Expo coup de poing dans une ancienne gendarmerie

Les alertes n’ont pas manqué, Greta en pleure... (Virginie Purple).

Pour Virginie Purple et plusieurs autres artistes, « La fête est finie ». Cette exposition qui vise à interpeller sur le désastre écologique se visite jusqu’aux fenêtres et aux sols d’un bâtiment, en l’occurrence, l’ancienne gendarmerie de Dumbéa mise à disposition par la ville. De quoi secouer nos consciences.

Sept artistes en semi-liberté. Virginie Purple, Alejandra Rinck Ramirez, Marc Le Chélard, Véronique Menet, Kiki du Mont-Mou, Guiz Poch’Art et Xtrem vous ouvrent les portes de leur nouvel univers. Peintures, graffitis, photographies, broderies et sculptures meublent les murs, les sols, les fenêtres et les portes de ce lieu peu commun qu’est l’ancienne gendarmerie de Dumbéa.

Virginie Purple a eu carte blanche pour cette exposition/installation soutenue par la ville et la Mission aux affaires culturelles de l’État. « Je voulais faire une expo sur le thème de l’urgence environnementale car ça me tient à cœur. On avait déjà fait la fresque Greta au Mont-Dore avec Les Mains Baladeuses et celle sur les abeilles, mais il n’y a vraiment que dans ce cadre que l’on peut se permettre d’aller plus loin dans les messages. Je vis de mes œuvres et c’est assez rare qu’on me commande des œuvres très engagées. Là, l’idée n’est pas de faire quelque chose de joli que les gens achètent pour mettre au-dessus de leur canapé, mais justement de provoquer des réactions. »

EXCEPTIONNEL

L’artiste cherchait un lieu pour pouvoir s’exprimer librement, à l’échelle d’un bâti- ment entier, et la mairie lui a proposé cet établissement voué à la destruction l’année prochaine. « On a pu intervenir comme on voulait, on a cassé des murs, un encadrement de porte, on a planté un arbre dans un sol en carrelage, etc. Pour nous, c’est exceptionnel. » En particulier, précise-t-elle, pour les artistes de street art. « Même si en Nouvelle-Calédonie on n’est pas trop embêtés, ça reste toujours illégal, et en général, quand on se retrouve à la gendarmerie, ce n’est pas pour réaliser une expo… Donc c’était assez cocasse de pouvoir œuvrer dans ce lieu comme on l’a fait. »

Si le thème de départ était trouvé, le lieu, forcément chargé, a aussi inspiré les artistes qui ont travaillé en résidence de création, notamment dans les cellules. « Au début, c’était même assez difficile d’être là », glisse Virginie Purple. Marc Le Chélard expose une série de portraits pour évoquer l’emprisonnement ou l’assassinat d’activistes de l’environnement. Kiki du Mont-Mou s’est enfermé pendant six heures pour réaliser une œuvre en anamorphose inspirée par La planète des singes. Véronique Menet traite du temps qui s’écoule, notamment depuis que l’on sait qu’on a pris la mauvaise direction. Alejandra Rinck Ramirez a choisi d’illustrer la consommation de viande d’un point de vue écoféministe et les nœuds communs entre la domination des hommes sur l’en- vironnement et sur les femmes. La plupart avaient déjà travaillé avec Virginie Purple et des œuvres ont même été réalisées à plusieurs.

RÉCUP’

Une des contraintes qu’elle a imposées était d’utiliser la récupération le plus possible. On trouve de vieilles cassettes audio, de vieux livres qui n’allaient pas resservir arrivés de La Ressourcerie. Une pièce est même dédiée aux déchets des artistes. « Ça fait partie des choses sur lesquelles on se questionne. Parce qu’avec l’insularité, on n’a pas forcément tout à disposition et on passe commande. » Les déchets électroniques ont aussi leur fresque grâce à Alejandra Rinck Ramirez. « C’est une drôle de contradiction. Pour moins polluer, on veut passer en tout numérique, mais on oublie que la data c’est quand même ultra-polluant », commente Virginie Purple. Elle s’est elle-même aidée de vieux tissus pour réaliser son récif mort, blanchi, un triste clin d’œil à un récif coloré qu’elle avait fait auparavant.

La créatrice se réjouit des premiers retours. « On a des gens qui sont restés 45 minutes, qui sont ressortis avec les larmes aux yeux, ou alors avec la volonté de planter des arbres. » Mais on ressort surtout démuni et touché par ce terrible constat de gâchis. « L’exposition part de là. Même nous, artistes, qu’est-ce qu’on peut faire ? Nos armes sont celles-ci et si on arrive à éveiller deux-trois consciences, ce sera bien. »

L’exposition, à Dumbéa jusqu’au 30 septembre, vaut le détour. Les œuvres sont à vendre ou à reproduire. Une réflexion est engagée pour pouvoir la faire vivre, éventuellement sous une autre forme, jusqu’à la démolition de la gendarmerie.

Chloé Maingourd

JEUNESSE

Pendant toute la durée de l’exposition, Virginie Purple réalisera avec les élèves du collège d’Auteuil (classes d’art plastique) une œuvre monumentale faite de déchets collectés par Caledoclean.

PRATIQUE

À découvrir jusqu’au 30 septembre. 14, avenue Numa Joubert.
Jeudi et vendredi de 14 heures à 18 heures et samedi de 9 heures à 17 heures. Entrée libre et gratuite