F.O.L « Le projet va bien au-delà de la salle de spectacle »

L’assemblée de la province Sud vient de voter sa participation à la SCI de la Colline qui portera la reconstruction de la FOL. La collectivité apportera 600 millions de francs, soit un peu plus de la moitié du budget prévisionnel de ce projet ambitieux aux multiples facettes. Après avoir patiné pendant plusieurs années, il reste maintenant à la Fédération des œuvres laïques à boucler le financement. Explications de Pascal Hébert, le secrétaire général de la FOL.

DNC : La FOL est-elle une structure indispensable ? Les pouvoirs publics ont-ils un intérêt à soutenir ce projet de reconstruction ? 

Pascal Hébert : Il y a deux choses qui sont apparues. La première, c’est l’aspect affectif. C’est un haut lieu de la vie culturelle. Tous les Calédoniens ont connu la FOL, à un moment ou à un autre. Une des choses qui ont donné du sens à nos discussions avec les pouvoirs publics, c’est que le créneau de salle de spectacle, c’est-à-dire avec une jauge de 550 places, n’est pas occupé par les autres salles existantes. Une étude a été réalisée par un consultant spécialisé sur cette question, afin de voir si c’était effectivement indispensable ou pas. Il en est ressorti des besoins très clairs pour une salle de 600 places. Les deux autres grandes salles font 400 et 450 places. Il y a un autre point intéressant avec les salles modernes, c’est l’aspect gradin rétractable, qui fait que l’on peut avoir une salle polyvalente dans laquelle on peut réduire la jauge pour certains types de pratiques. Cela répond à pas mal de besoins sur le plan culturel, mais le projet va bien au-delà de la salle de spectacle. L’ensemble du projet répond à d’autres enjeux de la Calédonie, comme la question de la citoyenneté, de la rencontre.

DNC : Qu’est-il prévu autour de la salle ?

Pascal Hébert : Le projet ne se construit pas autour de la salle, il se construit autour d’un forum. Le constat était de dire, finalement, ce qui est intéressant pour une association comme la nôtre et avec ce qui se construit en Nouvelle-Calédonie, c’est d’être un lieu de rencontres où les gens se parlent, des gens d’horizons différents. Ce qu’offre cette colline, c’est une des plus belles vues de Nouméa. Les gens viennent naturellement et c’est un atout majeur. Il fallait le mettre en valeur, en continuant notre mission de culture, pour que les gens viennent flâner, se voir, manger… Dans ce forum, il y aura aussi une scène ouverte, très simple. Cela répond à un enjeu océanien, un lieu ouvert qui ressemble à la diversité de ce pays et qui ne soit pas juste un bloc de béton posé sur cette colline dans lequel on fait des spectacles. Il doit répondre aux différentes modalités des pratiques culturelles. Encore une fois, ce lieu est envisagé de manière beaucoup plus large qu’une salle de spectacle. Il va plus loin en matière de culture parce qu’il répond à un enjeu très important qui est la question de la résidence d’artistes.

DNC : Justement, la résidence existe très peu en Nouvelle-Calédonie…

Pascal Hébert : Et pour cause ! Une résidence coûte très cher. L’idée a été de créer une petite salle connexe à la grande dont la surface sera l’équivalent de la scène. Cela permettra de faire des résidences et de préparer des spectacles dans une salle aux dimensions réelles. Le projet a aussi une dimension associative avec une dizaine de salles prévues. Quand on sait qu’une des questions importantes du pays est la construction de la citoyenneté et que nous sommes la région au niveau national, après Paris, où il y a le plus d’associations créées chaque année, on mesure l’importance d’avoir de ces espaces pour se construire. Il y a également tout un aspect aménagement de la colline autour des pratiques des jeunes, qu’ils puissent discuter, pratiquer la danse, la musique… Un des derniers aspects du projet réside dans des jardins partagés qui attireront encore un autre public.

DNC : Ce projet est assez ambitieux, avec un budget relativement important. Seule la partie provinciale du budget est garantie, où en sont les discussions?

