pour mettre ce dispositif en place avec des équipes de soins palliatifs et d’accompagnement en fin de vie, explique le Dr Ayon, chef de service de soins palliatifs au CHT. Elles se composent d’un médecin, une infirmière et un psychologue. » Toutes ces personnes sont expérimentées dans le domaine.

« Ce qui est spécifique avec le Covid, c’est la vitesse de dégradation de l’état de santé du patient. C’est très brutal », souligne le médecin. L’équipe mobile intervient à la demande du médecin traitant qui promulgue les premiers soins. Lui seul est habilité à décider si les soins palliatifs peuvent se dérouler à domicile, soit car le patient en fait la demande, soit parce qu’il ne peut être transporté à l’hôpital.

En général, les patients en fin de vie, victimes du Covid ont beaucoup de difficultés à respirer. Les médecins ont à leur disposition des médicaments qui peuvent les soulager, mais l’équipe joue également un rôle primordial dans l’accompagnement psychologique des patients et de leurs familles. « Pour les patients, les mots, les caresses peuvent permettre de soulager l’anxiété. Quant aux familles, nous leur expliquons ce qui se passe, détaille le Dr Ayon. En aucun cas nous pratiquons l’euthanasie. Nous ne sommes pas là non plus pour abréger la vie des gens, mais pour les accompagner ». Deux équipes sont opérationnelles depuis lundi, elles sont déjà intervenues à plusieurs reprises. Une troisième devrait être créée dans les prochains jours.

Virginie Grizon

 

Renseignements auprès du DASE, dispositif d’accompagnement et de soutien aux endeuillés au 05 01 11.