« Ceux qui vont vraiment ramasser, c’est la classe moyenne »

Florent Perrin, président de l’association citoyenne de Nouvelle-Calédonie, se mobilise contre la vie chère. Après une première manifestation organisée il y a deux semaines, une deuxième est prévue ce samedi. Un des principaux sujets de préoccupation des Calédoniens, estime-t-il, face auquel il demande au gouvernement d’agir. Interview.

DNC : Pourquoi l’association citoyenne de Nouvelle-Calédonie s’est emparée du sujet de la vie chère ?

Florent Perrin : C’est une des premières inquiétudes des Calédoniens, on l’entend à chaque coup de gueule le matin à la radio. Cela concerne tout le monde, les gens sont sous tension, et s’il y a bien un sujet qui mérite qu’on s’en occupe et de se mobiliser, c’est celui-là. Je pense que ceux qui vont vraiment ramasser, c’est la classe moyenne.

Vous avez l’impression que les prix n’ont jamais été aussi élevés ?

Ce n’est pas qu’une impression. L’UFC-Que choisir dit que leur panier a augmenté de 7 % en un an. Un des membres du groupe Facebook « La vie chère on réagit » a trouvé une salade à 3 500 francs le kilo. On n’a jamais vu ça. Et cette situation est due à la fois à des problèmes structurels et conjoncturels.

Vous avez soumis des propositions au gouvernement après la manifestation du 31 mars, quelles sont-elles ?

L’urgence, c’est le carburant, sachant que les prix vont encore augmenter au 1er mai. En Métropole, une mesure de remise de 26 francs a été prise. Le gouvernement calédonien peut agir sur deux volets, rogner sur les taxes et demander un geste aux distributeurs. Par exemple, Total propose une remise de 10 francs sur ses stations de Brousse, ce qui prouve que c’est possible. On dit que le prix convenable, c’est 134 francs le litre d’essence, 115 pour le gazole et 2 900 pour le gaz. C’est la moyenne des trois dernières années.

Vous demandez aussi l’annulation de l’augmentation des tarifs de l’électricité…

Avant de prendre aux gens, il faut arrêter toutes les exonérations existantes comme celles accordées aux miniers, ils en ont aussi sur le carburant, et aux hôteliers. Le gouvernement privilégie la facilité. Plutôt que de s’attaquer au fond des choses, il vient nous taxer. Un autre problème structurel est celui des marges. Il faudrait davantage de contrôles, mais la Direction des affaires économiques manque de moyens pour les faire.

Que pensez-vous de la réforme fiscale prévue par le gouvernement ?

On est contre tout ce qui affecte trop le consommateur, par exemple la suppression du taux 0 de la TGC et l’augmentation de la taxe foncière, qui n’est pas équitable, il faudrait que tout le monde la paye ou personne. On est également contre l’augmentation de la CCS. Et il faudrait que cette réforme soit accompagnée de mesures concrètes de lutte contre la vie chère, qu’elle serve à la réduction des inégalités et au partage des richesses. On propose l’instauration d’un impôt sur la fortune.

Vous souhaitez aussi la création d’une commission vie chère au Congrès…

Oui, et qu’un membre du gouvernement soit en charge du dossier. Une autre demande forte, c’est celle de suivre les préconisations de l’Autorité de la concurrence et de lutter contre la fraude fiscale, qui représente plusieurs milliards de francs par an.

Si rien n’est fait, estimez-vous que la situation puisse dégénérer ?

Je pense que le principal problème pourrait être la hausse de la délinquance. Quand vous ne pouvez plus payer votre carburant vous commencez à siphonner les voitures des autres. Et quand vous ne pouvez plus manger vous commencez à voler. Donc oui, c’est dangereux pour la Nouvelle-Calédonie.

 


Claudine, 60 ans, retraitée

« La colère monte »

« On dit toujours qu’une fois à la retraite on va en profiter, ben non. On a l’impression que plus ça va et moins on y arrive. » Claudine, 60 ans, et son mari Serge, 67 ans, vivent à deux sur 157 000 francs. « J’ai élevé les enfants et lui a travaillé en tant que réparateur voiture puis à l’OPT pendant plus de 20 ans », témoigne Claudine Tranvanne. Peu de plaisir, pas de restaurant, pas de voyage. « Je suis arrivée de Métropole en 1980 et je n’y suis jamais retournée, je n’en ai pas les moyens. »

Le couple se prive et fait attention. Il avait deux voitures, il n’en a plus qu’une. « Et on roule moins qu’avant. » Seule la fin prochaine du remboursement de leur pick-up représente une bouffée d’air. Tout est calculé. « Quand on veut acheter quelque chose, on compare. Si on doit faire une grosse dépense, un meuble ou de l’électroménager, on paie en plusieurs fois. »

Une fois les factures payées, l’alimentaire représente environ un quart du budget. Et l’augmentation des prix a forcé Claudine à revoir ses achats. « Avant, on mangeait de la viande, du fromage, des fruits. Maintenant, c’est exceptionnel. » À la fin du mois, parfois, les comptes sont à zéro, « voire moins ». Sinon, ce qu’il reste est mis de côté au cas où il faudrait aider les enfants. « On en a ras-le- bol des augmentations. J’ai la sensation qu’on se fout de nous, on va finir par crever la gueule ouverte, c’est la colère qui monte », s’indigne Claudine, qui a participé à la manifestation du 31 mars avec son mari.

 

Anne-Claire Pophillat (© A.-C.P. et DR)