En Nouvelle-Calédonie, Macron en tête d’un scrutin marqué par l’abstention

Localement, Emmanuel Macron devance largement Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Les partis traditionnels ont pratiquement disparu. Et l’abstention est la grande gagnante : elle atteint plus de 66 %.

MACRON REMPLACE LR

La majorité des électeurs qui se sont exprimés dimanche (70 500) ont accordé leur bulletin au président sortant soutenu par la plupart des non-indépendantistes, des Républicains calédoniens à Calédonie ensemble, qui ont fait campagne sur un bilan jugé positif pour le territoire (organisation des trois référendums, soutien massif dans la crise sanitaire). Emmanuel Macron obtient 28 561 voix, soit 40,5 % des suffrages, 17 500 voix de plus qu’en 2017 (12,7 %) dans un premier tour dominé par François Fillon (31 %). Des voix qui ont très largement manqué aux Républicains, traditionnellement plébiscités. Ils s’effondrent même dans les fiefs du Rassemblement. Valérie Pécresse est à 5,8 % (un peu plus de 4 000 voix – 23 000 en cinq ans). Le Rassemblement a eu peine à faire connaître sa candidate et son programme.

En deuxième position, Marine Le Pen obtient bien moins de voix qu’il y a cinq ans : 13 273 (18,8 %) contre plus de 25 000 à l’époque (29 %). Une partie des voix du Rassemblement national est à chercher chez Emmanuel Macron et du côté d’Éric Zemmour, nouveau venu, qui comptabilise un peu plus de 9 % (6 435 voix). Vient ensuite Nicolas Dupont-Aignan en hausse d’un point, (3,8 % et près de 2 700 voix). Jean Lassalle est à 1,46 %. 79,6 % des votants se sont positionnés à droite ou à l’extrême droite, une proportion qui n’a pas varié.

MÉLENCHON À GAUCHE

L’électorat de gauche (20,3 %) s’est concentré sur Jean-Luc Mélenchon, qui obtient la troisième position avec 9 711 voix et 13,7 % (+ 5 points) et, dans une moindre mesure, sur Yannick Jadot, qui réalise 3 % avec 2 171 bulletins. Le Parti socialiste s’écroule ici également. Le lien historique avec le FLNKS a fait long feu. Anne Hidalgo réalise 1,37 % (9,3 % pour Benoît Hamon en 2017 et 8,8 % pour Mélenchon). Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot avaient exprimé leur désaccord sur l’organisation du troisième référendum et le premier s’était engagé à en organiser un nouveau.

PEU MOBILISÉS

Cette élection a aussi été marquée par un désintérêt des électeurs. Seulement un tiers des personnes inscrites (33,35 % ‒ près de 73 000 personnes) se sont déplacées contre 48 % en 2017 (99 000), une perte de 15 points et une participation bien en deçà de la moyenne nationale à 74 %. Le territoire est l’endroit où l’abstention a été la plus forte après la Polynésie française.

La campagne n’a pas passionné les foules, avec peu de meetings et peu de représentants de candidats (5 sur 12). 30 000 électeurs en plus pouvaient aussi voter cette année, en raison des inscriptions automatiques, ce qui peut expliquer cet écart. Pour Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique, l’abstention peut par ailleurs s’inscrire « dans la continuité de l’appel à la non-participation du FLNKS au 3ème référendum ». (Seul le Palika avait appelé à voter « à gauche »). Et « la densité électorale depuis près de 5 ans, a peut-être aussi contribué à émousser la mobilisation de l’électorat ».

On a en tout cas plus voté dans les communes non indépendantistes. Ouvéa enregistre le plus faible taux de participation du territoire (3,38 %) et Farino le plus fort (61,32 %). Au niveau des sensibilités, pas de surprise, juste de nouveaux visages : 17 communes indépendantistes ont porté Jean-Luc Mélenchon, 16 communes non indépendantistes, Emmanuel Macron. Avec quelques exceptions : Emmanuel Macron s’est imposé à Ouégoa, Thio, Kaala-Gomen, Koné, Poya et Jean-Luc Mélenchon à l’île des Pins et Kouaoua.On remarque aussi cette percée d’Éric Zemmour a Ouvéa (18 %, soit 26 bulletins), commune indépendantiste de l’un de ses porte-paroles, Simon Loueckhote. À ne pas oublier, enfin, que 2 500 électeurs ont choisi de voter blanc.

VERS LE SECOND TOUR

Sonia Backes, présidente des Républicains calédoniens, a estimé qu’un message fort avait été envoyé au président de la République avec le plus haut pourcentage en sa faveur dans les outre mer. « Il était essentiel de montrer qu’il a été là pour nous et que nous sommes capables d’être là pour lui. » Les parlementaires de Calédonie ensemble ont estimé que ce résultat correspondait à la politique conduite par le Président, « le seul à offrir une perspective politique nouvelle en Calédonie ». Un meeting est prévu mardi 19 avril salle Venezia au Nouvata avec en visio conférence Sébastien Lecornu et Édouard Philippe. Les soutiens de Marine Le Pen continueront à défendre une autre vision de la société, basée sur « la sécurité, le pouvoir d’achat et le bien-être social des citoyens ».

Le Rassemblement LR n’a pas donné de consigne de vote. Brieuc Frogier, qui a parrainé Éric Zemmour, votera pour Emmanuel Macron. L’Union calédonienne a confirmé, lundi, qu’elle restait en dehors de cette élection « intérieure à la France métropolitaine ».

Chloé Maingourd

« Emmanuel Macron, en tant que président sortant et compte tenu du rôle de l’État dans le processus référendaire, a réussi à vampiriser l’électorat traditionnellement à droite et à l’extrême droite » analyse Pierre-Christophe Pantz. En revanche, « malgré le soutien tardif des indépendantistes et malgré l’abstention, Jean-Luc Mélenchon a réussi à sensiblement mobiliser les communes indépendantistes au détriment du Parti socialiste ».

 

Pour  Pierre-Christophe Pantz, si la participation est généralement extrêmement faible, notamment dans les communes indépendantistes, elle peut aussi s’inscrire « dans la continuité de l’appel à la non-participation du FLNKS au 3ème référendum ». « La densité électorale depuis près de 5 ans, a peut-être aussi contribué à émousser la mobilisation de l’électorat ».