Général Valéry Putz, commandant supérieur des Fanc: « C’est un honneur de recevoir cette mission »

Le général Valéry Putz est le nouveau commandant supérieur des Forces armées de Nouvelle- Calédonie et commandant de la base de défense de Nouvelle- Calédonie. Une mission qu’il juge extrêmement intéressante dans le contexte référendaire et de grands enjeux régionaux.

DNC : Connaissez-vous la Nouvelle- Calédonie ?

Général Valéry Putz : J’ai eu la chance de découvrir la Nouvelle-Calédonie durant mon adolescence, en 1986. J’en garde des souvenirs chaleureux. J’arrive aujourd’hui avec l’envie de découvrir et de connaître ce territoire et sa population.

Comment appréhendez-vous cette mission dans le contexte particulier du troisième référendum ?

C’est pour moi un honneur de recevoir cette mission à l’approche des jours cruciaux que vont vivre les Calédoniens. C’est une belle opportunité d’être sur place pour voir se faire l’histoire de la Calédonie et de la France. J’aborde la situation du pays avec beaucoup d’écoute et d’humilité. La tâche qui m’attend est passionnante d’un point de vue militaire et professionnel, avec une dimension interarmées, interministérielle et internationale.

Quelles priorités seront celles des Forces armées dans les prochains mois ?

Les missions des Fanc resteront les mêmes : forces de souveraineté, elles doivent contribuer avant tout à la protection du territoire national, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et- Futuna et des populations et préserver les intérêts français dans une zone soumise au changement climatique et à une forte pression sur l’exploitation des ressources naturelles. Elles participent également au rayonnement de la France dans le Pacifique Sud en cohérence avec la stratégie française pour l’Indo-Pacifique et seront prêtes à s’engager avec nos partenaires aux profits des pays insulaires, notamment dans le cadre de l’accord Franz, signé en 1992 avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Pour ma part, je compte prendre rapidement contact avec l’environnement des Fanc, les autorités politiques et coutumières, avec les forces elles-mêmes, pour définir les axes particuliers que je définirai à l’échelle de mon temps de commandement. Il est clair que l’échéance référendaire marquera aussi le début de cette période.

Quels sont les renforts attendus dans le cadre de la consultation de décembre ?

Des travaux sont en cours en étroite coopération avec le haut-commissariat et la gendarmerie nationale pour définir ce que les Fanc pourront faire pour appuyer l’action de l’État dans l’organisation de la consultation. Les forces armées pourront apporter leur concours quand les moyens civils se révéleront insuffisants, inexistants, inadaptés ou indisponibles.

Les militaires effectuent-ils systématiquement une quarantaine dans vos structures ? Sont-ils soumis à la vaccination ?

Les Fanc accordent une attention particulièrement rigoureuse au respect des consignes sanitaires définies par les autorités calédoniennes. Le personnel de renfort, quel qu’il soit, passe automatiquement par une quarantaine. Les militaires et leurs familles, en séjour pour deux ou trois ans, effectuent leur quarantaine au Nouvata. Les détachements et le personnel présents pour une mission de courte durée passent la leur dans des structures militaires, selon des procédures qui répondent exactement aux exigences gouvernementales en matière sanitaire. S’agissant de la vaccination, l’intégralité du personnel militaire arrivant en Nouvelle-Calédonie est désormais complètement vaccinée, et ce, depuis la mi- juillet. Quant à ceux déjà présents, ils ont bénéficié de la campagne de vaccination mise en place localement.

À quel autre niveau, les restrictions aux frontières perturbent-elles l’activité des Fanc ?

Les restrictions imposées dans les pays de la région avec lesquels les Fanc ont des coopérations assez actives ont ralenti le rythme des activités militaires conjointes. Les liens restent cependant très forts avec un cycle de visioconférences soutenu qui permettent de préparer la reprise physique des coopérations. Ces contraintes ralentissent le rythme, mais n’interdisent pas forcément toute activité.

Un détachement d’une trentaine de militaires doit ainsi se rendre en Australie, dès la fin de la semaine, pour participer à un exercice tactique. À son arrivée, il appliquera les règles australiennes en vigueur. Puis ce détachement, qui termine prochainement sa mission de courte durée en Nouvelle-Calédonie, rentrera directement en Métropole à la fin de l’exercice en Australie. Une telle organisation, définie rigoureusement avec nos homologues australiens, permet de maintenir les activités et l’étroite coopération que les Fanc ont nouée avec les forces de défense australiennes.

Des investissements en matériel sont en cours (matériel de génie, blindés, patrouilleurs, hélicoptères). S’agit-il de gagner en crédibilité, de monter en puissance ou de se remettre à niveau ?

Il s’agit de tout cela à la fois. Sans esprit de compétition avec nos alliés, australiens et néo-zélandais en particulier, les Fanc se doivent d’être un partenaire militaire crédible en mettant en adéquation ses moyens et ses missions. Elles doivent également rester cohérentes en termes d’équipement et d’entraînement avec les armées françaises en général, dont le chef d’état-major a rappelé lors de sa prise de fonction récente qu’elles devaient hausser leur niveau de résilience et d’entraînement. Cela passe par des moyens modernisés dont les arrivées respectives sont effectivement planifiées dans les dix ans à venir.

La Marine nationale n’aurait plus de bâtiment actif après l’incendie du D’Entrecasteaux. Le Vendémiaire et La Glorieuse sont-ils toujours indisponibles ?

