[DOSSIER] Les régimes retraite et santé en péril

Christophe Coulson, le président de l’UT CFE-CGC.© A.-C.P.

Si rien n’est fait, les réserves du régime retraite de la Cafat seront épuisées à l’horizon 2026. Celles de la CLR, les fonctionnaires territoriaux, le sont presque déjà. Le Ruamm accumule les pertes. Une « situation alarmante », avertit le syndicaliste Christophe Coulson.

« Le problème structurel numéro 1, c’est le rapport démographique » lié au vieillissement de la population, au ralentissement de la natalité et aux départs, insiste Christophe Coulson de l’UT CFE-CGC. Le ratio nombre de salariés par retraité chute inexorablement et de plus en plus rapidement.

À la Caisse locale de retraite (CLR), ce chiffre était de 1,76 en 2023 (1,96 en 2019 et 8 dans les années 1990)*. À la Cafat, il est passé de 2,52 en 2015 à 1,91 en 2022. Le nombre de pensionnés a grimpé d’un tiers en seulement sept ans et, en parallèle, les dépenses de prestations ont augmenté plus vite que les cotisations. Résultat, depuis 2018, la Cafat débourse chaque année plus d’argent qu’elle n’en perçoit, créant un déficit qui ne cesse de se creuser.

Pour le combler, les services piochent dans les réserves, mais la moitié des 42,4 milliards de francs dont elles étaient dotées en 2020 a fondu. Et, si rien n’est fait, les quelque « 20 milliards de francs actuels » auront disparu d’ici deux à trois ans, estime Christophe Coulson. « La situation est alarmante, c’est vraiment inquiétant pour les années à venir. »

DES RÉFORMES INSUFFISANTES

D’autant que les mesures prises ne compensent pas le manque à gagner. En 2023, les élus du Congrès mettaient en place, entre autres, des taux d’abattement plus dissuasifs en cas de départ avant 60 ans pour les fonctionnaires territoriaux. Une des dispositions de « l’acte 1 » de la réforme de la CLR, dont le deuxième volet attend d’être examiné au Congrès, indique Christophe Coulon. « L’acte 2 » prévoit notamment de reculer l’âge de la retraite à 62 ans, « d’assurer un recrutement suffisant de fonctionnaires » et de « mieux intégrer les contractuels ».

La Cafat rencontre les mêmes problèmes, et le report de l’âge de départ de 60 à 62 ans d’ici 2026 par le gouvernement en 2022 ne suffit pas. Alain Monnier, secrétaire administratif Usoenc de l’intersyndicale des retraités, n’est guère optimiste. « On s’attend à ce que les pensions ne soient pas revalorisées pendant les deux à trois ans à venir. » Cela devrait être le cas dès cette année dans un premier temps. Le dernier conseil d’administration a tranché en faveur du gel du point d’indice en 2024 et « les partenaires sociaux travaillent à trouver un accord dans le cadre de la commission paritaire retraite de la Cafat », annonce le président de l’UT CFE-CGC.

Parmi les solutions qui pourraient être envisagées, un nouvel allongement de la durée de cotisation jusqu’à 64 ans, comme dans l’Hexagone. « Partir plus tard est peut-être un des leviers les plus viables sur la durée », considère Alain Monnier. L’UT CFE-CGC s’y oppose avant 2026. L’augmentation de la CCS [revue à la hausse en 2022, de 1,3 % à 2 %, NDLR] semble également inévitable pour le secrétaire administratif Usoenc. La Chambre territoriale des comptes le recommande dans un rapport sur la Cafat paru en 2022.

 

Alain Monnier, secrétaire administratif Usoenc de l’intersyndicale des retraités. (© A.-C.P.)

DES SOINS MOINS REMBOURSÉS ? 

À cela s’ajoute le déficit des comptes du Ruamm. Le vieillissement de la population, catégorie d’âge particulièrement concernée par les maladies, accroît les dépenses de santé. Les prestations ont progressé de 28 %, tandis que les cotisations se sont élevées de 13,3 % entre 2012-2022. Le risque, à terme, c’est que « des malades ne soient plus soignés parce que personne ne pourra payer. C’est une possibilité et on n’en est pas loin », redoute Christophe Coulson, qui prône, outre la recherche de recettes, de s’attaquer aux dépenses. « On est obligé de faire des économies, il faut davantage de contrôle. C’est en réflexion, mais cela n’avance pas assez vite. » Une réforme du Ruamm est indispensable. « Elle doit venir régler beaucoup de choses à condition qu’elle soit faite correctement. »

La crise que traverse le secteur du nickel et, plus globalement, l’économie calédonienne, renforçant le chômage, que le gouvernement peine à financer, multiplie les difficultés. « S’il y a moins d’actifs, il y a moins de consommation, donc moins de salariés et moins de cotisants, c’est le serpent qui se mord la queue », déclare Christophe Coulson. Malgré ce contexte, Alain Monnier ne voit pas d’autre issue que de réfléchir aussi à des moyens de développer l’économie. « Il faut créer de l’emploi et attirer des gens. »

 


En 2022 :

  • Le régime retraite de la Cafat comptait 118 142 actifs cotisants (fin 2021) pour 40 019 pensionnés (30 993 en 2015), déboursait 38,9 milliards de francs de prestations (29,2 milliards en 2015), avait un résultat net négatif de -5,8 milliard (+4,3 milliards en 2015), 31,2 milliards de réserves (49,8 milliards en 2018) et enregistrait 2 234 admissions à la retraite (1 583 en 2015).
  • La Caisse locale de retraites (fonctionnaires territoriaux) comptait 10 398 cotisants pour 5 897 pensionnés, enregistrait 259 nouvelles admissions (176 en 2019), versaient 20,2 milliards de francs de pensions (17,9 milliards en 2019) et avait 1,6 milliard en trésorerie en juillet 2023 (6,7 milliards en 2019).
  • Le Ruamm comptait 265 565 bénéficiaires, dont 40 959 assurés Cafat en longue maladie (45 982 avec les aides médicales), représentait 71,3 milliards de francs de dépenses de santé et avait des réserves en négatif de -34,8 milliards.

 

Anne-Claire Pophillat