Éviction des conjoints violents : un foyer ouvrira en 2024

Isabelle Champmoreau, vice-présidente du gouvernement, notamment chargée de la lutte contre les violences conjugales. / © G.C.

Pour évincer du domicile les auteurs plutôt que les victimes de violences intrafamiliales, l’État et le gouvernement préparent la création, en centre-ville de Nouméa, d’un foyer où interviendront notamment psychologues
et addictologues.

C’est la double peine : trop souvent, la victime de violences conjugales est contrainte de quitter son domicile, emmenant les enfants avec elle, pour échapper à l’agresseur. Les évictions de conjoints violents existent mais restent rares, faute de structure dédiée à leur prise en charge.

Les pouvoirs publics sont déterminés à remédier rapidement à cette situation. « Dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales, on s’est d’abord focalisé sur les victimes. On passe à une nouvelle étape en se tournant vers les auteurs », indique Isabelle Champmoreau, vice-présidente du gouvernement, au diapason d’une politique appliquée au niveau national. « Ce n’est pas une prison : la personne doit pouvoir sortir et travailler. L’idée, c’est de montrer à l’auteur de violences tout ce qu’il peut perdre s’il continue dans cette voie : sa famille, son emploi, etc. »

Il n’existe que 24 foyers de ce genre en France. Celui de Nouméa sera le premier en outre-mer. En vertu d’un partenariat avec la SIC, il devrait occuper le bâtiment de l’ancienne résidence des jeunes travailleurs, qui a fermé ses portes en mars 2020 en raison de difficultés financières. Les locaux auraient une capacité d’accueil de dix personnes.

18 MILLIONS DE FRANCS À TROUVER

Outre l’éviction, un foyer facilite également l’intervention de professionnels de la santé et du social : psychologues, addictologues, assistants sociaux… Il sera aisé d’y organiser les stages de responsabilisation des auteurs de violences intrafamiliales, d’une durée de deux jours, menés depuis 2021 par la province Sud.

Pour financer le fonctionnement d’une telle structure, il faudra sécuriser une subvention annuelle de 30 millions de francs, même si les résidents ont pour obligation de contribuer financièrement. Le gouvernement compte grandement sur le ministère de la Justice. Son représentant n’y voit pas d’inconvénient. « Nous tenons à ce que la Nouvelle-Calédonie, territoire le plus touché par les violences conjugales, bénéficie de ce dispositif », confirme Yves Dupas, annonçant que la Chancellerie est prête à apporter 100 000 euros (12 millions de francs) pour son fonctionnement.

Le procureur de la République voit dans ce foyer pour auteurs une réponse « pertinente », « adaptée » à la situation calédonienne. C’est lui-même qui pourra contraindre le conjoint violent à intégrer le foyer spécialisé, avant le jugement, dans le cadre d’une mesure de contrôle judiciaire.

Tous les auteurs ne seront pas éligibles : les situations les plus graves conduiront toujours à une incarcération préventive au Camp-Est. Comment faire le tri ? « Il faut voir l’état d’esprit de l’auteur. On regarde aussi son parcours pénal. Ce genre de structure convient à des profils capables de respecter un cadre, d’intégrer les contraintes », explique Yves Dupas.

La mesure serait prise pour une durée de deux mois, renouvelable une seule fois. « Il s’agit d’un dispositif expérimental pour tous les partenaires, insiste Isabelle Champmoreau. L’idée, c’est de lui donner deux ou trois années de vie pour voir si un effet positif apparaît. »

Gilles Caprais

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personnes, âgées de 18 à 75 ans, ont été victimes de violences intrafamiliales en Nouvelle-Calédonie en 2019 et 2020, selon l’enquête « Cadre de vie et sécurité » de l’Isee, publiée en 2021