Le D’Entrecasteaux a effectivement subi une grave avarie qui le rend indisponible pour le moment. Tout en suivant leur programme annuel qui alterne phases d’activité opérationnelle et périodes d’entretien, les autres navires restent opérationnels. Le patrouilleur La Glorieuse effectue actuellement une mission en ZEE calédonienne et participera prochainement à l’opération Island Chief de surveillance des zones de pêche au large des Fidji, en coopération avec un bâtiment de la marine fidjienne. Le Vendémiaire prépare activement sa reprise d’activité prévue fin septembre.

Devez-vous préparer les Fanc à un éventuel redéploiement en cas de Oui ? Et pour combien de temps est prévue votre mission en Nouvelle-Calédonie ?

Comme cela est prévu, la période de transition permettra de tirer les conséquences institutionnelles de l’expression démocratique de la volonté des Calédoniens quant à leur avenir. À ce titre, je vous renvoie au document sur les conséquences du Oui et du Non qui a été rendu public. Une communication sur le sujet sera également organisée par l’État sur ce document. En ce qui me concerne, ma mission s’inscrit dans une durée de deux ans, comme pour mes prédécesseurs.

Vous avez exercé à Djibouti ou encore en Côte d’Ivoire. Avez-vous connu sur le terrain des passages à l’indépendance ?

Les différentes opérations extérieures auxquelles j’ai participé m’ont surtout donné l’occasion d’être le témoin des malheurs de la guerre civile que je n’ai pas besoin de décrire.

Son parcours

Le général de brigade Valéry Putz, bientôt 51 ans, est un officier de l’armée de Terre dont les affectations successives ont été principalement marquées par la Légion étrangère, les affaires budgétaires et les relations politico-militaires.

Ce diplômé de Saint-Cyr, formé à l’École de guerre et HEC, a effectué l’essentiel de sa carrière dans la Légion étrangère, notamment à Nîmes, en Guyane et à Djibouti. Il a participé à de nombreuses opérations extérieures, en Afrique, en ex-Yougoslavie, en Afghanistan.

En état-major, il a suivi les grands programmes d’armement et participé aux principaux travaux de programmation du ministère dont le Livre blanc de 2013 et la loi de programmation militaire 2014-2019.

Il a aussi été auditeur du Centre des hautes études militaires et de l’Institut des hautes études de la défense nationale.

Avant son arrivée en Nouvelle- Calédonie, il servait en tant qu’adjoint de l’amiral chef de l’état- major particulier du président de la République. Pendant quatre ans, son rôle a été de fournir des informations et propositions sur la conduite des opérations extérieures et sur le budget des armées. Le général Valéry Putz est officier de la Légion d’honneur.


Une compétence régalienne de poids

Le document de l’État sur les conséquences du Oui et du Non consacre un chapitre aux Forces armées de Nouvelle-Calédonie. Elles assurent une compétence régalienne, la défense, et leur devenir est intimement lié à celui de la Nouvelle-Calédonie.

1 700 employés interarmées

Les missions des Fanc concernent deux domaines principaux : la protection militaire du territoire et des populations contre les agressions armées ou toute menace susceptible de mettre en cause la sécurité nationale avec une capacité de projection dans la zone Pacifique Sud et d’autre part, la surveillance et la protection de la ZEE de la Nouvelle-Calédonie (plus d’1,4 million de km2) et de Wallis-et-Futuna (0,26 million de km2) dans le cadre de l’action de l’État en mer. Plus de 72 missions et 212 jours de mer ont été effectués en 2019 par les Fanc. Ces missions concernent la surveillance, la lutte contre la pollution, la police des pêches, le sauvetage en mer, la lutte contre les trafics illicites. La zone de responsabilité permanente (ZRP) des Fanc s’étend sur une superficie grande comme trois fois l’Europe et englobant neuf pays.

Les Forces armées comptent 1 689 civils et militaires répartis à Nouméa, Plum, Tontouta et Nandaï (chiffres 2019), ainsi que 320 ré- servistes. Elles représentaient, avant la crise, un poids économique de 15 à 17 milliards de francs (1,7 % du PIB calédonien). En 2020, 8,3 % des militaires en poste au sein des Fanc étaient nés en Nouvelle- Calédonie (76 militaires), 25 % du personnel civil (52 agents).

Quel avenir pour les Fanc ?

Dans l’hypothèse de l’indépendance, à dé- faut d’accord et au terme de la période de transition, les Forces armées auront quitté le territoire, rappelle le document de l’État. Un accord de coopération de sécurité et de défense pourrait être conclu avec la France. Ses conditions, son ampleur et son périmètre dépendront des discussions poli- tiques. Elles dépendront aussi de la stratégie, du positionnement et des intentions du nouvel État sur la scène régionale.

Les accords signés par la France avec des pays étrangers concernent essentiellement la coopération de défense, mais pas les missions de surveillance et de protection de la ZEE. De tels accords ont été signés avec Djibouti (2011) ou encore la Côte d’Ivoire (2012) après leur indépendance. Ils sont centrés sur la coopération militaire dans le domaine technique et opérationnel. Engagée dans l’Indo-Pacifique et liée à plusieurs puissances régionales comme l’Australie, l’Inde ou le Japon, la France ne quitterait pas pour autant le Pacifique Sud et y maintiendrait une présence militaire.

En cas d’accord avec la Nouvelle-Calédonie, elle reverrait l’organisation et les missions de ses forces armées avec une rationalisation de ses moyens et un recentrage de ses priorités. Le RSMA-NC, qui concerne 30 % d’une classe d’âge chaque année et 38 % du volume annuel de formation professionnel, n’existerait plus en cas d’indépendance. Les effectifs seraient redéployés sur les autres territoires ultramarins de la République.

C.M.

 

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