Finances publiques : la crise se propage

Louis Mapou (à d.) et Gilbert Tyuienon, respectivement président et membre du gouvernement chargé de la fiscalité, portent depuis 2021 une série de mesures (réformes fiscales, du Ruamm...) pour tenter de juguler la crise des finances publiques. (© G.C)

Au moment où les trois usines sont proches de la faillite, le secteur public fait lui aussi face à des difficultés croissantes. La Nouvelle-Calédonie, le Ruamm, la CLR et désormais Enercal sont dans une situation critique et, dans certains cas, se fragilisent mutuellement.

♦ NOUVELLE-CALÉDONIE : LA DETTE MAJEURE

Les comptes flirtaient déjà avec la zone rouge avant la crise du Covid. Fin 2017, la Nouvelle-Calédonie était endettée à hauteur de 89 % de ses ressources annuelles (les recettes réelles de fonctionnement). Ce niveau paraît dérisoire depuis les emprunts Covid auprès de l’Agence française de développement : début 2023, la dette a atteint 80 milliards de francs (201 % d’endettement). Les budgets sont bouclés grâce aux interventions directes de l’État, comme les 4,4 milliards de fin 2023. Le remboursement de la dette limitera durablement les moyens de la Nouvelle-Calédonie qui, même si son budget est par exemple inférieur à celui de la province Sud, est appelée à intervenir pour régler les questions financières les plus importantes.

Du côté des provinces, même si leur situation financière est moins confortable que par le passé, notamment en raison des difficultés des sociétés d’économie mixte (Promosud, Sodil, Nord Avenir, Sofinor), les trois collectivités sont moins endettées (49 milliards fin 2022, SEM non comprises).

♦ RUAMM : LE NICKEL, LE RISQUE SYSTÉMIQUE 

Fin 2022, la dette globale du régime d’assurance maladie atteignait 42,8 milliards de francs. Les créances sont principalement détenues par les hôpitaux publics (68 %), qui accumulent eux-mêmes des retards de paiement envers leurs fournisseurs (Enercal en particulier) comme envers les organismes sociaux tels que la CLR ou encore… le Ruamm. Ce cercle de la dette pénalise chaque entité déjà en difficulté. « Une solution d’urgence a été trouvée en autorisant l’OPT et la province Sud à verser les cotisations de juillet à novembre par anticipation », notait le Congrès en octobre, tandis que la réforme du Ruamm, portée par l’Éveil océanien, doit arriver en 2024.

Fin 2023, l’aggravation des difficultés des métallurgistes a apporté un nouveau lot de cotisations impayées, qui plongent plus que jamais le Ruamm dans l’incertitude.

♦ CAISSE LOCALE DE RETRAITE : REMÈDES EN SÉRIE D’ICI 2027

Les réformes de 2006, 2014, 2021 et 2022 n’ont pas suffi à régler le problème de la Caisse locale de retraite. En septembre, le Congrès a adopté de nouvelles mesures d’urgence pour sauver le régime de retraite des 10 000 fonctionnaires territoriaux, plombé par une démographie toujours plus défavorable et un fort recours aux contractuels : au début des années 2000, près de huit actifs cotisaient pour un retraité, contre 1,95 aujourd’hui.

Le Congrès a cette fois-ci pris des mesures de grande envergure : le taux de cotisation est passé au 1er octobre 2023 de 35,9 % à 37,9 %, ce qui devrait rapporter 1 milliard par an, puis grimpera progressivement à 41,5 % d’ici janvier 2027. Des mesures d’économies sur les pensions rapporteront par ailleurs 200 millions. À long terme, la situation de la CLR restera soumise à l’évolution démographique et à la santé financière des principaux cotisants.

♦ ENERCAL : SAUVETAGE EN COURS

Filiale d’Eramet (actionnaire à 16 %), d’Engie (11 %) mais surtout de la Nouvelle- Calédonie (54 %), le producteur et distributeur d’électricité a été au cœur des débats du Congrès en ce début d’année. Le 18 janvier, au terme d’une séance houleuse, une majorité de 31 élus (UNI, UC, Calédonie ensemble) a voté une loi destinée à sauver Enercal, qui s’estime porteur du poids du déficit du système électrique calédonien, jugé favorable à son concurrent Engie.

La taxe pour l’équilibre tarifaire (TET), qui rajoutera jusqu’à 20 francs au prix du carburant et s’appliquera à des secteurs bénéficiaires d’exonération (métallurgie, mine, armée…), devra résorber le déficit et permettre le remboursement des 13,2 milliards de dette « au cours des cinq à dix prochaines années ». Le Congrès demande aussi au gouvernement d’adopter par arrêté une série de mesures favorables à Enercal : fin du rachat de l’énergie photovoltaïque produite par les particuliers et les entreprises pour revenir à la logique d’autoconsommation, plafonnement de la rémunération des nouvelles fermes solaires, augmentation des tarifs pour les entreprises et les particuliers qui consomment le plus, etc.

Gilles Caprais