Pascal Hébert : Il y a plusieurs discussions en cours depuis quatre ans. Nous avons beaucoup travaillé avec l’État, qui n’est pas compétent directement, mais qui nous a toujours soutenus, notamment pour inscrire ce projet comme un projet structurant pour la Nouvelle-Calédonie et donc, possiblement, qu’il bénéficie des contrats de développement. Il n’y a pas d’engagement à ce jour mais on y travaille. Nous avons eu des rencontres avec l’ancien secrétaire général du haussariat et les différents ministres des Outre-mer. Les retours ont été très positifs et nous sommes plutôt confiants. Un autre des partenaires forts, pas tant sur la question financière que technique, c’est la mairie. On devrait pouvoir présenter le projet à son comité exécutif d’ici la fin du mois. C’est vrai qu’à ce jour, cela fait un an que l’on attend d’être reçu, juste pour pouvoir expliquer le projet à la nouvelle équipe. L’impatience montait mais on a visiblement une opportunité. Sur le fond, on ne peut pas imaginer que ce projet qui va être structurant, de par son emplacement dans le centre-ville et vu son rôle dans l’histoire du pays, ne reçoive pas le soutien de la mairie.

DNC : Il reste le gouvernement…

Pascal Hébert : Nous n’avons pas eu de confirmation écrite à ce jour, mais des engagements de Déwé Gorodey. Pour nous, l’assurance la plus concrète, c’est le fait que le gouvernement ait déjà commencé à nous verser de l’argent pour ce projet. Rien n’est effectivement bouclé mais l’on est confiant dans l’idée que ça va avancer. Après, ce projet a aussi une dimension territoriale, c’est-à-dire d’être un lieu où se croise et fasse ensemble le monde associatif et le monde artistique aussi en provenance de la province Nord qui est en train de se structurer sur toutes ces questions.

DNC : Avec ce projet, la FOL prendrait une ampleur beaucoup plus importante, a-t-elle les épaules pour cela ?

Pascal Hébert : On ne doute pas une seule seconde de la capacité d’une structure comme la nôtre et pour plusieurs raisons. D’abord, parce que l’équipe en place a pu démontrer sa capacité à sortir d’une impasse très importante. Lorsque l’équipe est arrivée, il y avait 30 millions de francs de dettes qu’elle a complètement assainies entre 2004 et 2009. Quant à la gestion de cette salle, la FOL l’a fait pendant plus de 30 ans en portant le seul lieu de spectacle du territoire. Elle a toutes les capacités même si cela pose des questions sur la place des associations dans la construction du pays. Qui dit place, dit aussi outils de structuration. Aujourd’hui, une de ses grandes difficultés, c’est de ne pas avoir les outils adaptés, en termes de droit du travail, par exemple. En matière de gouvernance, ce projet est très intéressant car il permet d’envisager ce que seront les relations entre le monde associatif et les institutions.

DNC : Ce lieu sera un outil pour que les associations soient force de proposition ?

Pascal Hébert : C’est notre rôle aussi. En tant que fédération, nous devons faire remonter la parole associative. Ce que l’on peut constater, c’est le besoin dans ce pays d’apprendre à co-construire entre le monde associatif et le monde politique. Co-construire, ce n’est pas l’un qui donne des ordres et l’autre qui est un simple exécutant. Et inversement pour le monde associatif, qu’il sache aussi, sur des questions d’intérêt général, savoir collaborer avec tout ce que cela implique de devoir rendre des comptes. Mais il y a une plus-value pour la société calédonienne dans son ensemble qui est l’engagement de tous ces bénévoles dans des associations.

Quel planning ?

Le concours d’architectes vient d’être lancé et le lauréat devrait être retenu d’ici la rentrée 2016, période à laquelle la FOL devrait avoir une idée plus précise du budget et notamment de la possibilité ou non que le projet soit inscrit à la future génération de contrats de développement.

Les missions de la FOL

La Fédération des œuvres laïques regroupe une quarantaine d’associations. Sa mission tourne autour de l’éducation populaire, c’est-à-dire tout ce qui est accompagnement et émancipation des individus par la culture ou encore les loisirs. La FOL œuvre aussi bien au service de la vie associative, dans le cadre des loisirs que de la formation BAFA, BAFD pour les gens qui vont encadrer les centres de loisirs et les colonies de vacances. La fédération a également tout un volet spécifique autour du handicap et l’accès aux loisirs pour les personnes en situation de handicap ainsi que la formation des intervenants.