[DOSSIER] Édouard Philippe prend note

Édouard Philippe a rencontré dans les trois provinces, l’ensemble des groupes politiques, les représentants des institutions, du monde économique, les maires, l’ancien Comité des Sages qu’il avait mis sur pied, la jeunesse. (© C.M.)

Devant cet amoncellement de difficultés, l’ancien Premier ministre avait choisi son moment pour une visite de six jours. Édouard Philippe écoute : il veut être candidat et se « prépare » à la présidentielle.

Il est en tête des sondages depuis son départ de Matignon, il y a quatre ans. Édouard Philippe, fondateur du parti Horizons (2021 – 25 000 adhérents) et maire du Havre, continue de soutenir la majorité, notamment pour les européennes, mais il a commencé à arpenter le terrain fin 2023 pour ses propres ambitions. La Réunion, l’Aisne, la Mayenne, la Sarthe, la Nouvelle- Calédonie. L’idée est de nourrir sa réflexion, pour imaginer comment répondre aux défis des territoires.

Sa dernière visite remonte à 2018, après le premier référendum. Alors Premier ministre, il avait préparé cette échéance avec les Calédoniens et notamment la question. Le 27 mars à Matignon, après 15 heures d’intenses discussions, tel un Michel Rocard, il avait trouvé dans la nuit un compromis avec les élus locaux. Ce fut « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ».

« SYNTHÈSE »

Édouard Philippe avait « envie de poursuivre la conversation engagée avec les Calédoniens à partir de 2017, d’essayer de comprendre, de réfléchir sur ce que peuvent être les grands sujets ici, institutionnels, mais pas seulement », déclare-t-il lors d’un passage à la province Sud auprès de la présidente Sonia Backès (Les Loyalistes). Au Congrès, avec Roch Wamytan, président UC-FLNKS, il se réjouit d’avoir « pu évoquer des souvenirs communs ». À la télévision, il retient la chaleur de l’accueil.

Interrogé sur cette visite qui intervient dans un contexte de tensions entre les partenaires sur quasiment tous les sujets, et quelques jours après celle des parlementaires pris dans la potentielle réforme du corps électoral, Édouard Philippe ne rentre pas dans la mêlée. « Je n’ai aucun mandat, personne ne m’a demandé de venir, je ne suis pas un membre du gouvernement, du Parlement et je respecte les Parlementaires qui vont s’exprimer et voter… », (ceux de son parti votent « comme ils veulent »). Et plus encore, « je ne suis pas là pour commenter les initiatives […] exprimer une préférence, une position »

Édouard Philippe a rencontré Sonia Backès, présidente de la province Sud, jeudi 21 mars. (© A.-C.P.)

Cependant, il prend « bonne note » des messages de chacun et juge qu’il pourrait « éclairer celles et ceux qui s’interrogent sur la Nouvelle-Calédonie à Paris, sur l’équilibre des forces, les tendances, la réalité des sujets ». Il a par exemple « très envie » de leur dire que « l’acuité des sujets institutionnels ne doit pas faire oublier la gravité de la crise économique ». L’inquiétude à ce sujet est partagée par tous ses interlocuteurs. Elle émerge aussi fortement sur « la tension en train de se construire ».

« Représentant politique national », il pense quand même pouvoir être utile, peut-être en faisant « une synthèse » de toutes les propositions. Pas mandaté, mais concerné donc. Et avec une « liberté » qui permet d’avoir des échanges « plus directs, sincères ». Officiellement, Édouard Philippe ne se prononcera que pour « le plus large consensus possible entre les forces politiques nationales » sur les sujets calédoniens, et sur la nécessité pour l’État de « mettre tout le monde en position de signer un accord ».

UN PROFIL COMME LE SIEN

Ses interlocuteurs ont saisi l’opportunité. « Édouard Philippe, c’est quelqu’un qui a compté pour la Nouvelle-Calédonie, qui compte aujourd’hui puisqu’il a des voix parlementaires et qui comptera sans doute pour la France demain, replace Sonia Backès. Il a 18 sénateurs, une quarantaine de députés donc au niveau parlementaire, il a du poids. Ensuite, il a été Premier ministre, il connaît trés bien la Nouvelle-Calédonie et peut faire passer des messages, il a du poids quand il s’exprime. » La présidente a fait part de son sentiment sur l’actualité. « Il y a une loi constitutionnelle qui passe, on espère que cela va donner des perspectives, mais aujourd’hui les Calédoniens ne voient pas la sortie, et j’ai fait part de notre très grande inquiétude et du besoin de soutien qu’on avait de sa part. »

Le Rassemblement et l’ancien Premier ministre, vendredi 22 mars. (© C.M.)

Roch Wamytan a lui aussi essentiellement abordé les discussions institutionnelles. « Je lui ai expliqué quel était le projet commun avec nos vis-à-vis, partenaires des accords, car nous avons été très loin, c’était important qu’il sache que les discussions locales avancent, que l’UC privilégie l’initiative calédonienne. » Il suggère aussi qu’il faut « du temps, et encore du temps » pour poursuivre les discussions et « dégager l’horizon » de cette « épée de Damoclès », la révision constitutionnelle qu’il faut « absolument repousser ».

Le président tacle enfin la « méthode de Darmanin » qui « bloque » fréquemment le processus. « Il faut de nouveaux interlocuteurs » poursuit-il, évoquant une nouvelle mission de dialogue, volonté confirmée lors du Congrès du FLNKS, « avec des profils comme ceux d’Édouard Philippe, qui nous connaissent, qui pèsent, qui nous aident ». Roch Wamytan ajoute même : « il ferait vraiment un bon président ».

Chloé Maingourd