Générations NC veut supprimer les provinces

Le parti de Nicolas Metzdorf a présenté le projet de société qu’il défendra aux élections législatives et lors des discussions sur l’avenir institutionnel. Un projet en rupture avec le passé et avec ce que proposent les autres formations non indépendantistes.

Générations NC fera donc campagne seul pour les législatives de juin prochain. L’unité loyaliste, préservée le temps des deux derniers référendums, a fait long feu et plusieurs formations de l’Avenir en confiance – le Rassemblement et désormais Générations NC – tracent à nouveau leur propre chemin. Une suite « logique » dont s’est expliqué le président du mouvement, Nicolas Metzdorf. « On est d’accord sur le fait de rester Français. Mais la Calédonie française, on l’imagine différemment. Est-ce qu’on exacerbe les tensions, les différences, les communautés par un projet de partition qui ne dit pas son nom comme l’hyperprovincialisation ou est-ce qu’on essaye de les rassembler ? Nous, on fait partie de la deuxième catégorie, on est optimistes. »

Une tendance à reproduire les schémas anciens que Générations NC observe d’ailleurs au sein des deux bords politiques. Pour ce mouvement créé en 2019 par de jeunes dissidents de Calédonie ensemble, il est temps de « tourner la page de 35 ans de clivage, d’entre soi, de stagnation, et de faire en sorte que le débat politique se modernise et s’installe dans le 21e siècle. »

Rebaptisée « Calédonie »

Le projet de Générations NC porte un nom, la « Réunification calédonienne », et s’appuie sur trois grands axes : un statut définitif dans la France, la fin du clivage indépendantistes/loyalistes et le vivre ensemble dans une « identité calédonienne inclusive ».

Afin de mettre fin aux incertitudes institutionnelles, il s’agirait d’abord d’ancrer définitivement le statut du territoire dans la Constitution française en réunissant le Congrès de Versailles d’ici juin 2023. Le projet prévoit que les compétences régaliennes restent dans les mains de l’État. Il prévoit également le retour à un corps électoral glissant. La citoyenneté, qui ouvre des droits civiques et à l’emploi, pourrait être demandée sur la base de la filiation ou d’une durée minimale de résidence de cinq ans. Un service civique citoyen obligatoire serait instauré.

Les symboles communs devraient être renforcés ou créés : drapeau, hymne et fête citoyenne célébrée le 26 juin pour commémorer, selon Nina Julié, « un évènement rassembleur et non plus clivant » : la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou. Pour marquer la fin de l’histoire coloniale, le territoire serait renommé simplement « Calédonie ». Un comité de devoir de mémoire verrait le jour.

Le pouvoir au territoire

L’architecture institutionnelle serait revue. Le découpage provincial, « nécessaire en temps de guerre civile », est désormais contre-productif, juge Générations NC, puisqu’il entretient les divisions et est source de dépenses publiques et de lourdeurs administratives. L’organisation reposerait sur la Nouvelle-Calédonie – avec un Congrès pour le pouvoir législatif, le gouvernement pour l’exécutif – et les communes pour les actions de proximité. Une élection territoriale fonctionnant sur la base de circonscriptions aurait lieu tous les cinq ans. Le Congrès élirait le président du gouvernement pour un quinquennat au scrutin majoritaire et ce dernier désignerait ses membres.

Il reviendrait à la Nouvelle-Calédonie de collecter l’impôt et de le redistribuer aux établissements publics et aux communes selon la clé de répartition.

On trouverait, ensuite, un Sénat calédonien qui réunirait six collèges de représentants, bénévoles, de la société civile pour cinq ans (en gros, le Sénat coutumier, le Conseil économique social et environnemental actuel) sur « des critères objectifs de représentativité ».

Enfin, une assemblée citoyenne rassemblerait des Calédoniens tirés au sort qui pourraient être consultés sur certains sujets de société (exemple : l’abattage des requins, l’obligation vaccinale). La parité femmes/ hommes devrait être respectée au sein de toutes ces instances.


