En pleine épidémie… De l’espoir contre la dengue ?

Avec 360 cas déclarés en janvier, l’arrivée de la dengue de type 2 en provenance du Vanuatu, les premiers cas de Zika et de chikungunya, les autorités sanitaires sont particulièrement inquiètes quant aux risques encourus par les Calédoniens dans les mois à venir. Mais de nouveaux moyens ont été trouvés pour nous permettre d’envisager des jours meilleurs.

L’ épidémie de dengue se confirme avec 360 cas recensés en janvier et 524 depuis septembre. Ce n’est pas une surprise, les signes avant-coureurs ne trompaient pas : le virus a continué à sévir en période plus froide et se répand désormais à grande vitesse depuis l’arrivée des chaleurs. Pire, le virus de dengue 2, qui ne nous avait pas concernés depuis 1998 et contre lequel nous ne sommes plus immunisés, fait son retour. Le gouvernement fait état de « nombreux cas de type 2 importés du Vanuatu » et même du « premier cas local ».
Et puis, dans notre malheur, l’Aedes a aussi provoqué le premier cas de Zika de l’année. Alors l’habituel branle-bas de combat est lancé : épandages et visites de terrain dans toutes les zones touchées, distribution de répulsifs, contrôles à l’aéroport de La Tontouta… Tout est fait pour limiter la propagation des différents virus. Mais les autorités ne cachent pas leur inquiétude et savent déjà que « des décès seront à déplorer » et que les prochains mois seront difficiles.

Épandages alternatifs

La lutte antivectorielle constitue une priorité absolue pour la Dass NC et la ville de Nouméa, la plus durement touchée avec 213 cas de dengue recensés en janvier. Les deux entités ont réfléchi à des moyens alternatifs et plus efficaces pour endiguer cette progression. La lutte contre l’Aedes aegypti passait jusqu’ici par la recherche, la destruction des gîtes larvaires et l’épandage d’insecticide ciblant les moustiques adultes. Les épandages au malathion, mal vécus, à juste titre, par la population ont été suspendus l’année dernière à la demande du gouvernement à cause de leur dangerosité. « Et aujourd’hui, force est de constater que les méthodes utilisées présentent des limites », commente Tristan Derycke adjoint au maire de Nouméa en charge des risques sanitaires. Il y a, bien sûr, la difficulté de détruire tous les gîtes larvaires en particulier sur les endroits difficiles d’accès et surtout « les moustiques sont de plus en plus résistants aux adulticides ».

C’est ainsi que la ville et la Dass, avec les services de la direction des risques sanitaires et l’Institut Pasteur, ont lancé une étude sur les épandages de larvicide BTI (Bacillus thuringiensis israelensis), un bio insecticide affectant uniquement les larves de certains diptères (moustiques et mouches) et surtout « totalement inoffensif pour l’environnement, les autres insectes et l’homme ». Après une première étape sur terrain nu au Kuendu Beach en juin et juillet 2016, une nouvelle phase de test a été réalisée en janvier à la Vallée- des-Colons. Des gobelets remplis de larves ont été disposés dans les jardins puis un véhicule d’épandage a diffusé le larvicide BTI depuis la voie publique.  Et les résultats sont tout à fait satisfaisants. « Nous avons observé 100 % de mortalité sur les larves dans un rayon de 30 mètres des zones pulvérisées », explique Tristan Derycke. La ville devrait donc « très probablement passer à cette méthode » pour diminuer la densité des moustiques et passer à ce produit malgré son coût, « cinq fois plus élevé que les adulticides ». Un véhicule devrait être équipé et le système étendu aux autres quartiers lorsque des cas d’arboviroses seront signalés.

Marquer les esprits

Malheureusement, les autorités en ont conscience, ce moyen de lutte ne sera pas totalement efficient s’il n’est pas assorti de mesures draconiennes pour éradiquer les gîtes larvaires. La Dass a même noté que « de nombreuses personnes, dont certaines montrent tous les symptômes de la dengue, ne prennent pas les mesures individuelles responsables pour éviter de transmettre la maladie ». C’est pourquoi la ville va lancer un « vaste plan de communication et d’intervention ». Des agents supplémentaires seront déployés sur le terrain (DRS, Pepic, agents de la mairie, pompiers volontaires) pour aller dans les foyers. Une campagne de communication va par ailleurs être lancée à la rentrée et promet de bousculer les esprits à l’instar de ce qui a pu être fait pour les accidents de la route. Il s’agira de faire prendre conscience que l’on peut mourir de la dengue ! Et qu’elle peut tuer n’importe qui, de façon totalement imprévisible !

L’espoir « Wolbachia »

Mais à plus long terme, les espoirs portent surtout désormais sur la fameuse méthode Wolbachia du nom de cette bactérie symbiotique (présente à l’état naturel chez 60 % des insectes) bloquant la réplication des arboviroses dans le corps de l’insecte et, par conséquent, la capacité de transmettre les virus à l’homme. L’idée est d’introduire la bactérie dans les populations naturelles de moustiques en effectuant des lâchers de moustiques porteurs. Par le biais de la reproduction (les larves sont porteuses de la bactérie), ces moustiques remplacent en quelques mois les populations de moustiques sauvages. Élaborée par une équipe de la Monash University de Melbourne, qui y travaille depuis 15 ans, la stratégie a été testée et éprouvée à Townsville en Australie, au Brésil, en Colombie, en Indonésie ou au Vietnam.

La ville de Nouméa, la Dass et l’Institut Pasteur ont rencontré les chercheurs de Monash et une convention quadripartite devrait être signée a priori en avril avec un financement à parts égales de ce projet évalué à 186 millions de francs sur deux ans. Cette signature sera suivie de la mise en place d’une structure autonome de spécialistes (25 personnes) chargés de « fabriquer » les insectes porteurs de la bactérie Wolbachia localement et de suivre le processus. Il faudra également assurer l’information à la population (dont l’adhésion sera « indispensable ») par le biais des conseils de quartier, des agents de mairie, des écoles car tous les Nouméens devront installer leur boîte de moustiques (Mozzie Box) chez eux !

Cette phase préparatoire se déroulera jusqu’à début 2018 avant une phase opérationnelle de lâchers de moustiques sur six mois. Les autorités fondent de nombreux espoirs sur cette technique qui permettrait, espèrent-elles, d’éradiquer nos virus à Nouméa d’abord et sur le reste de la Calédonie ensuite. L’optimisme est de mise et l’on évoque une « opportunité fabuleuse » : le système a fonctionné partout où il a été testé et les moustiques sauvages ne sont pas réapparus. Dengue, Zika, chikungunya ne seront peut-être plus qu’un mauvais souvenir « à l’horizon 2019, 2020 ». Et Nouméa pourrait devenir la première commune de France à éradiquer les arboviroses.

C.Maingourd


 Rappel des gestes pour éviter une aggravation de l’épidémie

Détruire les gîtes larvaires au moins une fois par semaine

Se protéger des piqures de moustique

Détruire les moustiques adultes

Consulter un médecin dès l’apparition des signes (fièvre, courbatures, maux de tête…)

Eviter les déplacements et continuer à se protéger en cas de maladie.