 

Devenir le QG de l’Europe

Générations NC souhaite que la Nouvelle-Calédonie puisse devenir une région ultrapériphérique de l’Union européenne (elle est aujourd’hui un territoire associé à l’Europe). Elle pourrait prétendre à de nouveaux financements. « La Nouvelle-Calédonie touche 40 millions d’euros de l’Europe quand la Guadeloupe touche 800 millions d’euros », soit 4,8 milliards de francs pour la première et 95 pour la seconde, illustre Cynthia Jan. L’ambition est même qu’elle devienne le quartier général de l’UE dans le Pacifique. « Le Brexit nous offre des perspectives puisque la France est le dernier pays d’Europe à être présent dans la zone. » Il faudrait aussi de nouveau avoir un député européen pour défendre les intérêts calédoniens et de la France au Parlement.

Une base militaire pourrait être accueillie, mais en incluant une participation européenne. Dans le contexte du développement de l’axe indopacifique, Générations NC propose que la Nouvelle-Calédonie pilote la partie Pacifique de cette stratégie avec le développement de conventions économiques par les partenaires de la région et, pourquoi pas, un marché commun hors taxe.


 

Deux candidat(e)s, mais pas Metzdorf

Générations NC présentera en mars un candidat par circonscription pour défendre son projet. La concomitance des élections et des discussions sur l’avenir institutionnel rendra les législatives déterminantes, souligne le parti. Elles serviront, en quelque sorte, de « premier référendum de projet ». Et les députés ont un poids particulier auprès de l’État et du Parlement. Nicolas Metzdorf précise qu’il ne sera pas candidat. « On ne peut pas être député-maire et je veux rester maire. Je l’ai promis aux Lafoyens. »


 

« Cible à prendre »

L’hyperprovincialisation défendue par les Républicains calédoniens et certaines figures du Rassemblement n’est pas la voie prônée par Générations NC. « Pour nous, c’est un constat d’échec : ils disent ‘les Noirs et les Blancs, les indépendantistes et les non-indépendantistes, on ne peut pas vivre ensemble’. Mais dans 30 ans, ça donne quoi ? C’est quoi le but… ? » s’interroge Nicolas Metzdorf.

Cela définirait surtout une cible à prendre. « Si vous avez deux tiers du pays qui sont Kanaky, voire trois quarts parce qu’on aura reculé en province Sud. Il reste le dernier quart à prendre ! Et donc, on exacerbe encore le combat pour prendre cette province. Et on ne va jamais s’en sortir. »


 

Comme les indépendantistes

Les indépendantistes pourraient-ils trouver un intérêt à un tel projet ? « La question, à un moment donné, s’est posée chez nous, répond Nicolas Metzdorf. Mais ce n’est pas le sujet. Les loyalistes n’ont toujours pensé leur projet et leur philosophie politique que par rapport aux indépendantistes. C’est-à-dire ‘qu’est-ce que l’on peut proposer qu’ils accepteraient pour nous laisser tranquilles’ (C’est ce qu’a fait le Rassemblement avec le drapeau). Mais on ne s’est jamais dit ‘nous, loyalistes, c’est quoi notre Calédonie idéale’ ? Quand les indépendantistes portent Kanaky et l’indépendance pleine et entière, est-ce qu’ils se demandent si les autres vont l’accepter ? Non, c’est leur projet. Eh bien nous, on va défendre notre projet. Et après on verra dans les négociations. Mais on ne part pas en ayant déjà donné ou cédé. »


 

« Disruptif »

Générations NC travaille depuis un an sur ce projet présenté à l’État et qualifié de… « disruptif » par le ministre de l’Outre-mer, Sébastien Lecornu. Le mouvement a attendu avant de le rendre public pour « préserver l’unité » loyaliste le temps du référendum. Les représentants se sont récemment rapprochés des indépendantistes pour leur exposer.

 

Chloé Maingourd (© C.M.)